La Banque mondiale déclare que les hausses de taux d’intérêt conduisent à la récession mondiale

La Banque mondiale a prévenu que les hausses synchronisées des taux d’intérêt par les banques centrales, la Réserve fédérale américaine en tête, poussent l’économie mondiale vers la récession et que les hausses de taux ne feront pas baisser l’inflation.

Une personne portant un masque contre le coronavirus passe devant des commerces fermés à Philadelphie, le jeudi 7 mai 2020 [AP Photo/Matt Rourke] [AP Photo]

Ces sombres perspectives ont été publiées dans une mise à jour économique sur l’état de l’économie mondiale publiée jeudi. Tout en maintenant le mantra selon lequel des hausses de taux d’intérêt sont nécessaires pour «endiguer les risques d’une inflation élevée persistante», la banque a déclaré que son «scénario de base» était que «le degré de politique monétaire attendu par les participants au marché ne sera pas suffisant pour rétablir une inflation faible en temps voulu».

Par conséquent, un «deuxième scénario» de fort ralentissement, avec un nouveau resserrement de la politique monétaire, se produirait mais toujours «sans rétablir l’inflation d’ici la fin de la période de prévision».

Dans le cadre d’un troisième scénario, qui semble très probable étant donné que l’inflation ne devrait pas baisser, «des hausses supplémentaires des taux directeurs déclencheraient une forte réévaluation des risques sur les marchés financiers mondiaux et entraîneraient une récession mondiale en 2023».

Commentant le rapport, le président de la Banque mondiale, David Malpass, a déclaré: «La croissance mondiale ralentit fortement, et il est probable que le ralentissement se poursuivra à mesure que de nouveaux pays entreront en récession. Je crains fort que ces tendances ne persistent, ce qui aura des conséquences durables et dévastatrices pour les populations des marchés émergents et des économies en développement.»

Malpass, une personne nommée par Trump, est depuis longtemps un serviteur du capital financier, dont les opérations ont causé des ravages dans les sections les plus pauvres de la population mondiale pour lesquelles il prétend maintenant parler.

Tandis que presquetoutes les banques centrales, grandes et petites, relèvent leurs taux et que les gouvernements réduisent leurs dépenses, la banque a déclaré que l’économie mondiale «se trouve au milieu de l’un des épisodes de resserrement monétaire et budgétaire les plus synchronisés au niveau international des cinq dernières décennies».

L’une des raisons de ce synchronisme est que les banques centrales doivent répondre aux hausses de taux d’intérêt de la Fed.

Chaque hausse de la Fed, du moins jusqu’à présent, a entraîné une hausse du dollar et une dévaluation des monnaies des autres pays. Cela stimule l’inflation car les prix à l’importation augmentent, en particulier ceux de l’énergie et des denrées alimentaires, ce qui pousse les autres banques centrales à relever leurs taux pour atténuer la baisse de leurs devises par rapport au dollar.

La Banque mondiale a déclaré que les hausses de taux d’intérêt étaient nécessaires pour «contenir les pressions inflationnistes» – malgré ses prédictions contraires – mais que leurs «effets mutuellement cumulés pourraient produire des impacts plus importants que prévu, à la fois en resserrant les conditions financières et en accentuant le ralentissement de la croissance».

Elle a comparé la situation actuelle à celle de 1982, lorsque les hausses de taux d’intérêt effectuées par la Fed sous la présidence de Paul Volcker ont conduit à une récession mondiale.

L’objectif de cette politique, bien qu’il n’ait pas été mentionné par la banque, était d’écraser le mouvement salarial de la classe ouvrière en réponse à l’inflation. La politique actuelle, menée au nom de la «lutte contre l’inflation», a le même objectif.

Les conséquences risquent d’être encore plus dévastatrices qu’il y a 40 ans. Cela est dû à la quantité massive de capital fictif et de dette qui a été accumulée en raison des politiques d’argent facile menées par la Fed et d’autres banques centrales au cours des dernières décennies. Ces politiques ont été accélérées dans le sillage de la crise financière de 2008 et de l’effondrement des marchés en mars 2020, au début de la pandémie.

La mise à jour de la banque a souligné ces effets en notant que «la hausse des coûts d’emprunt mondiaux accroît le risque de tensions financières parmi les nombreuses économies de marché émergentes et en développement qui, au cours des dernières décennies, ont accumulé des dettes au rythme le plus rapide depuis plus d’un demi-siècle.»

Cette évaluation a été soulignée par Gabriel Stern, responsable de la recherche sur les marchés émergents à Oxford Economics, dans des commentaires au Wall Street Journal. «Si une plus grande appréciation du dollar se produit, ce sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Des marchés frontière sont déjà sur le point de basculer vers la crise, la dernière chose dont ils ont besoin est un dollar fort.»

Les risques ne se limitent pas aux marchés émergents. La semaine dernière, le Financial Timesa publié une liste de 207 entreprises qu’il a qualifiées de «géants de la dette». Il s’agit d’entreprises qui ont pu couvrir les failles de leur modèle économique grâce à des taux d’intérêt très bas, mais qui se retrouvent soudainement confrontées à la perspective de devoir «essayer d’honorer les factures d’intérêts avec des flux de trésorerie réduits».

Les entreprises figurant sur la liste, qui va du plus grand producteur de poulets de Grande-Bretagne à une chaîne de supermarchés française, en passant par des sociétés immobilières chinoises, sont celles dont la dette se négocie à plus de 10 points de pourcentage (1000 points de base) au-dessus des obligations d’État.

Dans le sillage des avertissements de la Banque mondiale, d’autres signes de récession mondiale sont apparus. Jeudi soir, la société mondiale de logistique Fedex a prévu une baisse importante des livraisons de colis dans le monde entier en raison de la détérioration des perspectives économiques.

S’exprimant sur la chaîne économique CNBC, le nouveau PDG de FedEx, Raj Subramaniam, a déclaré qu’il s’attendait à ce que l’économie mondiale entre en récession. La société a déclaré qu’elle gelait les embauches, fermait 90 bureaux FedEx et garait certains de ses avions cargo.

Vendredi, en réaction à cette annonce, les actions du géant mondial de la livraison, considéré comme un indicateur de l’économie mondiale, ont chuté de 21 %, soit la plus forte baisse en une seule journée de son histoire, pire que le krach du lundi noir d’octobre 1987, la crise financière de 2008 et l’effondrement des marchés de mars 2020.

Une partie de la chute est peut-être due aux circonstances particulières de l’entreprise, mais d’autres sont soumises aux mêmes forces mondiales. Les actions d’UPS, Amazon et XPO Logistics ont également chuté.

Les données du Royaume-Uni sur les ventes au détail ont également mis en évidence les tendances croissantes à la récession, qui viennent s’ajouter à la dégradation de la situation en Europe continentale, notamment en Allemagne, où les entreprises ont imposé des licenciements massifs et où les chercheurs de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale ont mis en garde contre une «récession de masse».

Selon l’Office of National Statistics britannique, les ventes au détail ont fortement chuté en août en raison de la hausse des prix, surtout ceux de l’énergie, se contractant de 1,6 % et inversant la légère augmentation enregistrée en juillet.

Olivia Cross, économiste de Capital Economics, a déclaré au FT que les données suggéraient «que la dynamique de baisse s’accélère» et soutenaient son opinion selon laquelle «l’économie est déjà en récession.»

Les derniers chiffres de vente reflètent une tendance à la baisse continue qui est évidente depuis l’été de l’année dernière. En avril 2021, le volume des ventes au détail était supérieur de 10 % à celui d’avant la pandémie. Aujourd’hui, il est presque revenu à son niveau d’avant la pandémie.

Pour témoigner de la dégradation de la situation de l’économie britannique, la livre est tombée à son plus bas niveau par rapport au dollar américain depuis 1985, après avoir chuté d’environ 1 %. L’euro continue d’osciller en dessous de la parité avec la devise américaine.

La Fed ne relâchera pas ses efforts pour imposer une récession et tenter d’écraser la recrudescence des luttes de la classe ouvrière pour des augmentations de salaire et la fin des conditions de travail de plus en plus intolérables.

Les marchés ont «intégré» comme une quasi-certitude une augmentation du taux d’intérêt de base de la Fed de 75 points de base lors de sa réunion cette semaine et ont revu à la hausse leur estimation de la position de la Fed. On s’attend à ce que son taux de base passe à 4,4 % en mars, contre 4 % au début de la semaine dernière.

D’autres partisans encore plus agressifs de la guerre contre la classe ouvrière, comme l’ancien secrétaire démocrate au Trésor Lawrence Summers, exigent une augmentation de 100 points de base.

(Article paru en anglais le 19 septembre 2022)