La grève des raffineries défie la stratégie d’inflation et de guerre menée par Macron et l’Otan

Des pénuries de pétrole se généralisent dans plusieurs régions de France suite aux grèves de Total et Esso lancées le 27 septembre. L’enracinement de la grève prépare une confrontation entre les raffineurs, d’un côté, et le gouvernement Macron et l’Otan de l’autre.

Les travailleurs exigent une augmentation salariale d’au moins 10 pour cent face à l’inflation, alors que leurs employers réalisent des dizaines de milliards d’euros en profits. Les sites Total à La Mède, Feyzin, Donges, Gonfreville-l’Orcher et Grandpuits, sont tous touchés, ainsi que Notre-Dame-de-Gravenchon et Fos pour Esso. Si les sites de Donges et Grandpuits ont suspendu la grève ce week-end, elle a continué dans les autres raffineries.

Suivie par 70 pour cent des travailleurs, selon les directions syndicales, la grève provoque déjà des pénuries dans les stations-service de plusieurs régions de France. Vendredi, des grévistes à Feyzin ont souligné dans la presse l’ampleur de l’impact de la grève: «Aucune sortie, aucune entrée de produits dans toute la raffinerie. 200 à 250 camions par jour, sans compter les péniches, les wagons qui ne rentrent plus et qui ne sortent plus.»

On signale des pénuries importantes d’essence à travers la région de Marseille, ainsi qu’autour de Lille et de Dunkerque dans le nord, et à présent dans la région lyonnaise. Mercredi, des assemblées générales de grévistes ont encore une fois reconduit la grève à Gonfreville-l’Orcher ainsi qu’a Notre-Dame-de-Gravenchon.

Un délégué syndical Esso à Fos a dit au WSWS que les syndicats ne pouvaient plus retenir la colère des salariés: «Ce qui est navrant, c’est que notre société qui gagne 409 millions en un semestre n’est pas capable de subvenir au pouvoir d’achat de ses salariés. C’est pourquoi il y a une telle grogne parmi les salariés que nous sommes partis en grève … Partout en France, que l’on soit salarié des raffineries ou de PME, de multinational ou du public, on subit tous. Donc il est important que chacun puisse … gagner du pouvoir d’achat face aux prix qui s’envolent.»

Citant la colère des travailleurs contre le projet de Macron d’attaquer à nouveau les retraites, le syndicaliste a ajouté: «L’inflation avait déjà commencé en 2021, la guerre en Ukraine a été un catalyseur pour l’augmentation galopante de l’inflation et surtout le prix de l’énergie. A l’instar de la crise Covid, la crise Ukraine est aussi une crise du capitalisme.»

Les travailleurs de Total et d’Esso entrent en lutte contre la politique inflationniste des banques qui attaque les travailleurs non seulement sur un site ou dans un secteur économique, mais en tant que classe non seulement en France et à travers le monde. Les marchés financiers et les Etats de l’Union européenne veulent tous faire porter le coût de la crise à la classe ouvrière en détruisant son pouvoir d’achat.

La grève met les travailleurs des raffineries en conflit donc non seulement avec Macron, mais aussi avec l’Otan, qui veut utiliser l’Europe en tant que base docile pour faire la guerre à la Russie. Pour mener la lutte, les travailleurs devront ôter le contrôle de leur lutte aux appareils syndicaux nationaux qui négocient avec Macron et soutiennent sa politique de guerre.

La crise actuelle à Total souligne que ces appareils ont déjà failli dans leur mission de défendre les intérêts économiques des ouvriers. La hausse spéculative des cours de l’énergie par laquelle les banques ont réagi à la guerre de l’Otan contre la Russie en Ukraine gonflent massivement les profits des sociétés pétrolières. Ponctionnant les portefeuilles des travailleurs qui font le plein ou qui chauffent leurs maisons au gaz, les cinq plus grandes sociétés du secteur (Esso, Chevron, Shell, Total, BP) ont encaissé 60 milliards d’euros de profits rien qu’au deuxième trimestre de 2022.

Le P-DG de Total, Patrick Pouyanné, avait projeté cet été de verser 15 milliards de dollars aux actionnaires en 2022. Pendant la grève elle-même, Pouyanné a annoncé que 2,62 milliards de dollars supplémentaires seraient reversés aux salariés.

Mais alors que l’inflation tourne autour de 7 pour cent en France et plus de 10 pour cent au niveau européen, Total n’a accordé qu’une augmentation de 3,5 pour cent à ses salariés. C’est une perte de salaire de 3,5 pour cent.

Pouyanné en revanche s’est accordé une augmentation de 52 pour cent, portant son salaire annuel à 5,9 millions d’euros. C’est 167 fois le salaire annuel médian des travailleurs de Total en France.

La voie pour aller de l’avant est une rébellion contre les appareils syndicaux brisant leur mainmise sur les luttes pour mobiliser bien plus largement les travailleurs contre l’inflation et la guerre. La lutte est non seulement contre Pouyanné mais aussi contre Macron et, dans l’analyse finale, toutes les puissances de l’Otan qui mettent l’Europe sur pied de guerre. Seule une mobilisation plus large suffira si, face à une pénurie généralisée, Macron tentera de forcer une reprise du travail.

Quelles sont les leçons de la puissante grève des raffineries en 2010 contre la réforme des retraites de Sarkozy? Face à une pénurie totale de carburant qui mettait l’économie à l’arrêt, le gouvernement Sarkozy a utilisé plusieurs stratégies pour casser la grève. Il a importé du pétrole, négocié avec divers bureaucrates syndicaux, imposé une réquisition illégale des travailleurs pour leur imposer la reprise du travail, et finalement envoyé les forces de l’ordre tabasser les travailleurs qui défiaient la réquisition afin de les forces à reprendre le travail.

Isolés par les confédérations syndicales des autres secteurs, les travailleurs des raffineries ont dû accepter une défaite, malgré l’énorme impopularité de la réforme de Sarkozy.

La guerre en Europe et la crise économique même plus profonde aujourd’hui rendra Macron même plus agressif et téméraire dans ses attaques contre les travailleurs. Les fédérations syndicales, par contre, ont soutenu la guerre contre la Russie, et seront même plus enclins à isoler et à trahir lâchement les grèves qui pourraient déborder la stratégie militaire de l’Otan.

Briser le contrôle des appareils syndicaux sur la lutte des classes en France et au-delà nécessite la construction d’un puissant mouvement fondé sur des comités de la base.

La lutte des salariés des raffineries Total et Esso fait partie d’une large vague de luttes en France et à l’international contre cette politique ultra-réactionnaire. Des grèves des transports et des ports secouent la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud. Des grèves d’enseignants se déroulent au Liban, en Allemagne, en Grèce, en Norvège, au Kosovo, en Hongrie et en Serbie. Aux USA, la colère des cheminots monte face à une convention collective adoptée derrière leurs dos entre les syndicats et la Maison Blanche, ouvrant la possibilité d’une puissante grève nationale du rail.

En France même, la grève des raffineries se déroule après une grève sauvage à l’usine Stellantis de Hordain qui a fait tache d’huile parmi ses sous-traitants.

Pour les grévistes en France, il est grand temps de construire leurs propres comités de base, indépendants des directions syndicales, et former l’Alliance ouvrière internationale des comités de base. Seules de telles organisations pourrait unifier l’opposition ouvrière à l’inflation et à la guerre, coordonner des actions et contrer les attaques contre les droits des travailleurs, et renverser les tentatives des appareils syndicaux de saboter une mobilisation politique de la classe ouvrière.

La campagne du travailleur de l’automobile Will Lehman à la présidence du syndicat américain de l’automobile UAW, revendiquant la dissolution des appareils et une prise du pouvoir de la base, démontre que de telles initiatives rencontrent un puissant soutien parmi les travailleurs. Elles peuvent permettre à la grève des raffineries d’initier une contre-offensive de la classe ouvrière en Europe contre l’inflation, l’austérité et la guerre.

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