«Nous nous battrons pour ce que nous méritons, avec ou sans le syndicat»: les cheminots sont furieux après l’accord conclu la semaine dernière avec la Maison-Blanche pour bloquer la grève

Le WSWS a été inondé de déclarations de cheminots qui s’opposent à l’accord conclu la semaine dernière pour éviter une grève nationale. Nous en incluons une petite sélection ci-dessous. Ajoutez votre voix à la leur! Contactez-nous en remplissant le formulaire en bas de cet article. Tous les commentaires resteront anonymes.

Ensuite, engagez-vous dans la lutte contre la trahison en rejoignant le Comité de base des travailleurs du rail, envoyez un courriel à railwrfc@gmail.com ou un SMS au (314) 529-1064. Distribuez leur dernière déclaration, «Les syndicats du rail ont violé nos droits. Organisez le Réseau de base des travailleurs du rail pour contrecarrer leur trahison!» le plus largement possible parmi vos collègues de travail.

Un travailleur monte sur un wagon à un passage à niveau de BNSF à Saginaw, Texas, mercredi 14 septembre 2022. [AP Photo/LM Otero] [AP Photo/LM Otero]

«C’est déjà assez mauvais que le Congrès veuille nous enlever la possibilité de faire grève, mais maintenant nos propres syndicats ont fait la même chose»

Un machiniste: «Je suis un machiniste avec huit ans de service. Nous en avons marre de voir la couche supérieure de notre syndicat accepter n’importe quoi, sans aucune forme de vote. Quatre-vingt-dix pour cent des travailleurs de notre atelier doivent utiliser la FMLA [loi sur les congés familiaux et médicaux applicable en l’absence de dispositions contractuelles plus favorables], pour pouvoir prendre des congés sans se faire réprimander. Nous ne devrions pas avoir à en arriver à de telles extrémités».

Un cheminot de Virginie occidentale:«C’est déjà assez grave que le Congrès ait voulu nous retirer la capacité de faire grève, mais maintenant nos propres syndicats ont fait la même chose. Tout ce qu’ils ont fait, c’est donner aux entreprises et au gouvernement plus de temps pour se préparer à une grève, en donnant un coup de pied dans la fourmilière. Un vieux dicton résonne dans ma tête: “Frappez pendant que le fer est chaud”. Ils ont retardé les choses avec des promesses d’un AT (accord de principe). Puis, ils ont dit qu’il faudra des semaines avant que nous puissions l’examiner et voter. Notre syndicat leur donne le temps de se préparer pour les prochains rounds de la guerre. Les compagnies ne se soucient pas le moins du monde de leurs travailleurs. Nous devrions donc utiliser le pouvoir dont nous disposons pour les forcer à considérer les problèmes auxquels nous faisons face plutôt que de rester les bras croisés et attendre».

Un cheminot de l'Indiana: «Le chemin de fer a reçu des profits records sur le dos des travailleurs de T&E qui travaillent dur. Donnez-nous un meilleur horaire. Donnez-nous du temps libre pour prendre soin de notre santé déclinante et arrêtez d’augmenter nos assurances».

«J’ai également l’impression que les cotisations syndicales vont augmenter dès qu’un contrat sera signé. Le chemin de fer nous possède, notre temps ne nous appartient plus. Je le savais en entrant dans ce métier il y a 19 ans. Mais je pensais aussi que ça en vaudrait la peine. Ce travail n’a fait qu’empirer d’année en année. Le salaire ne vaut plus toutes les conneries que vous devez supporter».

«Cet accord contractuel bidon ne me surprend pas du tout. Joe Biden et ceux qui le soutiennent n’ont jamais dit la vérité sur quoi que ce soit, en ce qui me concerne. Bon sang, ils nient toujours que l’inflation est élevée. Nos syndicats ont ouvertement soutenu ce président pendant l’élection. Donc, rien de ces fumisteries, afin d’éviter une grève juste avant l’élection, ne me surprend. La corruption et la cupidité des entreprises sont omniprésentes dans ce pays, tout cela sur le dos des travailleurs. Trop, c’est trop! Dédommagez-nous!»

Un cheminot de l’Oregon: «Le syndicat nous a vendu. Le gouvernement nous a vendu pour se remplir les poches. J’espère que Biden, [Elizabeth] Warren et [Bernie] Sanders étaient tous très à l’aise à genoux sous le bureau de ce PDG».

Un représentant syndical local de l’Oklahoma a également envoyé la déclaration suivante: «Je travaille sur appel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans jours de repos assignés ou garantis… Une “politique de disponibilité” existe qui est imposée par la compagnie ferroviaire et que nous n’avons en aucun cas acceptée. Ils ne précisent pas intentionnellement quelles sont les limites à l’absence au travail. Ils utilisent les termes “fréquent”, “excessif” et “schéma de jours”. Mais, lorsqu’on les interroge, le témoin de l’entreprise (un directeur) REFUSE de répondre à la question de savoir combien de jours sont considérés comme “fréquents” ou “excessifs” et ce qu’est un “schéma”. Intentionnellement, AUCUNE ligne dans le sable n’existe. Cela signifie qu’ils peuvent faire payer n’importe qui pour n’importe quel jour manquant. C’est de l’abus ferroviaire. C’est ainsi qu’ils nous font peur, en licenciant une personne pour avoir manqué le travail et en faisant un exemple avec lui…»

«Quant à ce contrat national provisoire (dont on ne peut voir aucune copie), c’est de la merde. Nous ne voulons pas de ce que nos dirigeants syndicaux ont accepté. Mon terminal et ma section locale s’y opposent à une écrasante majorité. Nous avons perdu bien plus que 24 pour cent de salaire au fil des ans, et nous devrions certainement être en mesure de faire la grève sans que les politiciens se mettent sur notre chemin. La Loi sur le travail dans les chemins de fer (RLA) a été manipulée contre nous».

«On doit faire savoir à tout le monde que nous sommes beaucoup plus nombreux qu’eux et que nous avons du pouvoir grâce à notre nombre. La cupidité des entreprises a pratiquement anéanti la classe moyenne et nos dirigeants syndicaux les ont aidés! Washington est encore pire, et lorsque vous considérez que le parti qui est censé soutenir les travailleurs fait seulement semblant de nous aider parce qu’il veut notre argent, cela semble sans espoir…»

«Fermons les chemins de fer pendant un certain temps et ils seront mis à genoux. Il nous faut une autre grève de 1877. Nous avons besoin d’une révolution».

Un initié du syndicat explique comment les augmentations de salaire des bureaucrates sont en jeu dans le contrat

Le World Socialist Web Sitea reçu l’information anonyme suivante, de la part d’une personne qui a assisté à la convention de la «Fraternité des aiguilleurs des chemins de fer» (Brotherhood of Railway Signalmen) au début de cette année:

«J’ai assisté, avec plus d’une centaine d’autres travailleurs de la signalisation, à la convention de la Fraternité des aiguilleurs du rail (BRS) en juin 2022. Nos gars nationaux (la Grande Loge) ont fait passer un amendement très contesté à la constitution de la BRS qui a été présenté comme un “changement de structure des taux de rémunération”. En réalité, il s’agissait d’une énorme augmentation pour tous les membres du bureau national, ce qui a rendu furieux près de la moitié des délégués. L’amendement a été amendé plusieurs fois et finalement adopté…»

«Pendant des années, leurs augmentations ont été directement liées aux augmentations générales des salaires (AGS) qu’ils ont obtenues pour la majorité de leurs membres au niveau national. S’ils nous obtiennent une augmentation de 10 pour cent, alors ils obtiennent une augmentation de 10 pour cent. Cela n’a pas changé, mais en plus de cette augmentation GWI, cette nouvelle restructuration du système de taux de rémunération augmentera tous les gars de la Grande Loge de manière substantielle EN PLUS DES GWI. Ils obtiennent deux augmentations cette fois-ci».

«Cependant, en raison d’un détail technique et du travail précipité qui a été opéré sur l’un des amendements à la Constitution de la BRS à la dernière seconde, nous avons découvert un gros problème tout récemment. Leur augmentation secondaire n’entrera pas en vigueur tant que les membres n’auront pas ratifié l’AT actuel (cycle de négociation 2019). Le mot clé est “RATIFIÉ”. Si les membres rejettent l’AT (accord de principe) et que le Congrès impose un accord, alors nos dirigeants nationaux n’obtiennent pas la double augmentation de salaire».

«C’EST POURQUOI ILS POUSSENT LES MEMBRES À VOTER POUR L’AT ET POURQUOI ILS NE FERONT PAS GRÈVE! Il doit être ratifié ou ils n’obtiendront pas l’augmentation de salaire supplémentaire».

«… Les membres doivent savoir, mais nous ne pouvons rien publier parce qu’ils nous mettront à l’index en raison d’une disposition de notre Constitution qui interdit les circulaires. Au secours»!

«Nous avons tous mal au dos, au cou, aux genoux, aux coudes parce que nous faisons tous le travail de deux hommes ou plus».

Les cheminots continuent également d'envoyer des descriptions de terribles conditions de travail.

Un cheminot de l’Ohio: «Les politiques d’assiduité mises en place par ces transporteurs nous ont mis les fers aux pieds de nos jours, et le syndicat ne fait rien pour y remédier. Nous sommes pénalisés pour avoir utilisé la FMLA, certains sont licenciés pour de soi-disant “abus”. Les cheminots comme moi reçoivent 20 dollars pour les repas jusqu’à 24 heures d’absence de leur terminal d’attache. Le reste est directement pris dans nos poches. C’est cela qui doit vraiment changer, ainsi que les politiques strictes en matière d’assiduité qui nous sont imposées et qui empirent chaque année».

Un cheminot de l'Indiana du Nord: «Les conditions de travail sont difficiles. Nous n’avons pas d’effectifs et on attend de nous que nous fassions le même travail, voire plus, avec moins de gars. Quand j’ai commencé en 2014, nous avions 14 gars pour 130 miles de voies. Maintenant, nous en avons sept, mais on attend de nous qu’ils fassent la même quantité de travail. Et deux de ces gars sont des inspecteurs de la voie, ce qui en laisse cinq pour le travail réel».

«Nos outils sont obsolètes. La direction est tellement incompétente qu’elle ne pourrait pas organiser l’anniversaire d’un enfant. Nous travaillons de longues heures dans les éléments et, à cause de tout cela, notre santé en paie le prix. Nous avons tous mal au dos, au cou, aux genoux, aux coudes parce que nous faisons tous le travail de deux hommes ou plus. Maintenant, nous ne sommes pas mous ici, mais payez-nous ce que nous valons».

«Ce contrat qui se trouve coincé dans les années 70 a besoin d’une révision. Trois semaines de vacances sur vos huit ans et aucun jour de maladie, c’est ridicule. Les employés de McDonald’s ont plus que ça. Le syndicat des pilotes de ligne a obtenu une augmentation d’environ 80 pour cent dans son contrat. Mais je vais m’arrêter là… c’est l’heure de la grève»!

Un aiguilleur chevronné: «Je suis aiguilleur pour l'Union Pacific. Je fais ce travail depuis 15 ans. J'ai vu cette société forcer les employés à démissionner avec le Precision Scheduled Railroading, et en n'ouvrant que des postes où ils savaient qu'ils devraient déménager eux-mêmes et les familles. C'était une stratégie pour que les gens démissionnent... Tout s'est passé pendant la période Covid, au plus fort de leur record de wagons déplacés».

«En même temps, ils ont restructuré les listes d’hôtels où nous devions séjourner, avec des hôtels qui n’étaient pas à la hauteur pour séjourner. Par exemple [dans une région,] Trois hôtels étaient sur la liste des hébergements d’entreprise avant la restructuration. Le Comfort Inn, le Days Inn et un Super 8. On nous a dit que nous ne pouvions pas y séjourner parce que seuls les cadres ou les directeurs pouvaient y séjourner. L’hôtel ne demandait que 70 dollars par nuit. Les autres étaient à 20 dollars».

«Remarquez, le COVID commençait tout juste à se répandre aux États-Unis comme une traînée de poudre. Je ne me sentais pas en sécurité dans les autres hôtels. J’ai demandé au manager, “S’il vous plaît, ne nous faites pas rester ici”. Il m’a dit que c’était la politique. Qui approuve cette liste? Lui. C’était pour économiser de l’argent. C’était horrible ces cinq dernières années. Ça ne va faire qu’empirer».

Un autre cheminot de l'Indiana: «Je suis membre de la Fraternité de l’entretien des voies. Ces actions des chemins de fer nous ont amenés au point de rupture. Je vois tous ces articles sur l’augmentation de nos salaires, etc. Mais je n’ai encore vu personne parler des taxes qui sont prélevées sur nos chèques après les impôts fédéraux, les impôts d’État… l’assurance-maladie, les cotisations syndicales. Nous nous retrouvons avec 45 pour cent de notre chèque! Alors oui, les salaires sont si “bons”»!

«Nous essayons de sécuriser les rails pour qu’il n’y ait pas de déraillements dans ces villes, mais quand il faut le faire, ils disent: “Non, on va le retarder d’un mois, d’une semaine, d’un an”. Il y a des endroits où nous sommes surpris qu’il n’y ait pas eu de gros carambolages. Mais une fois de plus, le transport du fret est plus important… Je ne sais pas combien de fois j’ai entendu cela au cours de mes 20 ans de carrière».

«Les gens doivent ouvrir les yeux. Nous ne sommes pas l’ennemi, c’est la cupidité des entreprises qui va détruire ce pays. Laisser les riches réussir pendant que ce qui était la classe moyenne souffre. Nous avons travaillé jour et nuit pendant toute la pandémie, et tout ce que nous avons obtenu, ce n’est rien. Tout ce que nous avons obtenu, c’est: “Bougez-vous le cul, on n’a pas le temps de renifler, faites-vous une raison et mettez-vous au travail”. Quelqu’un venait au travail et répandait le Covid, de sorte qu’au lieu qu’un seul gars soit en congé, on a eu cinq ou six ou parfois plus. Mais la charge de travail ne change jamais. Plus avec moins, c’est la façon dont nous travaillons maintenant».

«Je pense que nous en avons tous assez. Les syndicats ne veulent pas nous soutenir, ils sont préoccupés par la politique. Assez, c’est assez, donnez-nous ce que nous méritons, avec ou sans le syndicat! Ces chemins de fer peuvent être fermés et nous pouvons tous partir pour un jour ou deux. Que vont-ils faire, licencier et arrêter 135.000 d’entre nous d’un coup? Nous aimerions les voir essayer. Ils pensent qu’il y aura une crise si nous faisons grève ― attendez que tout le monde débraye et que ce pays soit vraiment foutu»!

«Signé, des centaines de milliers d’employés du rail!»

(Article paru d’abord en anglais le 22 septembre2022)

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