Les directions syndicales isolent la grève des raffineries alors que Macron prépare des réquisitions à Total

La grève dans les raffineries françaises pour exiger une hausse des salaires face à l’inflation se poursuit, alors que l’État et les bureaucraties syndicales cherchent à casser le mouvement.

Cette puissante grève cause d’importantes pénuries de carburant à travers la France avec près d’un tiers des stations-service en difficulté. Hier, 27,3 pour cent des stations-service faisaient face à une situation de rupture sur au moins un produit, selon le ministère de l’Énergie.

Mercredi, après la signature d’un accord à Esso avec les syndicats CFDT et CGC, le gouvernement avait décidé une première réquisition de salariés grévistes pour casser le blocage du dépôt de carburant de la raffinerie d'Esso-ExxonMobil à Port-Jérôme-sur-Seine. Six salariés du dépôt TotalEnergies de Mardyck (Nord) ont aussi été réquisitionnés. A présent, l’État et les appareils syndicaux préparent cette même stratégie contre les salariés de Total.

Vendredi les syndicats majoritaires de TotalEnergies, la CDFT et la CFE-CGC, ont signé un accord sur les salaires avec la direction TotalEnergies, prévoyant une hausse de 7 pour cent sur 2023 rétroactive au 1er novembre 2022. C’est bien en-dessous de l’inflation prévue à 10 voire 15 pour cent ou plus par an. Ainsi l’accord impose de larges pertes de pouvoir d’achat aux salariés.

Après la signature de l’accord, les deux syndicats ont annoncé la fin de grève. «Après consultation interne, nous venons de signer l'accord», a indiqué à l'AFP Dominique Convert, coordinateur CFE-CGC. Son homologue de la CFDT Geoffrey Caillon a souligné que pour son syndicat, «valider cet accord, c'est aussi demander à tout le monde d'apaiser le climat». La direction a déclaré que c’était un accord «majoritaire» qui devait marquer la «fin de la grève sur l'ensemble de ses sites».

En dépit de la signature d'un accord par les deux syndicats, la grève a été reconduite hier dans les raffineries et dépôts pétroliers de TotalEnergies, y compris Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime), Donges (Loire-Atlantique), Feyzin (Rhône), Grandpuits (Seine-et-Marne) et Flandres.

Sur BFMTV-RMC, Aurore Bergé, la cheffe de file de Renaissance à l'Assemblée nationale, a dit que des réquisitions supplémentaires «pourraient avoir lieu», si «les blocages ne sont pas levés» dans les raffineries.

Quant à la CGT, peu après l’appel de son chef Philippe Martinez à négocier jeudi soir, ses négociateurs ont quitté la réunion vendredi matin en critiquant l’accord. «Les propositions qui sont sur la table sont largement insuffisantes», a déclaré Alexis Antonioli, secrétaire général CGT de la plateforme TotalEnergies Normandie. A propos des autres syndicats, il a dit: «Ces syndicats-là qui viendraient signer un accord au rabais, ça ne changera rien à la mobilisation, ça ne changera rien à l'état d'esprit et à la détermination des grévistes.»

Un mouvement de masse couve parmi les travailleurs inquiets de l’inflation, de la hausse des prix de l’énergie cette hiver, et de la guerre en Ukraine. La classe dirigeante s'inquiète de l’ampleur de la contestation sociale. Le jeudi 13 octobre, le quotidien Le Parisien a rapporté : “la mobilisation s’étend et inquiète les forces de l’ordre. Alors qu’un mouvement de grève paralyse déjà plusieurs raffineries et centrales nucléaires françaises, d’autres secteurs professionnels appellent à gonfler les rangs de la contestation.”

Le Parisien écrit, «la gronde est placée sous surveillance» en indiquant une note du renseignement territorial, consulté par le quotidien, qui craint une «contagion» du mouvement à d’autres secteurs stratégiques du pays.

Les travailleurs ne peuvent pas se fier à la bureaucratie syndicale pour organiser leur lutte contre la politique d’inflation et de guerre menée par les États capitalistes et les banques. En effet, il est évident qu’une raison majeure pour laquelle les appareils syndicaux ne mobilisent pas plus largement les travailleurs contre l’inflation et la guerre est parce qu’ils approuvent eux-mêmes de la plupart des politiques de Macron.

L’accord sur les salaires montre bien que les bureaucraties CDFT et CFE-CGC sont complices avec la direction pour attaquer les travailleurs. D'autre part, la CGT, malgré sa position d'opposant à l'accord, joue simplement un rôle différent à l’intérieur du même dispositif politique qui unit l’État, le patronat et les appareils syndicaux. Si elle ne fournit pas directement un prétexte pour l’État de réprimer les grévistes, comme la CFDT, elle endort et démobilise les travailleurs en continuant la mascarade d’une négociation avec un gouvernement déterminé à casser les grèves de force.

Sur la pandémie COVID-19, la CGT s'est alignée sur la politique d'infection massive dictée par l'Union européenne et les banques. En juin 2020, elle a indiqué qu'elle soutenait les plans de sauvetage de l'UE, qui octroient des milliers de milliards d'euros aux banques et aux grandes entreprises, tout en renforçant l'armée européenne. Elle a publié une déclaration qui soutient la guerre menée par l’Otan contre la Russie en Ukraine.

Tout en publiant quelques critiques de Macron, l’appareil cégétiste souffle le chaud et le froid sur toute mobilisation qui pourrait provoquer, même par inadvertance, un mouvement contre Macron.

D’un côté, pour éviter une révolte de la base, l’appareil organise en ordre dispersé des actions et critique le gouvernement. Après l’annonce de nouvelles grèves dans plusieurs centrales nucléaires à l’appel de la CGT et de Force Ouvrière (FO), la Fédération des transports de la CGT appelle à la grève à la SNCF et à la RATP le mardi prochain. «La question de la grève doit être débattue dans toutes les entreprises» car «la colère sociale qui s'exprime dans le pays est légitime», a dit Martinez lors d’une interview à l'Humanité vendredi.

En guise de désapprobation des réquisitions ordonnées par Macron, la CGT avec les autres syndicats dont FO, Solidaires, et la FSU ont décidé d’organiser une journée de «mobilisation et grève» interprofessionnelle mardi 18 octobre.

Mais en même temps la CGT a annoncé qu’elle refuserait de participer à la manifestation organisée par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise (LFI) aujourd’hui contre la vie chère. Il n’est pas nécessaire d’être partisan de Mélenchon, qui s’est porté volontaire à plusieurs reprises pour être le premier ministre de Macron, pour voir que les arguments de l’appareil cégétiste pour justifier son refus de se mobiliser étaient absurdes et réactionnaires.

Martinez a déclaré à France Info que la lutte contre la vie chère et l’inaction climatique n’avaient rien à voir avec la lutte que voulait porter son syndicat, «pour l’augmentation des salaires». Or, il est évident que la vie est chère pour les travailleurs parce qu’il faudrait augmenter leurs salaires, et qu’il est impossible de le faire sans casser le diktat des marchés financiers internationaux sur la vie économique.

La question décisive pour la classe ouvrière est de s’organiser indépendamment des appareils syndicaux, dans des comités de base. Seules de pareilles organisations peuvent organiser les luttes, mobiliser durablement les travailleurs, et relier ensemble les couches de plus en plus larges de travailleurs qui entrent en lutte contre l’inflation et la guerre.

Les grèves des raffineries ont lieu au milieu d'une explosion croissante de luttes de classe poussées par la montée de l’inflation. Les travailleurs des ports et des transports sont en lutte en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud, les aiguilleurs du ciel à travers l’Afrique, les enseignants à travers l’Europe depuis l’Allemagne et la Norvège jusqu’en Serbie, au Kosovo en en Grèce. Aux USA, la colère ouvrière monte dans l’automobile et le rail, et la possibilité d’une grève nationale du rail se profile.

La tâche urgente est d’organiser une insurrection de la base contre le diktat démobilisateur et nationaliste qu’exercent les appareils bureaucratiques sur les luttes ouvrières. Seuls des comités de la base, libérés de l’influence des appareils syndicaux, pourront structurer et mener une telle révolte, en France et à l’échelle internationale. C’est la perspective pour laquelle le Parti de l’égalité socialiste (PES) se bat et invite les travailleurs à rejoindre et à construire le PES.

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