Les travailleurs de la raffinerie de Grandpuits en lutte dénoncent l’inflation

Une équipe de reporters du WSWS s’est rendue à la raffinerie de Grandpuits, qui venait de faire grève la semaine passée pour exiger une augmentation de 10 pour cent. Les travailleurs ont souligné leur colère contre l’inflation et leur volonté de construire un rassemblement plus large des luttes ouvrières face à la guerre et à la crise économique.

Florian, salarié Total, a dit: «Comme tous les travailleurs de France, on ressent l’inflation. Le caddy de course, l’essence, tous les prix montent et on le sent bien à la fin du mois. On fait plus attention à sa façon de consommer, de moins se déplacer. On essaie de gratter partout sur les budgets, c’est le cas de tout le monde en ce moment.»

Franck, salarié d’un sous-traitant de Total travaillant sur le site de Grandpuits, a ajouté: «Pour la vie, c’est dur. Le prix du gasoil, le prix du fioul, tout augmente. Pour l’instant on ne voit pas encore l’impact sur le travail, mais déjà sur le gasoil et sur le fioul. Au magasin on fait attention, on prend beaucoup moins de choses, seulement les nécessités, ce qu’il faut pour arriver à la fin du mois.»

Alexis, aussi salarié de Total, a souligné que la crise met en évidence la dégradation du pouvoir d’achat des travailleurs sur un nombre d’années et même de décennies. Il a dit: «L’inflation est à 7 pour cent, on aimerait bien être augmenté. Les salaires, ça ne suit pas … Tout les ans on a une petite augmentation, mais ça n’a aucun rapport avec l’inflation.»

Les salariés de Grandpuits ont mis en cause l’inégalité criante entre les énormes bénéfices accaparés par la direction et les actionnaires, et l’intense pression économique sur les salariés.

Florian, ouvrier à la raffinerie Total de Grandpuits

«On travaille chez Total, qui fait des bénéfices énormes en ce moment», a dit Florian, qui a poursuivi: «C’est quelque chose qui nous dépasse, quand on voit que l’année dernière pour le Covid je crois qu’ils ont versé 8 milliards de dividendes aux actionnaires et nous on a dû se battre pour avoir un petit pourcentage d’augmentation annuel. On a du mal à comprendre, parce qu’on a l’impression que tous les bénéfices vont vers les actionnaires et que nous, les employés on est la 5e roue du carrosse.»

Les travailleurs ont rejeté les tentatives officielles de mettre l’inflation sur le compte des opérations militaires russes en Ukraine, qui ont mené à la dangereuse guerre entre l’Otan et la Russie. Alexis a dit: «L’Ukraine a bon dos. On voit ça avec des produits qu’il y avait avant dans les supermarchés qui sont fabriqués en France, donc je ne vois pas le rapport avec la guerre en Ukraine. C’est le gouvernement qui fait ça.»

Ils ont souligné aussi le rôle des dérèglements économiques et sociaux liés à la gestion officielle de la pandémie de Covid-19 en Europe, qui a fait 2 millions de morts et continue encore.

Florian a dit: «Mon humble avis c’est que ça a été une catastrophe. Il n’y avait pas de masques, pas de blouses pour les soignants. On a bien vu que les hôpitaux ont été saturés très rapidement. Ça prouve bien que tout est mal géré depuis des années. Ce qui me reste toujours en travers de la gorge, c’est l’histoire du ‘masque qui ne sert a rien’. Mais on n’a pas besoin d’être médecin pour savoir qu’un masque sert toujours à quelque chose quand on est malade, alors ça ne sert à rien de nous dire à la télé que les masques ne servent à rien. J’ai trouvé ça ridicule.»

Tout en soulignant l’activité des délégués syndicaux sur le site de Grandpuits, les travailleurs ont souligné les difficultés posées par l’immobilisme des directions syndicales. Alors que les syndicats français ont d’énormes budgets d’environ 4 milliards d’euros annuels, ces sommes sont englouties par les appareils et n’apparaissent pas dans les caisses de grève. Alors que les directions syndicales négocient avec Macron, le «président des riches», ils étouffent la colère ouvrière.

«Si les gens veulent aller manifester, c’est des pertes de salaire, alors c’est compliqué», a dit Alexis, alors que Florian disait: «Tout le monde se bat un peu dans son coin. … C’est vrai que quand il y a un mouvement, c’est au niveau soit du site, soit du groupe. C’est terminé, les grands mouvements avec les routiers et les agriculteurs.»

Franck a expliqué pourquoi c’est difficile pour lui de faire grève: «Bien sûr, nous on veut tous être augmentés, mais malheureusement dans la vie on ne peut pas tous faire grève tout le temps. Il y en a certains qui peuvent se le permettre et d’autres non. Avec les crédits, si je ne fais pas trois, quatre jours de travail, ça va je suis coulé.»

Franck a souligné la méfiance envers les appareils syndicaux que partagent de larges couches de travailleurs, en France et au-delà: «Maintenant les syndicats, ce ne sont plus les syndicats d’avant. Maintenant, les patrons et les syndicats se voient et on ne sait pas ce qu’ils se disent. Et puis ils disent on reprend, et on reprend. … C’est comme ça, ce n’est plus les syndicats de l’époque de nos arrière-grands-parents qui se battaient pour l’ouvrier, eux ils regardent leur bien. Au restaurant on leur file une petite enveloppe, c’est comme ça que ça se passe.»

Florian a décrit ainsi la communication et la collaboration entre le patronat et les directions syndicales pendant les luttes: «Le patronat s’arrange pour donner une miette à un tel, pour qu’il lâche le mouvement. Quand tu fais ça avec plusieurs, au bout d’un moment le mouvement va se déliter, et puis il y a toujours un qui reste tout seul et qui va devoir arrêter la grève. … C’est plus l’employeur qui a le pouvoir sur nous aujourd’hui que nous qui avons le pouvoir sur l’employeur.»

La raffinerie de Total à Grandpuits

Les reporters du WSWS ont proposé de briser le diktat des appareils syndicaux sur les luttes de la base, en construisant des comités de base pour unifier les travailleurs, au-delà des frontières nationales, contre les politiques des États capitalistes et des multinationales. Les travailleurs de Total ont réagi avec intérêt et enthousiasme.

Florian a dit: «Il faudrait changer tout le système. Comme vous dites, Total c’est international. Entre un pays en Afrique et un pays européen ou un pays en Asie, on n’aura pas les mêmes revendications, on n’aura pas les mêmes besoins. Il faudrait changer tout le système pour arriver à unifier tout le monde. C’est ça qu’ils devraient faire … Ce serait le meilleur, une grande grève générale.»

Alexis a dit: «Un jour, il faudra qu’on en arrive là. Si on attend toujours que le gouvernement fasse un pas vers les travailleurs, on n’arrivera jamais. Avec tout ce qui se passe en ce moment, la loi retraite, c’est à nous de bouger.»

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