Au Royaume-Uni, la vague de grève s’amplifie: Brisez l’emprise de la bureaucratie syndicale! Pour des comités de la base sur chaque lieu de travail!

Octobre marque le début d’une nouvelle étape, qui s’intensifie, de la lutte de classe contre un gouvernement Truss qui a déclaré la guerre à la classe ouvrière. Au milieu de la crise la plus profonde du capitalisme mondial depuis les années  1930, conservateurs et travaillistes ont les mêmes exigences d’austérité et de «sacrifices» dans le but de soutenir l’escalade de la guerre contre la Russie qui menace de dégénérer en une Troisième Guerre mondiale.

La vague de grève, suspendue par la bureaucratie syndicale par respect des 10  jours de «deuil national» imposés à la mort de la reine Elizabeth  II, a repris de plus belle.

Les grèves de 115.000  postiers et de plus de 40.000  cheminots reprennent cette semaine, aux côtés de 1.900  dockers de Felixstowe, le plus grand port du Royaume-Uni, et de 500  dockers et mécaniciens en grève à Liverpool. 40.000 travailleurs des centres d’appels et techniciens de British Telecom et de sa filiale Openreach feront grève les 6, 10, 20 et 24  octobre, tandis que 4.000  enseignants et membres du personnel des campus ont entamé cette semaine 10  jours de grève dans 31  collèges. Des milliers d’avocats spécialisés en droit pénal sont en grève, et 19  jours de grève ont été annoncés mardi dans le réseau du groupe Royal Mail, pour octobre et novembre.

Des millions de travailleurs réclament des grèves pour lutter contre l’inflation la plus élevée depuis 40  ans. La livre est tombée à son niveau le plus bas et la Banque d’Angleterre est intervenue mercredi pour éviter un effondrement des marchés financiers, les fonds de pension étant au bord de l’insolvabilité.

Des cheminots en grève tiennent un piquet de grève pendant la récente grève nationale des chemins de fer au dépôt de maintenance de Cowlairs à Springburn, dans le nord de Glasgow, le 25  juin 2022 [Photo: WSWS].

La classe ouvrière est confrontée à un gouvernement d’une brutalité sans précédent, dirigé par la Première ministre nouvellement installée, Liz Truss. Le mini-budget de Kwasi Kwarteng portait la marque d’une oligarchie financière déchaînée: des réductions d’impôts pour les trusts et les super-riches, payées par les travailleurs par des coupes dans les dépenses sociales.

L’ampleur de la catastrophe sociale n’a pas de précédent depuis la Grande Dépression. La question cet hiver n’est pas « soit se chauffer, soit se nourrir» car des millions de gens ne peuvent faire ni l’un ni l’autre. Le Service national de santé (NHS) et les organisations caritatives mettent en garde contre une «catastrophe humanitaire», notamment que des enfants mourront de malnutrition dans la cinquième économie la plus riche du monde.

La question fondamentale à laquelle il faut faire face est le rôle des syndicats dans la suppression d’une offensive sociale et politique unifiée, nécessaire pour battre l’assaut de guerre de classe du gouvernement conservateur.

Pendant tout «l’été du mécontentement», les syndicats des chemins de fer, des postes et d’autres industries ont veillé à ce que les grèves soient divisées. Cette stratégie s’est poursuivie cet automne, avec des scrutins de grève bloqués ou programmés pour avoir un impact minimal. La suppression des grèves par les syndicats qui emploient des tactiques de blocage et de scrutins non contraignants, signifie qu’un million de travailleurs du NHS, 700.000  enseignants et 150.000  fonctionnaires ne peuvent pas se joindre aux grèves ce mois-ci.

Alors que Truss annonce des plans visant à interdire les grèves dans les «services essentiels» et de nouvelles lois pour imposer des scrutins à l’infini avant de pouvoir lancer une grève, les syndicats eux, s’opposent à toute lutte pour affronter et battre le gouvernement. Ils utilisent au contraire les dispositions anti-grève existantes pour retenir des millions de travailleurs qui veulent se battre. La «méga-grève» de ce samedi ne dure qu’une journée et n’est que la façade cachant les efforts de la bureaucratie pour étouffer un mouvement de grève plus large.

Le gouvernement est une provocation ambulante dirigée contre la classe ouvrière. Pourtant, le leader du parti travailliste, Sir Keir Starmer, dénonce les grèves, interdit à ses députés d’aller aux piquets de grève. Et il déclare, comme le Thomas Gradgrind de Charles Dickens, qu’il n’y a «pas d’arbre magique où pousse l’argent» et que les travailleurs doivent s’appliquer en «travaillant dur». Il parle au nom d’un Parti travailliste qui a adopté les diktats de libre marché de Thatcher et Blair.

Le discours de Starmer à la conférence du Parti travailliste, où il a braillé «la nation avant le parti», après avoir chanté «God Save the King», est un avertissement à la classe ouvrière. Il a déclaré aux délégués que le Labour imposerait des «choix difficiles» dans «l’intérêt national», appelant à «un véritable partenariat entre le gouvernement, les entreprises et les syndicats.» Si Truss tombe, Starmer offrira ses services dans un gouvernement d’unité nationale avec le Parti conservateur. Les syndicats soutiendront cette initiative, comme ils l’ont fait en 1931 où le travailliste Ramsay MacDonald a formé un gouvernement national avec les Tories. La récolte amère en ont été les années 1930 de la Faim, suivie de la Seconde Guerre mondiale.

Dans ces conditions, les dirigeants syndicaux, et surtout ceux «de gauche», jouent un rôle crucial pour la classe dirigeante britannique en empêchant un règlement de comptes politique avec les conspirateurs de Westminster, qu’ils soient conservateurs ou travaillistes.

La semaine dernière, le secrétaire général du RMT (Rail, Mer, Transports), Mick Lynch, et le secrétaire général d’ASLEF, Mick Whelan, ont entamé des discussions avec la nouvelle secrétaire d’État aux transports, Anne-Marie Trevelyan, sur les projets de son gouvernement pour supprimer des milliers d’emplois, aggraver les conditions de travail, réduire les retraites et la sécurité dans les chemins de fer. Lynch a déclaré à la BBC que cela avait été une «réunion très agréable», ajoutant: «Elle m’a permis de dire tout ce qui ne va pas avec notre système de transport et les chemins de fer en particulier».

Lynch a déclaré que la réunion était “un bon début” – ceci de la part d’un gouvernement qui se prépare à écraser les grèves et qui dénonce les cheminots comme 'l’ennemi intérieur'! Il a concédé que Trevelyan n’offrait rien de concret: aucun revirement de son programme de privatisation des Great British Railways ni de ses projets de déchirer les contrats de travail. Lynch a clairement indiqué que la priorité du RMT était d’obtenir un accord « permettant aux entreprises de négocier librement, sur la base d’une libre négociation collective ». Le RMT veut uniquement conserver son partenariat corporatiste forgé au fil des décennies avec le gouvernement, les sociétés d’exploitation ferroviaires (TOC) et Network Rail. Les syndicats du rail ne cherchent pas à faire échouer le programme des Tories, ils veulent un siège à la table de négociation .

Durant l’été, Lynch a dirigé le nouveau groupe de campagne Enough is Enough (Trop c’est trop), aux côtés des députés travaillistes Zarah Sultana et Ian Byrne. Il insiste pour dire que la réponse consiste à élire un gouvernement travailliste sous la direction de Starmer, à entraîner les travailleurs derrière un parti qui veut l’austérité, la pauvreté de masse et la guerre. La manifestation nationale du TUC, le 2  novembre, sert le même objectif, les participants étant invités à faire pression sur leurs députés à propos d’une crise du coût de la vie qu’ils imposent.

Les travailleurs reconnaissent de plus en plus qu’ils sont devant une lutte décisive contre le gouvernement Truss et son opération de pillage de masse au nom des compagnies d’énergie et autres parasites financiers. Truss et son cabinet de thatchériens déments sont vus comme un gouvernement illégitime qui a été imposé au pays par 80.000  retraités conservateurs et d’autres réactionnaires.

Depuis le budget de la semaine dernière, le hashtag #GeneralElectionNow fait tendance sur les réseaux sociaux. Les appels à la grève générale se multiplient. Des millions de travailleurs reconnaissent qu’ils ne peuvent plus vivre comme avant et qu’une action collective est nécessaire pour vaincre le gouvernement et l’oligarchie financière qu’il défend. Ce sentiment doit maintenant trouver une expression organisationnelle et politique consciente.

Les travailleurs doivent prendre le contrôle de leur lutte. Cela signifie qu’il faut briser l’emprise suffocante de la bureaucratie syndicale et former des comités de la base sur chaque lieu de travail. Ces comités permettront aux travailleurs d’aller au-delà des divisions qu’on leur impose et de développer une riposte allant au-delà des secteurs d’industrie et des frontières nationales, unissant toutes les sections de la classe ouvrière contre un gouvernement déterminé à leur faire porter tout le poids de la crise capitaliste.

La classe ouvrière a été privée de ses droits politiques. Il faut s’attaquer à ce problème de front en construisant un parti socialiste de masse de la classe ouvrière. Le Parti de l’égalité socialiste appelle à des élections générales. Notre demande n’implique aucun soutien pour le Parti travailliste. Elle vise à faire avancer la lutte politique indépendante de la classe ouvrière et doit être liée à une extension des grèves et des manifestations, notamment à l’organisation d’une grève générale pour faire avancer les mesures socialistes suivantes:

  • Nationalisez les compagnies d’énergie sans compensation pour les riches actionnaires. Leurs profits doivent être saisis pour fournir de l’énergie à bas prix aux travailleurs, aux personnes âgées et aux pauvres.
  • Annulez le budget de la guerre et redirigez l’argent public vers le NHS.
  • Augmentation de l’impôt sur les sociétés à 80 pour cent et utilisation des milliards collectés pour financer les soins sociaux, le logement, l’éducation publique, les transports, la protection sociale et les arts.
  • Augmentation immédiate de 50  pour cent des salaires de tous les travailleurs afin de récupérer deux décennies de baisse des salaires ; les salaires futurs doivent être indexés sur l’inflation.

Nous demandons instamment aux travailleurs qui sont d’accord avec cela de rejoindre et de construire le Parti de l’égalité socialiste.

(Article paru d’abord en anglais le 29  septembre2022)

Loading