Après avoir menacé les cheminots d’une intervention du Congrès, le syndicat des chemins de fer fait la fête avec Nancy Pelosi sur le Strip de Las Vegas

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L’hôtel et casino Bally's sur le Strip de Las Vegas, décembre 2021 [Photo par SDHN / CC BY-ND 2.0]. [Photo by SDHN / CC BY-ND 2.0]

Le syndicat BLET (Confrérie des mécaniciens de locomotives et agents de train) a débuté sa convention nationale lundi sur le ‘Strip’ de Las Vegas. Elle a lieu quelques jours seulement avant le début d'un vote d'un mois sur un accord de capitulation que ce syndicat a conclu avec les sociétés de chemins de fer et qui a été négocié par la Maison Blanche. Accord qui ne répond à aucune des revendications des travailleurs, surtout la politique brutale d'assiduité qui font que les équipes de train sont de garde 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Comme pour toutes les activités syndicales de ce type, le congrès du BLET est en réalité plutôt des vacances de travail – l’accent étant mis sur les vacances. Personne ne peut sérieusement croire qu’on a choisi ce lieu principalement à cause de son caractère abordable ou pratique. La convention se tient au Bally’s Las Vegas, un emblème dans le plus grand complexe de jeux d’argent de la planète.

Le Bally’s se qualifie de « complexe de casinos où la ville classique de Sin City vit sur le Center Strip». Étant donné que le Las Vegas «classique» a été fondé par des gangsters de la mafia, cela en fait certainement un lieu approprié pour la convention du BLET. Entre les sessions, les délégués peuvent visiter le casino Bally’s avec 65  tables et plus de 1.250  machines à sous, s’empiffrer dans ses six bars et cinq restaurants, ou se prélasser devant ses deux grandes piscines. Les jeux d’argent, les spectacles et autres formes de divertissement tout au long du Strip sont accessibles soit en marchant un peu, soit en prenant le Monorail de Las Vegas, qui a une station dans l’enceinte de l’hôtel.

En fait, c’est la deuxième convention consécutive organisée par un syndicat ferroviaire sur le Strip de Las Vegas. Au début du mois, l’IAM (Association internationale des machinistes) a tenu sa convention, bien qu’un peu plus loin du centre de l’action, au Hilton de Las Vegas. Ce congrès s’est déroulé quelques jours seulement après que ce syndicat eut annoncé un «deuxième» accord de principe identique à celui que les machinistes avaient rejeté début septembre et unilatéralement prolongé le délai pour une grève jusqu’à décembre.

La convention du BLET jette une lumière crue sur le vaste contraste entre les mécaniciens ferroviaires et les bureaucrates qui prétendent les représenter. Alors que le BLET vit dans une station balnéaire huppée et y dépense les cotisations des travailleurs, les mécaniciens eux, ont du mal à prendre un jour pour aller chez le docteur et sont régulièrement obligés de manquer les anniversaires et les événements sportifs de leurs enfants. Perpétuellement de garde et travaillant régulièrement plus de 80  heures par semaine, leur vie appartient aux chemins de fer.

Le congrès a également vu l’habituelle promotion du militarisme américain par l’appareil syndical et présenta une garde d’honneur de l’armée de l’air. Cela, à un moment où les États-Unis font délibérément monter les tensions avec la Russie jusqu’au point de rupture, augmentant le danger très réel d’une guerre nucléaire. La bureaucratie syndicale soutient dans son ensemble activement la campagne de guerre. Alors que le BLET se réunissait, la présidente de la Fédération américaine des enseignants, Randi Weingarten, effectuait son dernier pèlerinage à Kiev pour promouvoir les combattants ukrainiens par procuration, soutenus par les États-Unis contre la Russie.

Des démocrates de premier plan font le pèlerinage du Strip pour s’adresser à la convention du BLET, comme la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi. Il y a à peine trois semaines, elle avait menacé de lancer contre des cheminots une injonction du Congrès s’ils se mettaient en grève et avait admis que les démocrates tenaient prête à être appliquée une loi contre eux s’ils se mettaient en grève à la date limite initiale du 16  septembre. Malgré l’atmosphère de guerre civile régnant à Washington, Pelosi et les démocrates n’ont eu aucun problème à serrer les rangs, contre les cheminots, avec les républicains qui ont proposé une loi similaire au Sénat.

Dans les semaines qui ont suivi, le BLET et l’autre grand syndicat ferroviaire SMART-TD, n’ont cessé de brandir la menace d’une intervention du Congrès pour justifier leur capitulation la veille de la date limite de grève. Le but était d’intimider les travailleurs afin qu’ils acceptent le contrat comme inévitable. S’ils ne l’acceptaient pas, menacèrent les syndicats, le Congrès les forcerait à accepter un accord encore pire.

Et pourtant, la leader de la Chambre a reçu une place au congrès du BLET comme invitée d’honneur. Cela montre que la bureaucratie syndicale se trouve dans une conspiration avec le Congrès et avec la Maison-Blanche, contre les travailleurs. Elle fait tout son possible pour renforcer la position du Congrès, y compris en retardant le vote jusqu’à bien après les élections de mi-mandat, le 8  novembre.

Le secrétaire au Travail Marty Walsh s’était également adressé à la convention de l’IAM, tout comme, à distance, le président Biden et le secrétaire aux Transports Pete Buttigieg. Pelosi elle, a pris la parole à la conférence des dirigeants du SMART-TD, en août, quelques jours seulement avant que le Conseil présidentiel d’urgence de Biden ne publie ses recommandations, qui constituent la base de l’accord actuel.

Le discours de Pelosi au congrès consista en une série de platitudes et de formules hypocrites rebattues. Elle a déclaré que les syndicats constituaient «l’épine dorsale» de la «classe moyenne», puis a dénoncé avec mauvaise foi les politiques de présence punitives des chemins de fer, qui sont maintenues par l’accord de la Maison-Blanche.

Elle a ajouté: «Pour les puissants cheminots de notre nation: une solidarité inébranlable est la façon de résister aux forces anti-syndicales et de protéger vos moyens de subsistance». Puis, elle a eu le culot de saluer l’accord de principe comme exemple du «pouvoir» des travailleurs. Pelosi n’aurait pu prononcer ces mots devant un public de travailleurs de la base sans se faire huer et chasser de la tribune, mais elle fut chaleureusement accueillie par les délégués.

Le type de «solidarité» dont parlait Pelosi était la «solidarité» entre la bureaucratie syndicale et Washington. Depuis son entrée en fonction, la stratégie intérieure de Biden a consisté à utiliser les services des bureaucrates syndicaux pour empêcher les grèves et imposer des contrats bien en dessous de l’inflation.

Malgré une atmosphère d’opulence et d’auto-satisfaction, la convention montra une mentalité de siège de la part d’une bureaucratie qui se sait isolée et méprisée des travailleurs, et qui perd le contrôle de la situation. Le BLET lui-même n’a fourni que très peu d’informations sur son congrès, en dehors de quelques brefs comptes rendus sur son site Web et sa page Facebook et ceux-ci avaient leurs commentaires désactivés.

Le jour même où débutait le congrès, les membres du syndicat BMWED (Brotherhood of Maintenance of Way Employees) qui, comme le BLET, font partie du syndicat des Teamsters, ont rejeté à 56  pour cent un contrat de capitulation. L’opposition des cheminots s’exprime par l’influence croissante du comité de la base, le Railroad Workers Rank-and-File Committee. Ce dernier a tenu des réunions avec des centaines de travailleurs et organise des structures alternatives pour imposer le contrôle de la base et pousser à une grève nationale.

Dans son discours d’ouverture, le président du BLET, Dennis Pierce, a dénoncé une fois de plus ce qu’il a appelé la propagation de «désinformation», c’est-à-dire des faits diffusés par les travailleurs que le syndicat ne veut qu’on sache. «Du bureau du chef de train aux forums de discussion sur Facebook, des forces tentent de nous déchirer et de monter nos membres les uns contre les autres», a déclaré Pierce.

Cet amalgame grossier vise à faire passer les travailleurs de l’opposition, et surtout le comité de la base, pour des pions des sociétés. Mais c’est la bureaucratie syndicale qui est de mèche avec le patronat et qui tente de «déchirer les travailleurs» en imposant des contrats par la fraude, les menaces et la tactique du diviser pour régner.

Le président général des Teamsters, Sean O’Brien, a lui aussi adopté une attitude défensive. «Notre ennemi commun n’est pas dans cette salle» – où se trouvait Pelosi – «ce sont les transporteurs ferroviaires», a-t-il déclaré. «Ils veulent dégrader vos conditions de travail. Ils veulent nous diviser. Nous devons identifier et combattre le véritable ennemi».

O’Brien, ancien apparatchik du président des Teamsters James Hoffa Jr, notoirement connu pour menacer ses opposants de violence, a de bonnes raisons de parler nerveusement. La rébellion qui couve chez les cheminots menace non seulement de déborder les obstacles bureaucratiques que les syndicats ont mis en place, mais pourrait encore avoir un impact sur la situation fragile à laquelle le syndicat est confronté avec le contrat UPS (United Parcel Service) l’année prochaine. En 2018, le dernier contrat fut imposé contre un vote négatif des membres en utilisant une échappatoire dans les statuts et O’Brien fut obligé d’adopter une position pseudo-populiste face à la colère de la base. Il s’est engagé à ce que les Teamsters fassent grève contre UPS s’il n’y a pas d’accord avant l’expiration du contrat l’été prochain.

Le congrès du BLET se poursuit jusqu’à jeudi, mais les débats ont déjà montré clairement que l’appareil syndical est à des millions de kilomètres des travailleurs et hostile à leurs intérêts. Il n’y avait, dans l’atmosphère étouffante de Las Vegas, aucune place pour ceux-ci. Ce congrès est une nouvelle preuve que les travailleurs ont besoin de structures d’alternative pour faire respecter leur volonté démocratique et contrecarrer les trahisons de la bureaucratie. Cela signifie qu’il faut créer le Comité des cheminots de la base.

Le mercredi  12  octobre à 19h00 HAE/18h00 HNE, le Comité de la base des cheminots a tenu une réunion d’un tout autre type: «Fini les retards! Organisez la base pour la grève»!

(Article paru d’abord en anglais le 12  octobre 2022)

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