Mercredi, lors de la célébration du 200e anniversaire de l’indépendance du Brésil, le président Jair Bolsonaro et ses partisans d’extrême droite ont organisé une série de manifestations qui prônent l’instauration d’une dictature autoritaire dans le pays.
Moins d’un mois avant les élections présidentielles brésiliennes, pour lesquelles Bolsonaro a systématiquement fomenté un coup d’État inspiré des actions de Donald Trump le 6 janvier, ce 7 septembre a marqué un tournant critique. Il a vu une unification sans précédent dans les rues des partisans de son projet politique fasciste et des forces militaires, avec l’assentiment des généraux.
Dans plusieurs villes, les partisans du président sont descendus dans la rue avec des banderoles qui prônaient une intervention des forces armées contre le pouvoir judiciaire et le Congrès et pour la «criminalisation du communisme» au Brésil.
Bolsonaro a participé à deux événements: le premier, organisé à l’Esplanade des ministères à Brasilia, et le second à Rio de Janeiro, où s’est déroulée une parade militaire massive, à laquelle les présidents de la République n’assistent traditionnellement pas.
L’événement officiel qui célébrait le jour de l’indépendance à Brasilia a réuni des dirigeants politiques des pays lusophones, aux côtés de représentants des sections les plus réactionnaires de la société brésilienne, tels que les vestiges d’extrême droite de la famille royale portugaise qui a dirigé le Brésil et des hommes d’affaires qui ont fait l’objet d’une enquête pour avoir prôné le coup d’État de Bolsonaro. Le président portugais, le prétendu «gauchiste» Marcelo Rebelo, a posé lors de l’événement aux côtés de Bolsonaro, alors que ce dernier tenait un drapeau du Brésil dont le slogan «Ordre et progrès» avait été remplacé par «Brésil sans avortement» et «Brésil sans drogue».
Toujours à Brasilia, alors qu’il s’adressait à ses partisans, le président a évoqué des épisodes de l’histoire du Brésil, notamment le coup d’État militaire de 1964. En les comparant aux élections actuelles, il a déclaré de manière sinistre: «L’histoire peut se répéter. Le bien a toujours gagné sur le mal». À Rio de Janeiro, faisant référence au candidat du Parti des travailleurs (PT), Lula, le favori des sondages, et aux «gauchistes» en général, il a affirmé que «ce genre de personnes doit être éradiqué de la vie publique».
Les analyses des médias bourgeois ont souligné la «modération» du ton de Bolsonaro par rapport à ses discours lors de la fête de l’indépendance de l’année précédente. Cette fois-là, dans des manifestations du même caractère pro-coup d’État, le président avait annoncé «un ultimatum à tous les membres des trois branches du gouvernement».
Ces mêmes analyses ont concentré leur feu sur le «machisme» du discours de Bolsonaro à Brasilia dans lequel il a entraîné la foule à scander «imbrochável» (un terme grotesque destiné à se décrire immunisé contre l’impuissance sexuelle). La chaîne Uol, liée à Folha de São Paulo, a interviewé la députée Sâmia Bomfim du Parti Socialisme et Liberté (PSOL) de la pseudo-gauche. Elle a déclaré à propos de «l’aspect machiste de Bolsonaro»: «J’espère vraiment qu’il regrette beaucoup d’être comme cela. Je crois que c’est l’un des principaux éléments qui peuvent contribuer à sa défaite aux élections d’octobre».
Pour les éléments de la bourgeoisie et de la classe moyenne supérieure qui dictent l’opinion publique, c’est une raison bien plus sérieuse de s’opposer à Bolsonaro que sa planification active d’un coup d’État.
Mais les journaux ne pouvaient ignorer le succès absolu de Bolsonaro dans son objectif principal: celui d’effacer toute barrière entre les célébrations militaires et ses rassemblements politiques fascistes.
Le chroniqueur de l’Estado de São Paulo, Marcelo Godoy, a décrit les événements de Rio de Janeiro: «La plate-forme militaire située à côté du fort de Copacabana a été prise d’assaut par des partisans de Bolsonaro vêtus de T-shirts verts et jaunes, tandis que le présentateur accentuait le nom du candidat et que la foule répondait: “Mythe!”. Le président est descendu de l’estrade et est allé saluer ses partisans pendant que les canons de l’armée tiraient leurs saluts».
«Tout se déroulait sous les yeux de deux membres du haut commandement de l’armée de terre, le commandant militaire de l’Est, le général André Luiz Novaes, et du chef du département de l’enseignement des forces terrestres, le général Flávio Marques Barbosa, accompagnés d’officiers généraux de la marine et de l’armée de l’air.»
Outre les manifestations «terrestres», les partisans de Bolsonaro ont organisé une «parade de jet-ski» au large de la plage de Copacabana, avec des navires militaires en arrière-plan. Sur les photos, des hors-bords et des jet-skis qui faisaient campagne pour une dictature au Brésil ont posé avec des navires de guerre de l’US Navy envoyés pour participer aux célébrations militaires.
Ces développements démystifient toutes les assurances données par les médias, ainsi que par les partis de la pseudo-gauche, sur un supposé «engagement constitutionnel» qui empêcherait les forces armées de soutenir un coup d’État de Bolsonaro, et sur une supposée «défense de la démocratie» par l’impérialisme américain.
L’analyste politique Igor Gielow, de Folha de São Paulo, a également reconnu que Bolsonaro «a effectivement détourné les célébrations du bicentenaire de l’indépendance» et «également l’armée». Il en conclut: «Il reste à voir, dans l’hypothèse du 6 janvier de Bolsonaro, à l’image et à la ressemblance de celui des États-Unis de Donald Trump, s’il y aura un général Mark Milley (chef d’état-major américain) qui dira “non” aux actes arbitraires».
La comparaison entre le coup d’État en préparation par Bolsonaro et celui promu par Trump aux États-Unis est pertinente. Mais la conclusion selon laquelle un tel coup d’État peut être évité par une sorte de «Mark Milley brésilien» est à la fois fausse et révélatrice de la faillite de la politique bourgeoise au Brésil.
Aux États-Unis, le Parti démocrate et les médias bourgeois ont mis toute leur confiance dans la défaite des efforts de coup d’État de Trump par l’armée. Le New York Times et d’autres ont déclaré le général Mark Milley comme le sauveur de la démocratie américaine pour avoir pris ses distances avec le président au moment de sa tentative de coup d’État. Mais, comme le World Socialist Web Site l’a analysé en détail, Milley a contribué à aider Trump à faire avancer ses plans de coup d’État jusqu’au dernier moment, et sa rupture avec le président était due à l’incertitude du succès d’un tel coup d’État. De plus, l’intervention de Milley n’a pas pu empêcher les partisans fascistes de Trump d’assiéger le Capitole pendant 199 minutes sans aucune intervention policière ou militaire efficace.
La confiance placée par les démocrates dans les manœuvres de coulisses avec l’armée et l’État contre les menaces de coup d’État de Trump n’a fait que lui permettre de continuer à développer le type de mouvement fasciste jamais vu auparavant aux États-Unis, comme l’a reconnu Biden lui-même. Les tentatives de Lula et des groupes de pseudo-gauche dans son orbite de copier cette recette préparent le terrain pour une catastrophe au Brésil.
Les événements de ce 7 septembre renforcent l’appel du Groupe socialiste pour l’égalité (GSI) à une mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre les complots autoritaires de Bolsonaro et de l’armée.
(Article paru en anglais le 8 septembre2022)
