«On doit tout faire pour s’opposer à cette législation.»

L’opposition grandit parmi les travailleurs de l’éducation à la loi anti-grève draconienne de l’Ontario

Depuis que le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario a dévoilé lundi une loi qui prive les gardiens d’école, les assistants d’éducation, les éducateurs de la petite enfance et le personnel administratif de leur droit de grève et leur impose arbitrairement des reculs contractuels, le World Socialist Web Site a reçu de nombreux commentaires de travailleurs en colère.

Des employés de soutien scolaire de l’Ontario manifestent à l’extérieur de la conférence du Parti progressiste-conservateur, le 22 octobre 2022 [Photo: WSWS]

Des membres et des partisans du Comité de base des travailleurs de l’éducation de l’Ontario (CTEO) s’en sont pris au gouvernement Ford pour son mépris des droits des travailleurs, et ont critiqué le refus de la bureaucratie syndicale de l’éducation d’organiser la résistance massive du personnel de soutien scolaire, des enseignants et de tous les travailleurs à la loi antidémocratique Keeping Students in Class Act.

Lors d’une réunion des membres du CTEO mardi soir, il a été décidé de convoquer une réunion publique d’urgence en ligne ouverte à tous les travailleurs de l’éducation et à leurs partisans ce jeudi 3 novembre à 19h, heure de l’Est. L’objectif de la réunion sera d’établir une stratégie pour défier la législation de retour au travail du gouvernement Ford et obtenir des augmentations de salaires et d’avantages sociaux qui combattent l’inflation pour tous les travailleurs dans leur prochain contrat. Au centre de cette stratégie doit se trouver la mise en place d’un réseau de comités de la base pour mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière à la défense des travailleurs de soutien à l’éducation.

La loi antigrève des conservateurs vise à imposer des contrats de quatre ans aux travailleurs de soutien à l’éducation, y compris une misérable augmentation de salaire de 2,5 % par an pour ceux qui gagnent moins de 43.000 $ et de 1,5 % pour tous les autres. Lundi, le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, a déclaré qu’il n’y aurait pas d’autres pourparlers avec les négociateurs de l’Ontario School Boards Council of Unions (OSBCU), car le gouvernement s’efforçait de faire adopter sa loi antigrève par le Parlement. Cependant, des reportages ont suggéré mardi que le gouvernement Ford pourrait participer aux séances de négociation prévues par les médiateurs. Une source gouvernementale a déclaré au Toronto Star que le gouvernement participerait si le syndicat retire son avis de grève pour vendredi et fait une «offre raisonnable», c’est-à-dire qu’il réduit considérablement sa demande déjà modeste d’une augmentation salariale annuelle de 11,7 %.

La direction de l’OSBCU et du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui, avec 700 000 membres, est le plus grand syndicat du pays, n’a aucune stratégie pour faire échec au saccage des droits des travailleurs par le gouvernement. Tout ce qu’ils veulent, c’est persuader le gouvernement de retourner à la «table des négociations». Mais les travailleurs n’ont plus rien à négocier avec Ford et Lecce, qui ont saccagé le système de négociation collective en réécrivant les règles à leur guise et qui, de plus, ont invoqué l’antidémocratique «clause dérogatoire» pour le faire: un aveu qu’ils piétinent les droits démocratiques fondamentaux.

Un concierge de London, en Ontario: «Nous devons continuer à travailler en dehors des appareils syndicaux pour défendre notre lutte»

Un concierge de London, en Ontario, a expliqué son mécontentement face à la proposition de l’OSBCU d’organiser une «protestation politique» vendredi plutôt qu’une grève contre la loi anti-grève du gouvernement. La même formule a été utilisée en 1997 par les syndicats d’enseignants pour contenir et finalement saboter une grève de deux semaines des enseignants contre le gouvernement progressiste-conservateur de Mike Harris. En déclarant que la mobilisation était une «protestation politique», la bureaucratie syndicale a envoyé un signal clair à l’establishment politique qu’elle n’avait pas l’intention de mener un défi politique de la classe ouvrière contre le gouvernement Harris et son programme de guerre de classe. Cette fois-ci, l’OSBCU et le SCFP demandent à leurs membres de manifester devant les bureaux des députés conservateurs, en prétendant que le gouvernement peut être forcé à reprendre les «négociations».

«J’ai l’impression que les travailleurs ont le militantisme nécessaire pour s’opposer à la mainmise extrêmement lourde du gouvernement», a déclaré le concierge. «L’OSBCU ayant déclaré qu’elle souhaitait organiser une “manifestation politique” vendredi, les membres devraient faire pression sur les bureaucrates de l’OSBCU et du SCFP pour qu’ils nous soutiennent dans une action de grève continue. Ma section locale a commencé à mobiliser les travailleurs pour qu’ils défient continuellement le contrat imposé et luttent pour que nos droits de négocier, protégés par la Charte, soient rétablis, mais sans mobiliser les travailleurs en dehors du canal du syndicat, je ne crois pas que nous puissions mener des actions. Les travailleurs doivent s’unir à travers l’OSBCU pour construire la force et les stratégies nécessaires pour défier ces violations de la loi que nous présente le gouvernement Ford et ne pas permettre à d’autres secteurs de tomber dans le piège de la suppression de nos droits. Le SCFP et l’OSBCU doivent être poussés à faire en sorte que les autres secteurs comprennent et ressentent la pression, car ils sont les prochains sur la liste.»

Le concierge poursuit: «Les bourreaux du gouvernement Ford se préparent à saboter tous les contrats syndicaux et cela commence avec nous. On doit tout faire pour s’opposer à cette législation.»

À la question de savoir ce que les travailleurs de la base devraient faire si le syndicat accepte une capitulation à la table des négociations avec le gouvernement Ford, le concierge a répondu: «Je crois que si la direction du syndicat accepte une nouvelle capitulation, les travailleurs de la base doivent rapidement mettre sur pied de véritables comités de la base au sein de chaque section locale, tout en luttant pour changer rapidement la composition interne des sections locales et de l’OSBCU avec des membres plus militants et plus politisés afin de s’assurer qu’après l’expiration de cet horrible contrat, nous serons réellement représentés à la table des négociations. Une réelle compréhension des luttes politiques en dehors d’un cadre libéral, et si les luttes internalisées échouent, nous devons continuer à travailler en dehors des appareils syndicaux pour défendre notre lutte au lieu de laisser les traîtres de classe gouverner notre lutte.»

Le concierge a également commenté la nécessité d’une lutte unifiée impliquant tous les travailleurs de l’éducation. «En dirigeant la lutte, j’aurais mis en place des actions de proximité auprès des organisations pour fournir aux travailleurs les perspectives politiques nécessaires sur ce que signifie cette lutte», a-t-il commenté. «Des actions de proximité auprès des organisations pour aider à nourrir et à payer les dépenses des travailleurs qui ne peuvent pas se permettre d’être mobilisés avec la petite rémunération que le SCFP offre comme fonds de grève. L’organisation et la mobilisation du public de soutien et d’autres travailleurs qui ont de l’empathie pour notre lutte commenceraient. Je voudrais que nous fassions la grève dans les secteurs clés des villes, en bloquant la circulation et l’industrie. Il devrait y avoir une mobilisation de masse sur Queens Park et maintenir le terrain jusqu’à ce que Ford et ses acolytes soient forcés de voir le soutien de l’opinion publique. Nous fermerions toutes les commissions scolaires et retiendrions tous les services jusqu’à ce que nos demandes soient satisfaites, défiant ouvertement les lois injustes du gouvernement.»

Un surveillant de Toronto: «Cette attaque de l’État a été possible à cause de la faillite des bureaucrates du syndicat»

Un surveillant de Toronto a déclaré au WSWS: «La décision draconienne du régime Ford d’imposer une réduction massive des salaires aux travailleurs de l’éducation et de criminaliser notre droit démocratique de grève par le biais d’une législation est une attaque contre l’ensemble de la classe ouvrière. Cette attaque de l’État a été possible en raison de la faillite des bureaucrates syndicaux, qui n’ont aucune stratégie de victoire et ont encouragé les membres à faire appel à leurs députés provinciaux pour “venir à la table” afin de “conclure un accord”. C’est une stratégie sans issue qui a conduit à l’échec. Les travailleurs de l’éducation de la base doivent faire appel aux parents de la classe ouvrière et aux millions de travailleurs des secteurs public et privé de la province pour construire un mouvement dirigé par les travailleurs contre les bureaucrates syndicaux et l’État capitaliste dirigé par le gouvernement du PC.»

Enseignant de York: «Historiquement, la seule façon dont les travailleurs ont progressé est en luttant pour leurs droits»

Ken, un enseignant de la région de York, a commenté: «Tous les travailleurs de l’éducation devraient être très préoccupés par les menaces draconiennes du gouvernement de l’Ontario contre notre droit de grève. Les travailleurs de l’éducation doivent vraiment se demander de quel côté sont nos syndicats et s’ils se battent vraiment pour nous. Les temps sont durs. Tout devient de plus en plus cher. Nous avons l’impression de prendre du retard chaque jour. Nous luttons pour des salaires qui suivent l’inflation. Rien qu’au cours des derniers mois, la hausse des taux d’intérêt hypothécaires et le coût du carburant ont sérieusement entamé les liquidités de ma famille. Il semble que la situation s’aggrave de semaine en semaine. Je suis inquiet pour l’avenir.

«Je suis professeur d’histoire. Je sais que la seule façon pour les travailleurs d’avancer dans l’histoire a été de se battre pour leurs droits, pour de meilleures conditions de travail et pour des salaires plus élevés. Le gouvernement leur retire ces droits, et nos syndicats ne font rien pour les en empêcher. Ils ne se battent pas pour nous. Rien n’a jamais été donné aux travailleurs de plein gré par l’État ou les entreprises.

«L’histoire du mouvement ouvrier a été écrite dans le sang, la violence et l’oppression. Chaque victoire a demandé des sacrifices. La seule chose que les travailleurs ont dans ce combat est le contrôle de leur travail. Cela signifie que je décide si je vais travailler dans certaines conditions. C’est un droit humain fondamental, le droit de refuser de travailler. Lorsqu’un nombre suffisant de travailleurs s’unissent et décident de ne pas travailler pour des salaires qui équivalent à des réductions de salaire dévastatrices, nous transformons des actes individuels de rébellion en une puissante lutte collective pour ce que nous méritons en tant que travailleurs. C’est ce que faisaient autrefois les syndicats. Ils étaient des organisations de travailleurs qui se battaient pour les travailleurs. Malheureusement, je ne pense pas que ce soit encore le cas. J’ai l’impression que les responsables ne se soucient pas vraiment de la base.

«Nous devons faire face à d’affreuses vérités dans ces négociations contractuelles. Le gouvernement criminalise notre droit de grève. C’est ce que les fascistes ont fait en Italie sous Mussolini et en Allemagne sous Hitler. Quel genre de société interdit le droit d’un travailleur de retenir son travail? La réponse est simple: pas une société démocratique! En outre, les syndicats soutiennent le gouvernement en n’unifiant pas TOUS les travailleurs de l’éducation dans une lutte politique de masse contre un gouvernement de droite dure qui a très peu de soutien public. Moins de 18 % de tous les électeurs admissibles ont voté pour le parti de Doug Ford lors des dernières élections. Pourquoi les syndicats ne se mobilisent-ils pas pour faire tomber ce gouvernement? Pourquoi les syndicats me disent-ils qu’ils me soutiendront si je décide personnellement de ne pas retourner au travail, mais qu’ils ne demanderont pas à tous les travailleurs de l’éducation de la province de défier collectivement la loi de retour au travail?»

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La tâche essentielle à laquelle sont confrontés les travailleurs de soutien à l’éducation de la base est d’élargir leur lutte aux enseignants et à chaque section de la classe ouvrière. Une telle campagne galvaniserait le soutien de masse, car tous les travailleurs ont intérêt à défendre l’éducation et d’autres services publics vitaux, à faire échouer la campagne gouvernement-employeur visant à imposer des réductions des salaires réels et à briser la batterie de lois anti-grève que les gouvernements utilisent régulièrement pour imposer l’austérité et les reculs contractuels. Nous appelons tous les travailleurs qui souhaitent soutenir cette lutte à nous écrire à ontedrfc@gmail.com.

(Article paru en anglais le 2 novembre 2022)

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