Brésil : Bolsonaro rompt le silence après sa défaite aux élections, saluant les protestations fascistes contre « l'injustice du processus électoral »

Mardi après-midi, le président brésilien fascisant Jair Bolsonaro a fait sa première déclaration depuis sa défaite à l'élection présidentielle annoncée dimanche soir.

Dans son bref discours, Bolsonaro a remercié les « 58 millions de Brésiliens qui ont voté pour moi », tout en omettant de reconnaître la victoire de son adversaire, l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva du Parti des travailleurs (PT), qui a remporté 60 millions de voix.

Bolsonaro s'exprimant au palais présidentiel mardi (Photo: Fabio Rodrigues- Pozzebom / Agência Brésil ) [Photo : Fabio Rodrigues- Pozzebom / Agência Brésil ] [Photo: Fabio Rodrigues-Pozzebom/ Agência Brasil ]

Au lieu de cela, il a félicité ses partisans fascistes qui ont érigé plus de 300 barrages sur les routes à travers le Brésil, rejetant les résultats des élections et appelant à une intervention des forces armées pour empêcher Lula de prendre ses fonctions.

Bolsonaro a déclaré que « les mouvements populaires actuels sont le résultat de l'indignation et d'un sentiment d'injustice face à la manière dont le processus électoral a été mené ».

Dans le même temps, le président a cherché à se désolidariser des actions violentes qu'il encourage, déclarant que « nos méthodes ne peuvent pas être celles de la gauche [...] telles que l'invasion de propriétés, la destruction de patrimoine et la restriction du droit de circuler ». C'est encore une autre des manœuvres qui ont reflété la conduite de Donald Trump lors de sa tentative de renverser les élections américaines de 2020, que Bolsonaro a adoptées comme son principal modèle politique.

Dans les 45 heures qui ont précédé sa déclaration, alors que ses partisans semaient la pagaille dans tout le pays, Bolsonaro a rencontré ses plus proches alliés politiques, ses ministres militaires et des représentants des forces armées, dont le ministre de la Défense Paulo Sergio Nogueira et le commandant de l'armée de l'air Carlos Baptista Junior.

Au cours de ces réunions, le président fascisant et ses complices ont élaboré le contenu douteux de son premier discours post-électoral, ainsi que les prochaines étapes de leur conspiration en cours pour renverser la démocratie au Brésil.

Dans le cadre de ce plan, Ciro Nogueira, le chef de cabinet du président, a été choisi pour parler publiquement après Bolsonaro d'un processus de transition vers le nouveau gouvernement de Lula. Le candidat pour diriger l'équipe de transition au nom de Lula est son vice-président, Geraldo Alckmin, dont les liens politiques de droite de longue date permettront une meilleure adaptation du PT aux forces réactionnaires portées au pouvoir par Bolsonaro.

Cependant, malgré les accommodements politiques du PT, les actions de Bolsonaro et de ses alliés au cours des trois derniers jours signalent que les deux prochains mois menant à l'investiture présidentielle seront une période d'intensification de la crise politique.

Le jour des élections de dimanche, la police fédérale des autoroutes (PRF) a mis en place sous l’instigation de Bolsonaro de vastes barrages routiers pour empêcher les électeurs de se rendre aux urnes, en particulier dans les États où Lula était en tête. L'un des objectifs clairs de l'opération était de faire en sorte que ses concurrents se sentent lésés et de générer une impasse sur la validité des élections.

Dans les jours qui ont suivi, le PRF a ouvertement autorisé les manifestants pro-coup d'État de Bolsonaro à monter leurs propres barrages routiers. Des vidéos enregistrées à Santa Catarina, un État qui accueille d'importantes sections de la bourgeoisie alignées sur le président fasciste, ont montré des officiers du PRF pratiquement intégrés aux blocus pro-coup d'État.

Dans l'une des vidéos, un officier déclare : « Le seul ordre que nous ayons est d'être ici avec vous. » Dans une autre, parlant dans un micro, un commandant déclare aux manifestants « qu’à aucun moment [...] nous n'aurons l’intention de vous embêter ou vous confronter, vous qui êtes nos patrons ».

Au milieu des protestations croissantes, les représentants des institutions bourgeoises ont révélé toute leur impuissance politique face aux menaces posées par Bolsonaro, en se tournant vers le président lui-même pour enrayer la crise provoquée à son instigation.

Selon Folha de São Paulo, les ministres de la justice ont estimé que « les manifestations [s'étaient] tellement intensifiées qu'une déclaration du président était indispensable pour tenter de contenir les mouvements de ses partisans dans les rues ».

Contrairement à la complicité de la police et de l'État avec ce mouvement putschiste, un épisode spontané a révélé que la seule force sociale réellement capable de défendre la démocratie est la classe ouvrière. Face au blocage de l'autoroute Rio-Santos, les ouvriers du chantier naval BrasFELS à Angra dos Reis sont descendus du bus dans lequel ils rentraient du travail, ont affronté les partisans fascistes de Bolsonaro et dégagé la route.

La mobilisation de la classe ouvrière contre les menaces autoritaires promues par Bolsonaro et les militaires entraînerait nécessairement des revendications sociales qui animeraient un puissant mouvement contre le capitalisme. Pour cette raison, le PT, qui représente le capitalisme brésilien pourri, s’oppose fermement à tout appel à l’intervention des travailleurs.

Condamnant les appels à la confrontation avec les partisans de Bolsonaro lancés par le Mouvement des travailleurs sans-abri (MTST), lié au PSOL (Parti du socialisme et de la liberté) et au PT lui-même, le président du PT, Gleisi Hoffman, a déclaré : « On n’est pas d’accord avec cela parce que c'est une responsabilité de l'État. »

(Article paru en anglais le 2 novembre 2022)

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