États-Unis : la colère monte chez les cheminots alors que plus de syndicats prétendent que leurs accords de principe sont adoptés

Une locomotive de l’Union Pacific tire un train de conteneurs en direction du sud, juste au nord de Union Station, Los Angeles, Californie. [Photo par Downtowngal/CC BY-NC-SA 3.0] [Photo by Downtowngal / CC BY-NC-SA 3.0]

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La suspicion et la colère montent chez les cheminots alors que deux autres petits syndicats ont affirmé que leurs contrats avaient été adoptés dans des scrutins serrés.

Mercredi, le syndicat SMART-MD (Division Mécaniciens de l’Association internationale des Travailleurs du Métal, de l’Air, du Rail et des Transports) a annoncé que son contrat avait été adopté à 54  pour cent des voix. SMART-MD a un autre contrat que de celui de la bien plus grande Division Transport (SMART-TD) qui comprend les équipes de train. Le jour suivant, le syndicat NCFO (National Conference of Firemen and Oilers) déclarait que son contrat avait été adopté à 58  pour cent des voix. Aucun des deux syndicats n’a donné d’autres informations sur le vote, comme le taux de participation ou le total des voix.

Les travailleurs se sont immédiatement méfiés des résultats. Le scrutin de SMART-MD a suscité des interrogations en particulier parce qu’on n’attendait pas de résultats avant deux jours. Un travailleur a déclaré sur Facebook que les membres du SMART-MD de Conrail à Detroit n’avaient jamais reçu de bulletins de vote. Le World Socialist Web Site n’a pas pu vérifier cette affirmation de façon indépendante.

Les travailleurs sont doublement sceptiques en raison des similitudes apparentes avec le vote du syndicat IBEW fin septembre, où il y a des preuves considérables d’irrégularités. Un grand nombre d’électriciens n’ont jamais reçu de bulletins de vote par la poste ou les ont reçus trop tard pour arriver avant la date limite. Selon les propres chiffres internes de l’IBEW, le nombre de bulletins «non distribuables» et «douteux» était plus important que la marge de victoire officielle de 150  voix.

Une enquête menée auprès des mécaniciens par le Railroad Workers Rank-and-File Committee a révélé que 46  pour cent des répondants n’avaient pas reçu de bulletin de vote ou l’avaient reçu trop tard pour voter. Sur l’ensemble des personnes interrogées, 91  pour cent étaient opposées au contrat, 90  pour cent estimaient qu’on n’avait pas compté les votes «correctement ou honnêtement» et 93  pour cent étaient favorables à un nouveau scrutin.

L’opposition des travailleurs est de plus en plus admise par la presse grand public. Un article récent de l’Associated Press cite une électricienne qui dit n’avoir jamais reçu de bulletin de vote. «Cela l’a amenée à s’interroger sur la validité de ce vote, car plusieurs collègues n’en auraient pas non plus reçu», indique l’article.

Jeudi, le WSWS a reçu une réponse hostile lorsque nous avons parlé au téléphone avec le président de la NCFO, Dean Davita, pour essayer d’obtenir plus d’informations sur le vote de ratification du contrat.

Davita a catégoriquement refusé de donner d’autres détails du vote outre la majorité annoncée. «Je ne vais pas vous donner de chiffres exacts. On a ratifié le contrat avec une majorité de 58,7 pour cent, et nous avons eu une bonne participation. Les membres ont participé et ont pris leur décision».

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il ne voulait pas donner de chiffres exacts, Davita a répondu: «Je suis le président du syndicat, et c’est ma décision».

Quoi qu’il en soit, les scrutins SMART-MD et NCFO se sont déroulés dans des conditions de contrainte et d’intimidation. Les syndicats s’appuient fortement sur la menace d’une injonction du Congrès pour faire passer leurs accords. Mais ils ont aussi délibérément renforcé la position du Congrès en prolongeant des délais de grève qu’ils se sont eux-mêmes imposés jusqu’après les élections de mi-mandat. La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a assisté à la convention nationale du syndicat BLET en début de semaine et y fut traitée en invitée d’honneur.

Les syndicats ont tout simplement choisi d’ignorer des votes écrasants en faveur de la grève, parfois à 99  pour cent ou plus. Lorsque les machinistes ont voté en septembre à 60  pour cent pour rejeter un contrat du syndicat IAM, et à 80  pour cent pour faire grève, ce syndicat a répondu en annonçant juste un autre contrat, presque identique au premier, moins de deux jours avant sa date limite prolongée de grève. Mais quand ils arrivent à obtenir des votes étroits pour ratifier des contrats après des campagnes ou le principal «argument» est que les travailleurs n’ont pas d’autre choix que d’accepter, ils prétendent que cela représente la volonté inviolable des membres.

Les manœuvres de l’appareil syndical n’ont cependant pas réussi à endiguer la marée d’opposition à la base, qui s’est exprimée la semaine dernière lorsque les travailleurs de l’entretien des voies ont rejeté leur contrat. Le BMWED (Brotherhood of Maintenance of Way Employees) est le troisième plus grand syndicat du secteur et le plus important des syndicats non opérationnels. Il a répondu au rejet en prolongeant unilatéralement son délai de grève jusqu’à «cinq jours après la reprise du Congrès», donnant ainsi à Washington tout le temps nécessaire pour préparer une législation anti-grève.

Cette semaine, les membres du Railroad Workers Rank-and-File Committee ont mené avec succès un piquet d’information à Lincoln, Nebraska, où ils ont distribué des copies de la dernière déclaration du comité, intitulé : «Après le rejet du contrat du BMWED: luttez contre le sabotage par le syndicat! Préparez une grève avant les élections de mi-mandat!» Le comité a tenu une réunion publique en ligne réussie mercredi soir, à laquelle ont participé des centaines de travailleurs. À la fin de la discussion, il a réalisé un sondage d’opinion qui a révélé que 86  pour cent des interrogés pensaient que leurs collègues respecteraient le piquet de grève si les travailleurs d’un autre établissement débrayaient ; et que 77  pour cent étaient favorables à la fixation d’une date de grève par la base.

Les mécaniciens du rail affrontent la bureaucratie de l’IAM lors d’une réunion à Kansas City

Jeudi, une réunion syndicale très tendue a été convoquée pour les machinistes de la région de Kansas City, à laquelle ont participé le président général local et un assistant spécial du président international. «C’est assez inédit», a déclaré au préalable un travailleur au Comité. «Nous pensons que c’est parce qu’ils savent que [le BNSF Argentine Yard, où le Comité a tenu un piquet d’information fin du mois septembre] est une grosse épine dans leur pied».

Un travailleur qui a assisté à cette réunion et qui a déclaré que sa «tête était encore en feu» le jour suivant, a déclaré au WSWS: «Notre président général a ouvert la réunion en disant: “Nous ne sommes pas ici pour vendre ce contrat, nous sommes seulement ici pour fournir les faits”. Puis ils se sont mis à nous le vendre pendant une heure et demie. Cela a suscité une grande opposition».

Un autre travailleur a déclaré qu’une de ses collègues s’était levé pour dénoncer le «faux récit disant qu’il s’agit de la plus grande augmentation de salaire en 48  ans, sans tenir compte de l’inflation et des bénéfices records». Sa collègue a ensuite demandé pourquoi l’IAM avait par deux fois défié le vote de grève des travailleurs. La réponse de l’IAM a été de prétendre de façon absurde que ne pas faire grève «avait en fait renforcé notre position de négociation», puis le responsable a affirmé que le Congrès interviendrait pour bloquer une grève. Quand on lui a demandé si les travailleurs devaient quand même faire la grève, il a continué sans donner de réponse.

À venir

Le scrutin doit commencer lundi pour les deux plus grands syndicats, BLET et SMART-TD, qui comprennent les mécaniciens et les conducteurs. Ces travailleurs sont un foyer d’opposition dans le secteur dû à l’astreinte permanente des équipages de trains, qui les empêche de prendre un congé pour passer du temps avec leur famille ou même pour aller chez le docteur. C’est sur les contrats des mécaniciens et des conducteurs que le gouvernement Biden était intervenu directement début septembre pour essayer d’empêcher une grève à la fin de la période de «décrispation» le 16  septembre.

Comme les autres syndicats, le BLET et le SMART-TD tentent de laisser moisir les travailleurs le plus longtemps possible en organisant le scrutin sur tout un mois. Il ne devrait pas se terminer avant le 16  novembre, soit plus d’une semaine après les élections de mi-mandat.

SMART-TD a publié des déclarations qui exhortent les travailleurs à mettre à jour leurs coordonnées auprès du syndicat, clairement en réponse au tollé suscité par le vote de l’IBEW. Mais de nombreux travailleurs de ce syndicat ont déclaré ne pas avoir reçu de bulletins de vote, bien que leur adresse soit à jour et qu’ils vivent au même endroit depuis des années.

Rien n’indique que les syndicats cèdent à la pression des travailleurs. Au contraire, ils s’entêtent. Cela ne fait que souligner la nécessité d’une action indépendante des cheminots pour renforcer le contrôle de la base sur et contre l’appareil, et pour préparer le terrain pour une grève. Cela signifie le développement d’un réseau de comités de la base dans les gares de triage et les terminaux dans tout le pays.

(Article paru d’abord en anglais le 15  octobre 2022)

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