Les problèmes grandissants de l’économie chinoise auront des répercussions mondiales

Après un retard d’une semaine, les responsables des statistiques chinoises ont publié les données du produit intérieur brut pour le troisième trimestre, montrant que l’économie a progressé de 3,9 pour cent sur l’année.

Bien que ce chiffre soit supérieur aux attentes du marché, qui tablait sur une croissance de 3,3 pour cent, il est bien en deçà de l’objectif gouvernemental de 5,5 pour cent, qui est lui-même le taux le plus bas depuis plus de trois décennies.

Un homme portant un masque passe devant un tableau d’affichage électronique dans le hall du bâtiment de la Bourse de Shanghai, en Chine, le vendredi 14 février 2020 [AP Photo/AP Photo] [AP Photo]

On n’a donné aucune raison officielle pour le retard de la publication des données, mais de nombreux commentaires suggèrent que c’est parce que cela détournerait l’attention du congrès du Parti communiste chinois qui s’est tenu la semaine dernière et au cours duquel le président Xi Jinping a obtenu un troisième mandat à la tête du PCC.

Ce retard s’est accompagné d’une autre décision surprenante. Contrairement à la pratique habituelle, le Bureau national des statistiques a publié les chiffres sans tenir de conférence de presse pour discuter des données trimestrielles.

Les chiffres ont révélé une série de problèmes croissants pour l’économie chinoise. Les ventes au détail n’ont augmenté que de 2,5 pour cent, ce qui est bien inférieur aux prévisions de Reuters, qui tablaient sur une hausse de 3,3 pour cent.

La production industrielle a augmenté de 6,3 pour cent, ce qui est supérieur aux prévisions, et les investissements fixes ont augmenté de 5,9 pour cent au cours des neuf premiers mois de l’année. Toutefois, le marché immobilier a continué à se contracter sous l’effet des problèmes financiers non résolus du promoteur géant Evergrande et d’autres sociétés.

On estime que le développement immobilier représente plus de 25 pour cent de l’économie chinoise si l’on tient compte de ses effets sur d’autres secteurs. Les ventes de biens immobiliers ont baissé de 22 pour cent, les nouvelles mises en chantier ont chuté de 38 pour cent et les investissements immobiliers, de 8 pour cent.

On en conclut que la baisse de la croissance n’est pas un ralentissement conjoncturel, mais qu’elle signifie un changement majeur dans l’économie chinoise. Alex Brazier et Serena Jiang, deux économistes du fonds d’investissement géant BlackRock, ont résumé certaines des questions clés dans un billet de blogue.

Dans le cadre de la pression internationale exercée sur la Chine par les gouvernements et les intérêts financiers pour qu’elle assouplisse, voire mette fin à sa politique du «zéro COVID», une grande partie de la responsabilité du ralentissement de la croissance est imputée aux mesures de santé publique instituées par les autorités chinoises.

Selon les économistes de BlackRock, «l’accent mis sur les hauts et les bas de l’activité liés au COVID» ignore les questions plus fondamentales.

«L’économie chinoise a connu une croissance rapide au cours des dix années qui précédaient la pandémie, de 7,7 pour cent en moyenne chaque année. Mais elle fait face maintenant à une série de défis majeurs qui… signifient qu’elle entre dans une phase de croissance nettement plus lente».

Les mesures de lutte contre la pandémie réduisaient la production économique potentielle et, bien qu’elles puissent être assouplies, le taux de croissance potentiel de l’économie pourrait tomber en dessous de 5 pour cent et même descendre à seulement 3 pour cent d’ici la fin de la décennie, ont-ils écrit.

Exposant les raisons, ils ajoutent: «Plus important encore, la population en âge de travailler, après avoir connu une croissance rapide, est en train de diminuer… La diminution du nombre de travailleurs signifie que l’économie ne peut pas produire autant sans générer d’inflation, à moins que la croissance de la productivité ne s’accélère».

Mais cela nécessite le développement de nouvelles technologies qui sont limitées par les restrictions radicales imposées à la Chine dans le cadre des préparatifs de guerre du gouvernement Biden.

Après avoir paralysé le géant technologique chinois, Huawei, les États-Unis étendent leur attaque à l’ensemble du secteur technologique. Ces mesures rappellent l’embargo pétrolier imposé au Japon à la fin des années 1930, qui a joué un rôle clé dans le déclenchement de la guerre du Pacifique dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale.

Selon le blogue de BlackRock, «les restrictions en matière de commerce international et de technologie, ainsi que les réglementations plus strictes imposées aux entreprises opérant en Chine, vont freiner la croissance de la productivité».

Le ralentissement de la croissance, tant à court qu’à long terme, aura un effet majeur sur l’économie mondiale.

Soulignant les implications mondiales de l’évolution de l’économie chinoise, les économistes de BlackRock ont écrit: «Par le passé, lorsque les pays faisaient face à un ralentissement, ils pouvaient toujours compter sur les consommateurs et les entreprises chinoises pour acheter leurs voitures, leurs produits chimiques, leurs machines, leur carburant – même si les consommateurs nationaux se serraient la ceinture».

Et ils pouvaient également compter sur la Chine pour continuer à fournir une abondance de produits bon marché, car la croissance rapide de sa population lui permettait de maintenir des coûts de production bas.

«Ce n’est plus le cas. La récession se profile maintenant pour les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Europe. Mais cette fois, la Chine ne viendra pas à son secours, ni à celui des autres», concluent-ils.

La publication des données du produit intérieur brut a coïncidé avec une réaction violente des marchés boursiers de Hong Kong et de Shanghai à la consolidation, lundi, du pouvoir par Xi et à la nomination de ses partisans à des postes clés.

L’indice Hang Seng Tech de Hong Kong a chuté de 9,7 pour cent, ce qui représente sa deuxième plus forte baisse en une journée, dépassée uniquement par la chute enregistrée en réponse à la crise financière de 2008. Dans l’ensemble, le marché de Hong Kong a chuté de plus de 6 pour cent sur la journée.

La chute s’est étendue à Wall Street, où l’indice NASDAQ Golden Dragon, qui suit les actions des sociétés chinoises cotées aux États-Unis, a enregistré une baisse record de 14,4 pour cent, ce qui totalise une baisse d’environ 50 pour cent depuis le début de l’année.

En Chine continentale, les marchés ont chuté de 3 pour cent et le renminbi est tombé à son plus bas niveau en 14 ans par rapport au dollar américain.

Le directeur général de la recherche chez Kingston Securities, Dickie Wong, a décrit la chute du marché de Hong Kong comme un «moment de vente de panique». Il a attribué cette chute au «remaniement de la direction du PCC chinois et aux tensions entre la Chine et les États-Unis», qui ont continué à assombrir la situation et à accroître l’incertitude.

Les marchés ont généralement réagi aux nominations de Xi en tirant la conclusion qu’il poursuivrait des politiques peu «favorables au marché» dans des conditions où l’accent est mis sur la «sécurité nationale», en réponse aux mesures du gouvernement Biden.

Le New York Times a noté que dans son discours d’ouverture du congrès du parti le 16 octobre, Xi a mentionné la sécurité six fois plus qu’il n’a fait référence à l’économie.

Arthur Kroeber, responsable de la recherche chez Gavekal, une société de recherche axée sur la Chine, a déclaré au Times: «C’est clair qu’avant le congrès du parti, une grande partie de la communauté financière avait pris ses désirs pour des réalités, pensant qu’il y aurait une sorte de signal clair d’engagement envers la réforme économique libérale traditionnelle, et cela s’est révélé être une illusion».

Le déclin à long terme attendu de la production économique chinoise en conséquence des restrictions technologiques que les États-Unis imposent sur la Chine et la chute immédiate des marchés en réponse au congrès du parti sont tous deux des réponses à l’accélération de la campagne guerrière des États-Unis contre la Chine. Comme l’indique clairement le récent document sur la stratégie de sécurité nationale, les États-Unis considèrent la Chine comme la plus grande menace pour le maintien de leur domination mondiale.

(Article paru en anglais le 26 octobre 2022)

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