Des factures d’énergie exorbitantes plongent des millions de personnes dans la pauvreté au Royaume-Uni et pourraient causer de nombreux décès

Quelques heures après la hausse vertigineuse de 80 pour cent de la facture énergétique annuelle des ménages britanniques, qui a atteint 3.549 livres (4.160 euros) par an, les dernières projections de prévisionnistes indépendants prévoient une augmentation brutale de 5.400 livres (6.330 euros) par an en janvier et de 7.200 livres (8.440 euros) en avril.

Cette dernière hausse rend déjà les factures inabordables pour beaucoup. En janvier 2019, le plafond annuel des prix de l'énergie était encore de 1.137 livres (1.333 euros).

Des manifestants brandissent des affiches alors qu’ils protestent devant l’Ofgem, le régulateur britannique de l’énergie, qui a augmenté le plafond des prix du gaz et de l’électricité d’environ 80 pour cent pour la plupart des ménages, à Londres, le vendredi 26 août 2022 [AP Photo/Alastair Grant] [AP Photo/Alastair Grant]

Le plafond des prix est fixé par l’Ofgem, le régulateur de l’énergie, et est basé sur une utilisation typique d’un tarif par défaut (variable standard). Mais en réalité, il n’existe pas de limite supérieure pour les 24 millions de ménages d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles. Il est prévu que pour de nombreux ménages, en particulier les familles nombreuses ayant des besoins énergétiques supplémentaires, l’augmentation du plafond énergétique d’avril prochain pourrait les amener à payer 10.000 livres ou plus pour leur consommation annuelle de carburant.

Selon une étude du Trades Union Congress (TUC), les factures d’énergie des trois derniers mois de l’année augmenteront 35 fois plus vite que les salaires et 57 fois plus vite que les allocations. Alors que les factures mensuelles pourraient s’élever à environ 500 livres par mois en janvier pour les personnes qui bénéficient d’un tarif moyen, pour environ 4 millions de ménages principalement pauvres contraints d’utiliser des compteurs à prépaiement, les factures augmenteront encore plus rapidement. Le groupe de réflexion Resolution Foundation a prédit que pour les utilisateurs de compteurs à prépaiement, «les factures d’énergie type pour le seul mois de janvier pourraient atteindre 714 livres. Cela fait plus de la moitié de leur revenu mensuel disponible».

Une famille à faible revenu sera obligée de consacrer 46 pour cent de son revenu aux factures d’énergie, soit quatre fois plus que l’année dernière. Pour une famille monoparentale à faible revenu, 66 pour cent de son revenu sera consacré à l’énergie. Un retraité perdra 40 pour cent de son revenu disponible en factures d’énergie et un adulte célibataire à faible revenu risque d’être plongé dans l’endettement, perdant un pourcentage stupéfiant de 120 pour cent de son revenu pour payer les factures d’énergie. Les couches vulnérables, notamment les 75 pour cent de ménages déjà endettés ayant une personne handicapée, vont sombrer dans la misère.

La semaine dernière, les chefs du National Health Service ont fait une intervention extraordinaire, avertissant le gouvernement conservateur que des milliers de personnes vont mourir à cause de factures d’énergie inabordables. Au moins 10.000 personnes meurent déjà chaque année en Grande-Bretagne à cause de la «pauvreté énergétique».

L’association de lutte contre la précarité énergétique National Energy Action (NEA) a déclaré que, par rapport à l’année dernière, le nombre de ménages en situation de précarité énergétique doublerait pour atteindre 8,9 millions en octobre. Le directeur général de NEA, Adam Scorer, a prévenu: «Un million de foyers supplémentaires ne seront pas chauffés cet hiver… cela va entraîner plus de problèmes de santé, plus de décès».

En avril et mai, l’expert financier Martin Lewis a averti que si les gens n’étaient pas nourris et capables de se chauffer, il y aurait des troubles civils. Son pronostic en mai était basé sur des projections d’augmentations de factures «à la mi-octobre pour atteindre 2.600 livres (3.048 euros) au milieu de l’hiver…» La hausse de 3,549 livres (4.160 euros) annoncée en octobre dépasse déjà les prévisions les plus pessimistes de Lewis et la hausse de 5.400 livres (6.330 euros) en janvier portera la souffrance de millions de personnes à des niveaux inouïs.

S’exprimant vendredi à l’émission Today de la BBC, Lewis a déclaré: «On m’a accusé de catastrophisme à propos de cette situation. Eh bien, la raison pour laquelle j’étais catastrophé est que c’est une catastrophe, purement et simplement».'

La hausse des factures est un facteur important dans la flambée de l’inflation, la mesure la plus précise RPI étant de près de 12,5 pour cent, avec des estimations du groupe américain de services financiers Citi selon lesquelles elle s’envolera à 21 pour cent au premier trimestre de 2023.

La hausse des prix plonge de nombreux ménages dans la misère, incapables de faire leurs courses, de chauffer leur maison ou même de se laver.

Pendant ce temps, les prix abusifs signifient que les principaux fournisseurs d’énergie britanniques ont engrangé des superprofits de plus de 15 milliards de livres sterling cette année jusqu’à présent. La société Harbour Energy PLC, basée à Édimbourg, la plus grande entreprise indépendante de pétrole et de gaz du Royaume-Uni, a vu ses bénéfices multipliés par 12. La semaine dernière, elle a annoncé que ses bénéfices semestriels pour 2022 avaient atteint 1,3 milliard de dollars et qu’elle verserait 200 millions de dollars supplémentaires à ses actionnaires.

Un rapport du syndicat Unite, intitulé «Les profits abusifs des sociétés et la crise du coût de la vie» (Corporate Profiteering and the Cost of Living Crisis), note: «Même en excluant les entreprises du secteur de l’énergie, les bénéfices des plus grandes sociétés cotées en bourse au Royaume-Uni ont augmenté de 42 pour cent… Le bénéfice moyen des 230 entreprises FTSE 350 non énergétiques, à l’exclusion des fonds d’investissement, qui ont déposé leurs résultats pour 2021 a augmenté pour atteindre 385 millions de livres sterling en 2021, contre 271 millions en 2019».

Les coûts de l’énergie augmentent de manière exponentielle dans toute l’Europe, mais les pratiques des sociétés britanniques restent aberrantes. Le site euronews a rapporté: «Avant même que la hausse d’aujourd’hui ne soit annoncée, les ménages britanniques faisaient face à certains des prix les plus élevés d’Europe – presque le double de la France. Seule la République tchèque était plus élevée que le Royaume-Uni, suivie par l’Italie et l’Estonie».

L’élite dirigeante britannique est insensible aux demandes de mise à disposition d’une aide immédiate pour soulager les souffrances, les conglomérats de l’énergie refusant de céder un centime. Le message qu’envoie la classe dirigeante est le suivant: «Il y a une guerre en Europe dans laquelle la Grande-Bretagne est impliquée jusqu’au cou, nous donnons des milliards en aide militaire à l’Ukraine et cela doit être payé par la classe ouvrière».

S’exprimant depuis Kiev mercredi dernier pour marquer la journée de l’indépendance ukrainienne et se complaisant dans la poursuite de la guerre par procuration de l’OTAN, le premier ministre sortant Boris Johnson a déclaré: «Nous savons que si nous payons les méfaits de Vladimir Poutine sur nos factures d’énergie, le peuple ukrainien les paie de son sang». 

Le ministre des Forces armées James Heappey a déclaré que soutenir la guerre de l’Ukraine contre la Russie signifie qu’un «hiver vraiment coûteux nous attend» et doit être supporté par les travailleurs, «quels que soient la douleur et le coût à court terme».

Dimanche, le chancelier Nadhim Zahawi a renchéri en déclarant: «La réalité est que nous devrions tous examiner notre consommation d’énergie. C’est une période difficile. Il y a une guerre sur notre continent… Nous devons rester résilients».

Liz Truss, clone de Thatcher, qui devrait être nommée nouveau chef du Parti conservateur et remplacer Johnson au poste de premier ministre dans une semaine, ne propose rien face à la paupérisation de dizaines de millions de personnes. Même le Sun, journal soutenu par les conservateurs, a été contraint de critiquer son «plan» énergétique, qui repose sur la suppression de quelques taxes vertes et ne permettra aux ménages d’économiser que 11 livres par an!

Il n’y a que des plans de répression alors que la colère grandit parmi des millions de personnes, exprimée par une vague de grèves montante. Le tabloïd de Rupert Murdock a écrit: «Alors que la crise s’aggrave, le Sun on Sunday peut révéler que les ministres prévoient une vague de criminalité liée au coût de la vie et d’éventuelles émeutes».

«Les fonctionnaires du gouvernement ont élaboré des plans pour faire face à une agitation de masse face à la flambée des factures d’énergie».

Le Parti de l’égalité socialiste propose une politique qui place les besoins sociaux avant les profits des grandes entreprises:

  • Un gel effectif immédiat des prix de l’énergie pour les ménages doit être imposé et un véritable plafonnement des prix mis en œuvre afin qu’aucun ménage ne soit confronté à des coûts de carburant qui le plongeraient dans la ruine.
  • Les superprofits enregistrés par les compagnies pétrolières, gazières et autres entreprises du secteur de l’énergie doivent être expropriés et placés dans un fonds contrôlé publiquement pour le soulagement immédiat des ménages les plus pauvres.
  • La population britannique et les travailleurs du monde entier sont pris en otage par les appétits rapaces de vastes conglomérats énergétiques qui menacent le globe d’une baisse du niveau de vie, de la destruction de l’environnement et de la guerre. Cette mainmise doit être brisée en transformant les principaux conglomérats énergétiques en entreprises de services publics appartenant à l’État et contrôlées démocratiquement.
  • En opposition à l’enrichissement de l’oligarchie financière, l’exploration, le développement et l’utilisation des ressources énergétiques doivent être guidés par un plan international rationnel, débattu publiquement et approuvé démocratiquement par la classe ouvrière. Ce plan doit répondre aux besoins des populations du monde entier en matière d’énergie renouvelable, peu coûteuse et respectueuse de l’environnement.

(Article paru en anglais le 29 août 2022)

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