COVID, capitalisme, et guerre des classes: une chronologie sociale et politique de la pandémie

Ceci est l'introduction du premier volume de « COVID, capitalisme, et guerre des classes: une chronologie sociale et politique de la pandémie». Ce volume est disponible en pré-commande sous forme d'e-pub chez Mehring Books, et sera également publié en version abrégée sous forme de volume imprimé plus tard dans l'année.

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Ce livre – une compilation d’articles écrits sur la pandémie de COVID-19 par le World Socialist Web Site – est la chronologie sociale et politique d’un événement historiquement crucial dont l’impact sur le XXIe  siècle sera aussi profond que celui de la Première Guerre mondiale sur le XXe . La comparaison de la pandémie à la Première Guerre mondiale ne se justifie pas seulement par l’ampleur des pertes humaines. De façon tout aussi profonde que le cataclysme ayant éclaté à l’été  de 1914, la pandémie qui s’est déclaré dans les premiers mois de 2020 a déclenché une crise mondiale qui a mis à nu la faillite politique, sociale et morale de la société capitaliste.

Confrontés à une crise sanitaire d’une ampleur sans précédent, pratiquement tous les gouvernements du monde ont refusé de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir les infections massives, les maladies débilitantes et les morts. Ce sont les intérêts économiques, en particulier ceux de l’élite financière et industrielle, qui ont déterminé la réponse à la pandémie. On a donné la priorité à la préservation des profits plutôt qu’à celle des vies. L’humanité est aux prises avec les conséquences de cette réponse socialement criminelle des gouvernements à la pandémie.

Malgré les progrès considérables réalisés par l’humanité dans la compréhension scientifique et la technologie au cours du siècle dernier, le virus SRAS-CoV-2 responsable du COVID-19, s’est avéré être la maladie infectieuse la plus dévastatrice depuis la pandémie de grippe de 1918 qui tua entre vingt-cinq et cinquante millions de personnes en juste deux ans. Les politiques gouvernementales furent caractérisées par une indifférence stupéfiante envers la vie humaine. En novembre 2020, l’ancien premier ministre britannique Boris Johnson s’est exclamé: «Plus de pu***ins de fermetures, que les corps s’empilent haut et par milliers!» Plus récemment, le président américain Joseph Biden a déclaré dans une interview télévisée que la pandémie était finie. Le 18  septembre 2022, jour où sa déclaration fut diffusée dans tout le pays, les États-Unis avaient eu officiellement, selon le New York Times, 61.712  nouvelles infections et 464  décès dus au virus.

Depuis le début de la pandémie, plus de 600  millions de personnes ont officiellement testé positif au COVID-19 et plus de 6,5  millions sont mortes de la maladie dans le monde, deux sous-estimations notoires. Des études indiquent que bien plus de la moitié de la population mondiale a déjà été infectée par le SRAS-CoV-2, tandis que les estimations de surmortalité attribuable à la pandémie situent le véritable bilan mondial à plus de vingt millions de morts. Dans le monde entier, des centaines de millions d’autres personnes sont touchées par le COVID longue durée, dont la myriade de symptômes peuvent affecter presque tous les organes du corps pendant une durée inconnue. Sur cette grande partie de l’humanité souffrant des symptômes persistants de l’infection, des dizaines de millions de personnes sont handicapées par le virus, incapable de travailler et souvent confinées chez elles.

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’espérance de vie dans le monde a baissé de près de deux ans en 2020 et 2021. Les baisses nationales durant les deux premières années de la pandémie sont les plus fortes dans cinq pays d’Amérique latine – Pérou (5,6  ans), Guatemala (4,8), Paraguay (4,7), Bolivie (4,1) et Mexique (4,0) – et dans trois pays d’Europe, dont la Russie (4,3), la Bulgarie (4,1) et la Macédoine du Nord (4,1). Aux États-Unis, le pays le plus riche et le plus puissant du monde, l’espérance de vie a diminué de près de trois ans pendant cette période. Les experts s’attendent à ce que la pandémie ait des répercussions considérables sur la santé à long terme, car l’infection au COVID-19 augmente considérablement le risque de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral, de démence, de maladie rénale, etc.

Alors que nous approchons du début de la quatrième année de pandémie, celle-ci continue de faire chaque jour des ravages. Presque tous les gouvernements du monde, à l’exception de celui de la Chine, ont abandonné toutes mesures d’atténuation visant à ralentir la propagation du virus et font à la place une politique du «COVID-19 à jamais». Avec des milliards d’hôtes à sa disposition, le coronavirus continue d’évoluer en nouveaux variants, menace d’éroder encore plus l’efficacité des vaccins et traitements existants, et de provoquer des vagues récurrentes d’infection massive, de débilitation et de décès.

Les luttes passées contre la polio, le paludisme, la rougeole, la variole et d’autres maladies infectieuses ont été célébrées à juste titre comme des jalons de l’impact progressiste de la science sur la civilisation. Il n’y aura pas de célébration de la réponse officielle au COVID-19. Son histoire sera celle des mensonges et des crimes commis par les gouvernements, les médias et les institutions officiels, qui ont subordonné la santé de la société aux profits d’une minuscule oligarchie industrielle et financière.

Dans les années à venir, les historiens de la pandémie de COVID-19 feront une critique cinglante du manque de préparation, malgré de nombreux avertissements préalables. Ils dévoileront les intérêts sociaux et économiques ayant déterminé la politique et expliqueront pourquoi les institutions gouvernementales ont été compromises au point d’abandonner complètement la santé publique. Les historiens examineront comment fut développée la politique fasciste de l’«immunité collective» et quel rôle ont joué médias et syndicats dans son application. Ils attireront également l’attention sur la lutte mondiale menée par les travailleurs et les scientifiques pour arrêter la pandémie. En approfondissant ces sujets, ce livre et les archives du World Socialist Web Site seront reconnus comme un guide indispensable et faisant autorité, qui a fourni l’analyse contemporaine la plus incisive de la pandémie.

Les analyses faites des événements en train de se dérouler furent extraordinairement prescientes. Le grand avantage des rédacteurs et journalistes du World Socialist Web Site – publié par le Comité international de la Quatrième Internationale – fut qu’ils étaient guidés par une perspective fortement informée par l’histoire et une compréhension trotskyste-marxiste du conflit entre les intérêts économiques privés et le bien-être du public dans la société capitaliste moderne. Sur cette base, le WSWS a identifié la pandémie non pas juste comme un événement médical ou un phénomène biologique, mais avant tout comme une crise sociale et politique d’ampleur mondiale.

Cet ouvrage est le premier de trois volumes qui couvrent les années  2020, 2021 et 2022. Chaque volume fournit une chronologie annuelle montrant à la fois l’évolution objective de la pandémie et la perspective élaborée par le WSWS. L’un des principaux défis pour les rédacteurs dans la compilation de ces volumes fut la question de la sélection. Depuis janvier 2020, le WSWS a publié plus de 5.500  articles sur la pandémie et les articles sélectionnés pour ces volumes représentent moins de 10  pour cent de ce total. L’accent fut mis sur les déclarations les plus importantes élucidant les principaux tournants de la pandémie et expliquant leur signification sociale et politique. En introduction à ce livre, il est nécessaire de passer en revue certains de ces développements clés et la façon dont la pandémie s’est déroulée.

2020: L’épidémie initiale et les deux stratégies dominantes face à la pandémie: l’élimination et l’‘immunité collective’. [subhead]

Alors que la pandémie entrait dans sa deuxième année, de nouveaux problèmes sont apparus. Le déploiement de vaccins vitaux se fit de manière désordonnée, subordonnée aux profits des trusts, entraînant d’immenses inégalités dans les taux de vaccination entre pays riches et pays pauvres. En outre, les efforts de vaccination de masse se sont heurtés à une campagne de désinformation ignoble et anti-scientifique qui a empêché l’adoption des vaccins dans de nombreux pays, mais a aussi engendré un problème plus subtil.

Les gouvernements ont de plus en plus considéré les vaccins, non comme un auxiliaire, mais comme le substitut rendant inutile un programme sanitaire complet. C’est ainsi qu’est née une troisième stratégie d’atténuation face à la pandémie. Celle-ci encourageait les vaccinations avec en parallèle un mélange amorphe d’autres mesures sanitaires, tout en acceptant que subsiste un certain degré, non spécifié, de transmission virale. L’atténuation revenait à tenter de négocier avec le virus, tout en ignorant les lois objectives de l’évolution virale. Des gouvernements ostensiblement libéraux ont entretenu l’illusion que les vaccins seraient le «moyen miracle» et offriraient une protection durable contre l’infection, pensant pragmatiquement qu’ils pouvaient désormais faire comme si tout allait bien.

Le 13  mai 2021, la DreRochelle Walensky, directrice des CDC (Centres de contrôle et prévention des maladies) a déclaré aux Américains vaccinés qu’ils pouvaient retirer leurs masques. Cela a conduit à la suppression totale du port de masque obligatoire aux États-Unis, où ne revint jamais au même degré de protection qu’avant, un processus reproduit par de nombreux autres gouvernements. Deux mois plus tard, le 4  juillet 2021, le président américain Joe Biden déclarait de façon absurde son «indépendance» vis-à-vis du COVID-19, juste quelques semaines avant que le variant Delta, plus infectieux et virulent, ne s’abatte sur le pays et ne tue plus de 200.000  Américains.

Durant ces semaines, le variant Delta se propageait rapidement en Inde et bientôt dans le monde entier. De la fin mars à la mi-mai  2021, plus de deux millions de personnes ont été tuées rien qu’en Inde, le gouvernement fasciste du BJP (Bharatiya Janata Party) dirigé par Narendra Modi appliquant la politique d’«immunité collective», de la mort en masse. Cela reste la pire poussée épidémique dans le monde au cours de cette pandémie. Les scientifiques ont prévenu que de nouveaux variants comme Delta pouvaient provoquer des infections post-vaccinales chez les vaccinés et que les vaccins seuls ne suffiraient pas à stopper la transmission virale, mais ces avertissements ont une fois de plus été ignorés.

Des membres d’une famille prient près du bûcher d’une personne décédée du COVID-19, dans un crématorium de Srinagar, en Inde, le 25  mai 2021. (AP Photo/ Dar Yasin) [AP Photo/Dar Yasin]

La stratégie d’atténuation s’est manifestée le plus nettement dans la réouverture totale des écoles, dont il fut définitivement prouvé début  2021 qu’elles étaient des centres de la transmission virale. On fit l’affirmation extraordinaire que si l’on faisait porter des masques, ouvrait les fenêtres, améliorait la ventilation ou appliquait un mélange de ces mesures, les écoles seraient des havres de protection contre l’infection. En réalité, la réouverture des écoles avant que la pandémie ne soit contenue s’est avérée désastreuse dans le monde entier, y compris là où on a pris des mesures d’atténuation plus strictes. Des milliers d’enfants et un nombre incalculable d’enseignants furent tués par le COVID-19 au plan international au cours des deux dernières années.

Au cours de l’année  2021, le WSWS a intensifié sa lutte pour une stratégie scientifique visant à éliminer le SRAS-CoV-2 au niveau mondial. Le 20  août 2021, il a publié une déclaration majeure qui donnait une évaluation politique claire de la stratégie d’atténuation, soulignant:

L’atténuation est à l’épidémiologie ce que le réformisme est à la politique capitaliste. Tout comme le réformiste nourrit l’espoir que des réformes progressives et fragmentaires vont, au fil du temps, atténuer et améliorer les maux du système de profit, les tenants de l’atténuation nourrissent l’illusion que le COVID-19 finira par devenir quelque chose d’aussi peu nocif qu’une simple grippe. C’est là une chimère qui n’a rien à voir avec la science de la pandémie.

En réalité, tant que le virus se répandra, il continuera à muter en nouveaux variants plus contagieux, plus mortels et plus résistants aux vaccins, qui menaceront toute l’humanité. À moins qu’il ne soit éradiqué à l’échelle mondiale, les braises du COVID-19 continueront à brûler et à créer les conditions d’une nouvelle flambée du virus.

Au cours de l’année écoulée, cette perspective s’est avérée tout à fait justifiée. Pour faire avancer la stratégie mondiale de l’élimination, le WSWS a collaboré avec un large éventail de scientifiques qui avaient plaidé en faveur de cette politique. Cette collaboration a débouché sur deux webinaires publics organisés par le WSWS, le 22  août et le 24  octobre 2021, qui ont offert une stratégie complète pour éliminer le coronavirus dans le monde.

Bien que de nombreux scientifiques, travailleurs et militants anti-COVID aient plaidé en faveur de mesures d’atténuation globales, leurs appels aux politiciens capitalistes n’ont eu aucun effet. Il devint de plus en plus évident que les travailleurs et scientifiques déterminés à stopper la pandémie devaient prendre les choses en main. Cela a trouvé son expression la plus avancée dans une série de fortes grèves scolaires initiées par le parent britannique Lisa Diaz et soutenues par le WSWS, dont la première a eu lieu le 1er  octobre 2021.

Si ces grèves ont impliqué les sections les mieux informées scientifiquement et les plus conscientes politiquement de la classe ouvrière, il était clair que la grande majorité des travailleurs restait coupée d’une compréhension scientifique et politique de la pandémie. Afin d’éduquer la classe ouvrière et de contrer les mensonges intéressés des gouvernements et des médias, le WSWS a lancé, le 20  novembre 2021, l’Enquête ouvrière mondiale sur la pandémie de COVID-19. Dans la déclaration qui l’annonçait, nous avons écrit:

Cette enquête est nécessaire pour briser la dissimulation, les falsifications et la désinformation qui ont été déployées pour justifier des politiques responsables de la mort évitable de millions de personnes depuis la détection initiale du SRAS-CoV-2. L’enquête rassemblera et mettra à la disposition du public de nombreuses preuves d’une indifférence socialement maligne, voire criminelle, à l’égard de la vie humaine.

Le lancement de cette enquête ne peut être retardé. Alors que le monde entre dans la troisième année de la pandémie, la contagion ne faiblit pas dans le monde. Loin de là. La sixième flambée mondiale de la pandémie est maintenant bien entamée. Les nouveaux cas, les hospitalisations et les décès augmentent à nouveau à l’approche de l’hiver dans l’hémisphère nord…

Si des vaccins puissants ont été fabriqués, seuls 41  pour cent de la population mondiale ont reçu deux doses de vaccin, dont moins de 7  pour cent des Africains et 3  pour cent des habitants de pays à faible revenu. Seuls 2,6  pour cent de la population mondiale ont reçu la troisième dose de vaccin nécessaire. Les scientifiques ont averti à maintes reprises que la poursuite de la contamination de masse dans un contexte de déploiement lent des vaccins crée des pressions évolutives qui menacent de produire un variant résistant au vaccin.

Quatre jours seulement après la publication de cette déclaration, le 24  novembre 2021, la nouvelle est tombée que le variant Omicron se propageait rapidement en Afrique du Sud. En quelques semaines, ce variant hautement infectieux et résistant au système immunitaire s’est répandu aux quatre coins du globe, infectant des millions de personnes chaque jour.

2022: L’effondrement de la stratégie d’atténuation et la politique du «COVID pour toujours».

La réponse des gouvernements capitalistes au variant Omicron a été sans-scrupules et ses résultats catastrophiques. Loin de reconnaître les conséquences désastreuses de leurs politiques et de mettre en place une stratégie mondiale pour stopper la pandémie, les gouvernements du monde entier ont profité de ce variant extrêmement infectieux pour se débarrasser des mesures d’atténuation limitées encore en place et adopter la stratégie d’«immunité collective», assimilée à l’extrême droite. Ils collaborèrent avec les médias d’entreprise pour mener une campagne de propagande implacable basée sur les mensonges qu’Omicron était «bénin» et que l’infection massive par ce variant serait même un bienfait.

Le 17  janvier 2022, jour où plus de 800.000  Américains étaient officiellement infectés par le COVID-19 et où 1.397 en sont morts, le Dr Anthony Fauci a déclaré: «La question est ouverte de savoir si Omicron sera ou non le vaccin à virus vivant que tout le monde espère». Cette conception pragmatiste et non scientifique fut répétée par les scientifiques officiels du monde entier. C’était essentiellement une version réchauffée de la stratégie d’«immunité collective», fondée sur le mensonge que «l’infection naturelle» fournirait une immunité durable et atténuerait les dangers du virus, le rendant «endémique». On s’est servi de cette conception pour justifier la levée de toutes les règles et recommandations relatives aux masques, l’érosion puis l’abandon définitif des directives d’isolement et de quarantaine, la fin des tests gratuits et le rejet universel des confinements et de la distanciation sociale.

L’application de cette politique fausse et réactionnaire a nécessité la manipulation systématique des données sur la pandémie, afin de dissimuler l’ampleur réelle des décès et de la débilitation causés par le virus. Partout dans le monde, les systèmes de collecte et de communication des données ont été réduits, passant le plus souvent de rapports quotidiens à des rapports hebdomadaires. Aux États-Unis, le ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS) réduisit le système le plus complet de collecte de données auprès des hôpitaux, avec des rapports quotidiens sur les décès, une évolution dont seul le WSWS a rendu compte. Juste avant le discours de Biden sur l’état de l’Union, le 1er  mars 2022, le CDC a présenté sa carte tronquée des «taux communautaires» afin de donner un vernis embellissant à la contamination massive en cours dans la population américaine.

Deux cartes des codes postaux américains établies par le CDC fin février, montrant les taux réels de transmission communautaire (à gauche) par rapport aux «niveaux communautaires» (à droite). [Photo: CDC]

Les résultats de cette adoption universelle de «l’immunité collective» ont été terribles. Au cours des dix mois qui ont suivi l’apparition d’Omicron, plus de trois milliards de personnes ont été infectées par le COVID-19 dans le monde, dont des centaines de millions de réinfections ou d’infections post-vaccinales. Officiellement, 1.055.050  personnes sont mortes du COVID-19 dans le monde depuis le début de l’année, mais le traqueur de décès excédentaires de l’Economist(la source utilisée dans les graphiques indiquant les décès officiels et excédentaires au début de chaque chapitre de ce livre [1]) estime qu’en réalité 4,4  millions de personnes sont déjà mortes directement ou indirectement de la pandémie en 2022.

La propagation sans entrave du virus a donné naissance à de nombreux sous-variants d’Omicron, dont Omicron BA.2, BA.2.12.1,  BA.4 et BA.5. Chacun d’eux produit de nouvelles vagues d’infections et de décès dans une grande partie du monde. Les scientifiques préviennent que l’évolution de nouveaux variants plus dévastateurs et mettant à mal les vaccins existants et les traitements tels que le Paxlovid n’est qu’une question de temps.

Le Graphique montre les lignées classées du SRAS-CoV-2 en Angleterre depuis le début de la pandémie, de nouvelles lignées émergeant plus rapidement au fil du temps en raison de l’évolution virale. (Crédit: Dr. Diego Bassani via Twitter)

La campagne de propagande a eu un impact profond sur la conscience de masse. Elle désarme des centaines de millions de personnes dans le monde, les encourage à ne plus porter de masques et à abandonner leur vigilance face à la menace permanente du COVID-19. Le mantra qui guide cette politique – répété ad nauseam par les politiciens du monde entier – est que la société doit «apprendre à vivre avec le virus». En fait, ce slogan bon marché vise à normaliser la mort et la débilitation de masse perpétuelles. Comme jamais auparavant, la mort de masse due à une maladie contagieuse est maintenant traitée avec une totale indifférence par les pouvoirs en place.

Tout en essayant de cultiver une attitude fataliste et indifférente dans la population, les élites au pouvoir et leurs médias serviles continuent de promouvoir le «mensonge du labo de Wuhan», de même que des mensonges sans fin sur la stratégie d’élimination en Chine, surtout le mythe que cela veut dire des «confinements sans fin». En réalité l’exemple de la Chine, où cette stratégie a trouvé un soutien populaire massif dans la classe ouvrière, est une preuve puissante de la viabilité de cette stratégie. Elle montre le potentiel d’élimination du SRAS-CoV-2 dans le monde entier en quelques mois grâce au déploiement partout de toutes les mesures sanitaires disponibles.

Parallèlement à l’application brutale d’une politique de «COVID permanent», cette année a également vu la propagation mondiale sans précédent de la variole du singe, une maladie atrocement douloureuse, étroitement liée à la variole. À l’heure d’écrire ces lignes, plus de 60.000  cas de variole du singe ont été confirmés dans plus de cent pays, avec vingt-trois décès confirmés. En outre, la polio et d’autres maladies infectieuses, éliminées dans une grande partie du monde au XXe  siècle, sont réapparues aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays capitalistes avancés.

Après le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, des ressources illimitées ont été canalisées vers les budgets militaires, parallèlement à des coupes massives dans tous les programmes sociaux. En Allemagne, le gouvernement a profité de la guerre pour adopter un budget de remilitarisation de 100  milliards d’euros, le plus important depuis la chute du Troisième Reich d’Hitler, tout en faisant passer le budget de la santé de 64  milliards d’euros à 22  milliards d’euros, proche du niveau pré-pandémique.

Les leçons qu’il faut apprendre

Contrairement aux mensonges des politiciens capitalistes et des médias, la pandémie de COVID-19 n’est pas terminée. L’évolution future de la pandémie reste à déterminer. Mais après trois ans, il devrait être évident que ni la pandémie ni aucun des autres dangers auxquels l’humanité est confrontée ne seront résolus sous les auspices du capitalisme mondial.

La pandémie de COVID-19 n’est que le premier fléau du XXIe  siècle. Le changement climatique et la nature non planifiée du développement capitaliste créent les conditions pour que des maladies contagieuses toujours plus nombreuses sautent de populations animales déstabilisées vers les centres urbains et se propagent ensuite rapidement dans le monde via les voyages et le commerce internationaux. Si une conclusion peut être tirée de l’expérience des trois dernières années, c’est que la résolution de ces crises dépend non pas de la découverte d’un traitement médical ou d’une technologie miraculeuse, mais d’un mouvement social et politique contre la cause profonde de la crise, le système anarchique du profit capitaliste. La pandémie, le changement climatique et la destruction de la santé publique ne sont que les symptômes d’une maladie plus profonde: un système capitaliste qui subordonne tous les besoins humains aux profits d’une classe dirigeante folle d’argent.

Le titre de ce livre, COVID, capitalisme, et guerre des classes, est justifié. La pandémie a révélé la réalité d’une guerre des classes mondiale où les besoins les plus urgents de l’humanité sont subordonnés à la chasse aux profits et à une accumulation obscène de richesses personnelles. On ne peut expliquer les conséquences désastreuses de la pandémie comme si elles étaient juste le sous-produit involontaire d’une politique incorrecte. La politique mise en œuvre par les gouvernements portent la marque criminelle de ce qu’on définit en droit comme «l’intention de nuire». La réponse des gouvernements capitalistes à la pandémie a servi les intérêts de leurs super-riches mécènes.

Diminuer l’espérance de vie afin de réduire les obligations en matière de retraites et de dépenses sociales est un vieil objectif de certaines sections de la classe dirigeante et cet effet de la pandémie n’est pas juste une coïncidence imprévue. Selon Forbes, le 4  mai 2022, jour où le bilan officiel du COVID-19 aux États-Unis dépassait le million de morts, la richesse des 727  milliardaires américains avait augmenté, depuis le début de la pandémie, de 1,71  trillion de dollars. L’accumulation grotesque de richesses par ceux que le WSWS décrit comme des «profiteurs de la pandémie» dans un contexte de mort et de souffrance de masse peut être observée dans une grande partie du monde.

Au cours des mois d’avril et mai 2020, le WSWS a d’abord qualifié la pandémie d’«événement déclencheur» dans l’histoire mondiale, comparable à l’assassinat de l’archiduc autrichien Franz Ferdinand, le 28  juin 1914, qui a déclenché la Première Guerre mondiale. Comme dans la guerre des tranchées de la Première Guerre mondiale, les élites dirigeantes ont durant la pandémie soumis l’humanité à des vagues successives d’infections et de décès en masse. Cette politique a produit des pénuries de main-d’œuvre sans précédent, une crise économique mondiale en spirale avec une inflation massive, une escalade des tensions géopolitiques qui a déclenché la guerre en Ukraine, l’antichambre d’une troisième guerre mondiale. La politique pandémique criminelle de presque tous les gouvernements a dévoilé la brutalité du capitalisme et radicalisé des masses de travailleurs dans toutes les industries du monde. La lutte des classes s’est constamment intensifiée ces deux dernières années et a maintenant atteint un point culminant. La pandémie et la menace imminente d’une guerre mondiale ne seront arrêtées que par les luttes révolutionnaires mondiales de la classe ouvrière.

Grèves internationales des soignants en 2022 [Photo : compilation WSWS de photos AP]. [Photo: Turkey: Health and Social Service Workers Union; US: JNESO District Council 1; others: WSWS]

Au rassemblement international en ligne du 1er  mai 2021 tenu par le WSWS, nous avons annoncé la fondation de l’Alliance internationale ouvrières des comités de base (IWA-RFC). L’objectif central était d’unifier les travailleurs du monde entier en opposition à la politique pandémique des trusts, des gouvernements et des syndicats, dans une lutte pour leurs propres intérêts indépendants. Depuis sa création, l’IWA-RFC s’est développé pour devenir le centre d’organisation des luttes de plus en plus combatives de la classe ouvrière internationale dont les conditions de travail et le niveau de vie ont dramatiquement chuté durant la pandémie. L’IWA-RFC doit être développé systématiquement dans chaque pays.

Comme on peut le voir dans la longue liste d’auteurs du monde entier, ce livre est un effort collectif mondial. Le WSWS a consulté de nombreux scientifiques et experts au cours de la pandémie, et nous leur en sommes immensément reconnaissants. Dans notre travail avec les scientifiques, nous n’avons pas imposé d’«épreuve de vérité politique». Notre seule exigence fut un engagement envers la vérité scientifique. Nous nous sommes fixé pour objectif d’analyser la pandémie aussi soigneusement que possible, de ne pas imposer de conclusions aux faits, mais de tirer les conclusions de ceux-ci. Nous avions un immense avantage, en tant que socialistes éduqués dans la tradition marxiste-trotskiste, dans la mesure où notre réponse a été informée par l’histoire, la science et une profonde conscience de la dynamique de classe en jeu dans la société. Le travail du Comité international de la Quatrième Internationale, qui trouve une puissante expression dans le leadership qu’il a donné à la lutte contre la pandémie, représente l’interaction intellectuelle et politique d’un engagement envers la vérité scientifique, d’une opposition irréconciliable à l’inégalité sociale et à l’exploitation, et d’une confiance inébranlable dans la capacité de la classe ouvrière internationale à mettre fin à un système capitaliste en faillite et à reconstruire le monde sur une base socialiste.

Il y a près de soixante-cinq ans, en 1958, le brillant universitaire et socialiste George Rosen a publié son monumental ouvrage intitulé «Une histoire de la santé publique» (A History of Public Health). Son ouvrage retraçait le développement de la lutte de l’homme contre la maladie depuis ses origines dans le monde antique. A la fin de son ouvrage, Rosen écrit:

Nous sommes maintenant en mesure de regarder en arrière et de voir clairement le chemin traversé pour traiter les problèmes de santé de la communauté. La manière dont ceux-ci ont été traités était toujours liée au mode de vie de la communauté et aux connaissances scientifiques et techniques dont elle disposait. Aujourd’hui, la communauté est mieux placée que jamais pour contrôler son environnement et préserver ainsi la santé et éviter les maladies. De plus en plus, l’homme peut consciemment planifier et organiser sa campagne pour une meilleure santé, car les connaissances et les ressources disponibles lui permettent, dans de nombreux cas, d’agir en comprenant clairement ce qu’il fait [2].

George Rosen – s’il était encore en vie – serait profondément choqué de la réponse socialement rétrograde des gouvernements contemporains à la pandémie de COVID-19. Il aurait condamné leurs politiques comme une répudiation des connaissances péniblement acquises par les scientifiques, les médecins et les agents sanitaires depuis de nombreuses générations, voire des siècles. Mais la lutte n’est pas terminée.

Le World Socialist Web Site continuera à jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la pandémie. En présentant ce volume et les suivants au public, notre objectif est de développer un mouvement de masse mondial basé sur la classe ouvrière, bénéficiant du soutien de toutes les sections progressistes de l’humanité, qui mettront fin non seulement à la pandémie, mais à toutes les manifestations de souffrance sociale produites par un système capitaliste obsolète. Dans le contexte de cet objectif, les mots avec lesquels George Rosen a conclu son Histoire sont singulièrement appropriés:

De plus, l’horizon des travailleurs de la santé ne peut plus se limiter aujourd’hui à la communauté locale ou même nationale, mais doit s’étendre à la communauté internationale. Aujourd’hui, nous sommes tous membres les uns des autres et ainsi, chacun dans sa propre communauté, nous devons tendre vers l’objectif de nous libérer de la maladie, du besoin et de la peur. Nous devons aspirer à améliorer et à transmettre le noble héritage qu’on nous a légué. Et que l’issue soit heureuse! [3].

(Article paru d’abord en anglais le 20  septembre2022)

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