Construisez le pouvoir de la base pour lutter contre les licenciements et l’abandon des acquis !

Cette lettre a été écrite par le candidat à la présidence du syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) Will Lehman aux travailleurs de ce syndicat. Le dimanche 23 octobre à 14 h 00 HAE, Lehman organise une réunion publique d'urgence pour discuter d'une stratégie de défense des emplois. Inscrivez-vous ici .

Le WSWS a soutenu la campagne de Lehman. Pour plus d'informations, visitez WillForUAWPresident.org .

Frères et sœurs,

Je vous écris aujourd'hui pour informer tout le monde : une nouvelle phase de la restructuration de l'industrie automobile mondiale a commencé, et nos emplois et nos moyens d’existence sont à nouveau menacés.

Les entreprises ont déjà ouvert les hostilités dans cette bataille. La semaine dernière, Stellantis a annoncé qu'il supprimait la troisième équipe à l'usine d'assemblage de camions Chrysler Warren dans la banlieue de Detroit. Les dirigeants de Stellantis et les responsables de l'UAW ont sermonné avec arrogance les travailleurs de cette usine sur les problèmes de qualité et l'absentéisme et ont menacé de fermer l'usine, tout en ignorant le fait qu'ils paient des salaires de misère pour un travail de forçat et qu'ils conservent pour eux tous les bénéfices que les travailleurs ont générés.

Will Lehman discutant de la lutte pour la défense des emplois avec les travailleurs de Warren Truck Assembly en août [Photo : WSWS]

L'UAW a affirmé que « personne n'[était] licencié », mais l'entreprise a déclaré que pas moins de 1 215 emplois seraient touchés et que des centaines « d'intérims » pourraient voir leurs heures réduites à néant.

Au-delà de Warren Truck, l'usine de moteurs Ford Romeo au nord de Detroit devrait fermer le mois prochain. C’est là le résultat de l'accord bradé de l'UAW en 2019, que les hauts responsables syndicaux comme Rory Gamble ont affirmé faussement être un accord « fort » et qui «changeait la vie». En fait, c'était «fort» pour l'entreprise et «changeait la vie» des travailleurs qu'il a dévastées.

À l'usine Stellantis Belvidere Jeep dans l'Illinois, les travailleurs ont subi une série de suppressions d'emplois ; il y a eu depuis 2019 des milliers de licenciements et la suppression de deux équipes. Les travailleurs qui restent, dont beaucoup sont plus âgés, sont traités comme des chiens, contraints de faire un travail qui auparavant était effectué par plusieurs.

Des suppressions d'emplois encore plus importantes sont en préparation. La presse des affaires a remis en question l'avenir de Ford Chicago Assembly, Belvidere et d'autres usines auxquelles on n’a pas encore attribué de véhicule électrique à produire.

Pour une grève nationale contre le terrorisme des trusts

Il ne faut pas laisser passer ce terrorisme des trusts! J'appelle à la pleine mobilisation de tous les travailleurs de la base de l'UAW pour stopper tout nouveau licenciement ou abandon des acquis. Il est temps de fixer des limites: les droits des travailleurs doivent primer sur le profit privé !

Il faut faire revivre le slogan traditionnel du mouvement ouvrier: une attaque contre un est une attaque contre tous! Si je deviens président international de l'UAW et que les trusts cherchent à procéder à des licenciements massifs et à des fermetures d'usines, alors j'appellerai tous les travailleurs de l'UAW à une grève nationale, avec indemnité de grève complète, pour lutter contre de telles attaques. Que la bureaucratie corrompue et pro-entreprises de l'UAW tenterait de saboter une telle politique et d’y résister ne fait aucun doute. C'est pourquoi je demande l'abolition de la bureaucratie de l'UAW et le transfert du pouvoir aux travailleurs des usines à travers la formation de comités de la base.

La lutte contre les licenciements doit aller de pair avec la lutte pour l'amélioration de nos conditions de travail et de notre niveau de vie. Si les trusts disent qu'il faut moins de main-d'œuvre, alors la politique rationnelle serait de réduire la semaine de travail de 40 à 30 heures sans perte de salaire. La réalité est bien sûr que beaucoup de nous sont obligés de travailler 50, 60, 70 heures ou même plus pour joindre les deux bouts. Mais cela veut dire que les salaires doivent être massivement augmentés et l’indexation des salaires sur l’inflation rétablie, afin qu'aucun travailleur n'ait à se tuer au travail pour payer ses factures et nourrir sa famille.

Les travailleurs de l'automobile ont déjà subi des cycles sans fin de chômage technique dus aux pénuries de pièces et au chaos dans les chaînes d'approvisionnement, ou ont pris des congés sans solde à cause du COVID-19, choses sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle, ce qui ravage nos revenus. La situation des travailleurs « temporaires » et « intérimaires » est particulièrement difficile. Durant ma campagne, j’ai rencontré de nombreux travailleurs temporaires ou intérimaires qui n'avaient pas les moyens de vivre par eux-mêmes, étaient payés 16 dollar de l'heure ou moins et payaient des cotisations à l'UAW, mais à qui on dit qu'ils n'ont aucun droit et aucun recours contre le licenciement.

Le programme de la classe ouvrière doit être basé sur la lutte pour ce dont nous avons besoin, y compris notre droit à un emploi bien rémunéré, sûr et stable, ainsi que du temps libre avec nos familles.

La politique de la classe dirigeante : chômage de masse et baisse des salaires

Les licenciements dans l'automobile font partie d'une politique délibérée de la classe dirigeante pour contrer les justes revendications des travailleurs du monde entier pour des salaires bien plus hauts et des conditions de travail décentes. La Réserve fédérale, soutenue par les deux grands partis patronaux, augmente rapidement les taux d'intérêt; elle cherche à ralentir l'économie, à faire monter le chômage et à réduire notre capacité à obtenir des augmentations de salaire. Les fonds d'investissement de Wall Street prévoient déjà un effondrement de l'industrie automobile dans les six prochains mois ; la hausse des taux de prêt automobile y jouent un rôle important.

Si les représentants des banques et des trusts se plaignent de «l'inflation des salaires», les constructeurs automobiles ont réalisé des dizaines de milliards de bénéfices depuis le début de la pandémie et ont reçu renflouements massifs et déductions fiscales de la part de l'État.

Ford, GM et Stellantis ont réalisé à eux seuls plus de 65 milliards de dollars de bénéfices depuis le début de 2020. Cette richesse, créée par notre travail, est acheminée vers les banques et les grands investisseurs par le biais de dividendes et de rachats d'actions.

Les trusts et Wall Street utilisent la transition vers les véhicules électriques et les nouvelles technologies pour détruire des emplois, réduire les coûts de main-d'œuvre et augmenter massivement l'exploitation des travailleurs qui restent.

Ils prétendent qu'il n'y a pas d'argent pour des salaires décents et des avantages sociaux complets pour tous les travailleurs, mais ce qu'ils veulent vraiment dire, c'est qu'ils ne veulent renoncer à aucun de leurs bénéfices.

La collaboration de l'appareil de l’UAW

À chaque accord salarial, les dirigeants de l'UAW nous disent qu'il faut faire des concessions pour « sauver des emplois ». Mais cela s'est avéré être une stratégie fausse et sans issue. Nous avons vu un acquis après l'autre supprimé – les retraites, les augmentations indexées sur l’inflation, la journée de huit heures, les prestations de santé entièrement prises en charge – et on a eu des centaines de milliers d'emplois détruits depuis le début des années 1980.

Les bureaucrates de l'UAW à « Solidarity House » [siège de l’UAW] ne parlent jamais du coût humain de leur politique. Les familles sont séparées ou forcées de se déraciner et de déménager à des centaines de kilomètres pour garder leur emploi, pour finalement être de nouveau menacés de chômage. Pour les travailleurs restés sur le carreau, il y a les divorces, les saisies immobilières, la toxicomanie et l'alcoolisme, la dépression et le suicide.

L'impact sur des villes et des communautés entières de la classe ouvrière a été catastrophique. Des endroits comme Detroit et Flint (Michigan), Lordstown (Ohio), Janesville (Wisconsin), les Quad Cities et d'innombrables autres, ont été ravagés par la désindustrialisation, offrant peu d'avenir aux jeunes de la classe ouvrière.

Mais alors même que l'appareil de l’UAW a présidé à la perte de plus d'un million d’adhérents depuis 1980, ses actifs sont restés relativement stables. La bureaucratie nous a extorqué de plus en plus de cotisations et a déplacé davantage ses investissements vers le marché boursier, un conflit d'intérêts flagrant.

En 1980, alors que Chrysler était au bord de la faillite et travaillait avec l'UAW pour imposer les toutes premières destructions de nos acquis, Marc Stepp, alors vice-président de l'UAW, a fait cet aveu révélateur: « Je crois que l'entreprise devra réduire son activité. Mais que pouvez-vous y faire ? Nous avons la libre entreprise dans ce pays. Les entreprises ont le droit de faire des profits.”

Cela reste le point de vue anti-ouvrier et pro-capitaliste de tout l'appareil de l'UAW: on ne peut rien faire pour lutter contre les licenciements parce que les entreprises ont le « droit de faire des profits » et que les travailleurs eux, n'ont paraît-il aucun droit.

Les travailleurs doivent déclarer que ça suffit !

Il est grand temps que les travailleurs ripostent. C'est l'objet de ma campagne : organiser la base pour transférer le pouvoir à la base des usines, abolir l'appareil de l’UAW qui nous empêche de combattre et lancer une véritable campagne pour défendre nos intérêts.

Je veux conclure sur deux points :

  1. La seule façon de réussir à défendre les emplois et à satisfaire à nos besoins est d'avoir une stratégie internationale. Nous vivons dans une économie mondiale, et les attaques contre les emplois se déroulent à l'échelle internationale. Durant l'été, j'ai parlé avec des travailleurs de Ford en Inde et en Allemagne qui étaient confrontés à la fermeture de leurs usines. En Europe, Ford a testé une stratégie consistant à dresser les travailleurs d’une usine contre une autre dans une surenchère vers le bas, exigeant que les usines en Espagne et en Allemagne se concurrencent pour voir qui accepterait le plus de réductions de coûts en échange de la promesse d'investissement dans les véhicules électriques, un jeu que les bureaucraties syndicales ont joué des deux côtés.

    C'est pourquoi ma campagne est solidaire de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC). Nos ennemis ne sont pas les travailleurs du Mexique, de la Chine, du Japon ou d'autres pays, comme voudraient nous le faire croire les responsables nationalistes de l'UAW. La classe dirigeante ne redoute rien de plus que la possibilité d'un mouvement coordonné et unifié des travailleurs à l'échelle internationale.
  2. Il ne faut pas qu’on fasse porter aux travailleurs la crise économique qui s'aggrave, comme cela a été le cas en 2008, où on a introduit le système de rémunération à plusieurs paliers et une baisse historique gigantesque du niveau de vie des travailleurs.

Si l'oligarchie des trusts refuse de fournir aux travailleurs un revenu décent et des emplois sûrs et stables, alors elle a perdu son droit de gérer les entreprises de manière privée. Cela signifie que celles-ci devraient être transformées en propriété publique, contrôlées démocratiquement et dirigées par des travailleurs dans des comités d'usine et de lieu de travail, et qu’elles doivent fonctionner pour répondre aux besoins des travailleurs, et non aux intérêts privés d'une poignée de milliardaires.

Frères et sœurs, nous devons prendre position pour empêcher un autre massacre des emplois. Si vous êtes d'accord avec mon point de vue, je vous encourage vivement à vous engager à voter pour moi et à contacter ma campagne pour discuter de votre adhésion au réseau croissant de comités de la base .

Assistez à l' assemblée publique d'urgence le dimanche 23 octobre à 14 h 00 HAE pour discuter d'une stratégie de défense des emplois.

Sincèrement ,
Will Lehman

(Article paru en anglais le 19 octobre 2022)

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