Avant même le début des négociations collectives dans le secteur public allemand, les syndicats se rangent du côté du gouvernement

Les négociations contractuelles pour les 2,5 millions d’employés de l’administration fédérale et locale ne commenceront peut-être pas avant janvier, mais les syndicats ont donné le coup d’envoi en annonçant leurs revendications.

Le syndicat du secteur des services Verdi, le syndicat des enseignants GEW, le syndicat du bâtiment et de la construction IG Bau, l’association des fonctionnaires dbb et le syndicat de la police (GdP) demandent une augmentation des revenus de 10,5 pour cent, mais au moins 500 euros par mois pendant une période de 12 mois. Les allocations de formation et les salaires des stagiaires doivent être augmentés de 200 euros par mois.

Le cycle de négociations pour les Länder à l’automne 2021 (ici une manifestation à Hambourg) s’est soldé par une sale trahison [Photo: WSWS]

Ces revendications, qui sont un peu plus élevées que celles des autres syndicats, sont le résultat d’une pression croissante de la base. Les travailleurs du secteur public ont subi des pertes massives de leurs revenus pendant la pandémie, et ces derniers fondent maintenant littéralement face à un taux d’inflation officiel de 10 pour cent. En outre, dans de nombreux domaines, la charge de travail a augmenté de manière insupportable. Dans une enquête à laquelle 200.000 personnes ont participé, 97 pour cent des personnes interrogées se sont déclarées favorables à ce que les négociations portent sur une augmentation massive des salaires.

Cependant, les revendications des syndicats ne couvrent même pas les pertes salariales réelles des deux dernières années, qui s’élèvent à plus de 12 pour cent. En 2020, ils avaient accepté un contrat qui n’augmentait les salaires que de 3,2 pour cent au total sur une période de 28 mois. Même si les nouvelles revendications étaient appliquées dans leur intégralité, les revenus réels diminueraient d’au moins 10 pour cent l’année prochaine par rapport à 2020.

Mais Verdi, qui mène les négociations, n’a pas la moindre intention de se battre pour cette revendication. Au contraire, il forme un front uni avec le gouvernement fédéral, qui est déterminé à imposer les coûts du renforcement militaire, de la guerre en Ukraine et des sanctions contre la Russie aux travailleurs du secteur public et à l’ensemble de la classe ouvrière.

Résister à cette attaque exige trois choses:

  • Premièrement, les travailleurs du secteur public ne peuvent faire valoir leurs intérêts et leurs revendications que dans la lutte contre le gouvernement de coalition et ses politiques de guerre.
  • Deuxièmement, cette lutte ne peut être menée avec Verdi et les autres syndicats, car ils font partie du gouvernement et soutiennent la politique de guerre.
  • Troisièmement, par conséquent, des comités d’action de la base doivent être formés dans tous les lieux de travail pour prendre en main la lutte pour les salaires, pour établir des liens avec les travailleurs des industries métallurgiques et électriques qui sont également dans une lutte pour les salaires, et pour développer un large mouvement contre le gouvernement.

Le chancelier Olaf Scholz a créé l’«Action concertée» au cours de l’été, réunissant des représentants du syndicat, du patronat et du gouvernement, afin de coordonner les attaques contre les salaires et les acquis sociaux et réprimer toute résistance. Le patron de Verdi, Frank Werneke, y joue un rôle de premier plan.

Il y a un an, Verdi avait déjà accepté une réduction massive des salaires réels pour le secteur public dans les États fédéraux. Le syndicat avait convenu d’un gel des salaires pendant 14 mois, avec seulement un paiement unique de 1.300 euros en mars. Les salaires convenus collectivement ne seront pas augmentés de 2,8 pour cent avant le 1er décembre de cette année, puis plus du tout jusqu’à la fin du contrat en septembre 2023.

La semaine dernière, le syndicat IG BCE est allé de l’avant et a conclu une convention pour les 580.000 employés du secteur de la chimie qui se traduit par une baisse des salaires réels de 15 pour cent sur deux ans. Les salaires convenus collectivement augmenteront de 3,25 pour cent au début de chacune des deux prochaines années. À cela s’ajoutent deux versements uniques qui n’ont aucune incidence sur le futur niveau des salaires collectifs, qui n’augmentera que de 6,5 pour cent en 27 mois malgré une inflation record.

Le contrat couvrant le secteur chimique a été déterminé dans le cadre de l’Action concertée. Il est destiné à servir de référence pour les 3,8 millions d’employés de l’industrie métallurgique et électrique et les 2,5 millions travaillant dans le gouvernement fédéral et local. Il montre ce à quoi les employés du secteur public peuvent s’attendre.

Trois dates ont déjà été fixées pour les négociations collectives à Potsdam: le 14 janvier, les 22-23 février et les 27-29 mars de l’année prochaine. Ceci est conforme au rituel habituel. Comme d’habitude, Verdi fera de grands discours et organisera quelques grèves d’avertissement après le premier cycle de négociations pour laisser les travailleurs se défouler, et organisera une manifestation à Potsdam avant le troisième cycle – puis mettra en scène une capitulation sur le modèle du syndicat du secteur chimique.

Non seulement Verdi travaille en étroite collaboration dans le cadre de l’Action concertée avec la coalition tricolore des sociaux-démocrates (SPD rouge), des libéraux-démocrates (orange) et des Verts, mais les négociations collectives se déroulent dans un cadre politique familial étroit, pour ainsi dire. Les négociateurs pour le gouvernement fédéral (la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser) et pour les municipalités (la présidente de l’association des employeurs municipaux [KAV] et maire de Gelsenkirchen, Karin Welge) sont toutes deux des membres du SPD, dont fait aussi partie le patron du syndicat Verdi, Frank Werneke, depuis 40 ans.

Les conditions dans le secteur public montrent les conséquences dévastatrices de cette forme de «partenariat social» dans les moindres détails. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la situation n’a jamais été aussi grave qu’aujourd’hui. L’augmentation des prix, qui pour les denrées alimentaires de base et l’énergie est le double et plusieurs fois supérieure au taux d’inflation officiel de 10 pour cent, est aggravée par les conséquences des programmes d’austérité et des coupes dans les budgets publics.

Les réductions de salaire réel de ces dernières années et l’intensification de l’exploitation ont conduit à ce que de plus en plus d’employés fuient le secteur public et qu’il n’y ait personne pour les remplacer. Une étude de PwC Allemagne indique non seulement qu’il y a une pénurie de travailleurs dans certains domaines, mais elle prédit également que d’ici 2030, il y aura un besoin d’environ 1 million d’employés dans l’ensemble du secteur public. En concurrence avec les entreprises privées, le secteur public n’est souvent pas assez attractif, lorsqu’il s’agit de recruter des travailleurs en raison de la faiblesse des salaires et des conditions de travail.

La pandémie et la politique impitoyable du gouvernement, qui laisse le coronavirus se déchaîner, aggravent encore la situation. Les travailleurs des entreprises de transport, des bureaux administratifs, des hôpitaux et d’autres secteurs sont obligés de travailler dans des conditions sanitaires extrêmement dangereuses. Alors que la vague de coronavirus déferle à nouveau, les congés de maladie augmentent et la charge de travail ne cesse de croître.

Non seulement Verdi et les autres syndicats acceptent cela sans rien faire, ils préparent de nouvelles attaques contre les salaires et font tout pour aggraver cette catastrophe sociale.

Il est donc urgent de casser l’emprise de Verdi et des autres syndicats et de mettre en place des comités d’action de la base qui prendront la lutte salariale en main. Ceux-ci doivent lier la résistance aux réductions de salaire et aux charges de travail intolérables à la lutte contre la guerre et le réarmement militaire.

Une nouvelle forme d’organisation, la création de comités d’action indépendants, est nécessaire pour mener les luttes salariales actuelles dans le cadre d’une mobilisation internationale de la classe ouvrière. Partout dans le monde, de plus en plus de travailleurs participent à des grèves et à des manifestations. Ils luttent contre les suppressions d’emplois, le dumping salarial, les risques sanitaires liés au coronavirus et les conséquences de l’inflation. Une grève générale se prépare au Royaume-Uni, et en France, les grèves et les protestations s’étendent contre le gouvernement Macron, qui réquisitionne des travailleurs des raffineries en grève.

Cependant, ces luttes se heurtent toujours et partout aux limites que les syndicats leur fixent. En Allemagne, le personnel infirmier des hôpitaux universitaires de Rhénanie-du-Nord–Westphalie en a fait l’expérience récemment, avec une grève de douze semaines qui a été trahie par Verdi. À Saarlouis, le syndicat IG Metall et le comité d’entreprise organisent la fermeture de l’usine Ford et sabotent une lutte pour la défense des emplois.

En réponse à la fusion complète des syndicats avec le gouvernement et les sociétés, le Comité international de la Quatrième Internationale et le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste) ont créé l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC). Elle développe un réseau de comités de base indépendants sous le contrôle démocratique des travailleurs. De tels comités ont déjà été créés dans de nombreux pays par des travailleurs de diverses industries. En Allemagne, les travailleurs de l’automobile, les infirmières et les travailleurs des transports, entre autres, ont commencé à créer des comités d’action indépendants.

La création de comités de base pour les travailleurs du secteur public est la préparation la plus importante pour la prochaine lutte pour la négociation collective. Nous exhortons tous les travailleurs à nous contacter par message WhatsApp au numéro suivant: +491.633.378.340.

(Article paru en anglais le 26 octobre 2022)

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