Après des jours durant desquels la police a refusé de commenter les antécédents politiques de l'homme qui a incendié dimanche un centre de traitement des migrants à Douvres, en Angleterre, il s’avère mardi que l'auteur était un fasciste dérangé.
Andrew Leak a attaqué le centre pour migrants à 11 h 22, le 30 octobre. Il a lancé trois bombes incendiaires, faisant deux blessés légers. Il a été vu par un témoin en train de rire alors qu'il lançait trois bidons d'essence auquels étaient attachés des feux d'artifice par la fenêtre de sa voiture.
Après l'attaque, Leak s'est rendu dans une station-service à proximité où il s'est suicidé. Un quatrième bidon a été retrouvé dans sa voiture par la police.
Leak n'a pas été nommé par la police pendant trois jours, avant qu'elle ne l'identifie finalement vers 15 heures le 1er novembre. Le lendemain de l'attaque, la police a seulement révélé qu'il s'agissait d'un retraité de 66 ans qui avait fait le déplacement de 180 km depuis sa sa maison à High Wycombe pour commettre l'attaque.
À ce moment-là, elle savait sans aucun doute tout de lui après avoir fouillé sa maison. Pourtant, comme l'a rapporté le Guardian à l'époque, « la police a déclaré qu'elle gardait l'esprit ouvert sur le motif de son attaque, mais qu'elle ne la considérait pas comme un attentat terroriste ».
Mardi, la police a finalement déclaré que le crime était « susceptible d'être motivé par une forme de grief empli de haine ». Même ce constat a été minimisé par Olly Wright, le chef de la police anti-terroriste du Sud-Est. «Nous comprenons bien que lorsque la police antiterroriste intervient, cela peut être inquiétant pour certains, mais je voudrais rassurer les gens sur le fait que rien ne suggère une menace plus large en cours pour le moment. Ce qui semble clair, c'est que cette infraction ignoble était préméditée et susceptible d'être motivée par une forme de grief empli de haine, bien que cela ne soit pas considéré nécessairement comme un acte terroriste. »
Sir Roger Gale, député conservateur de North Thanet, Essex, a déclaré avant que l'identité de Leak ne soit révélée: «Il n'y a aucun lien connu avec les demandeurs d'asile en général, ni avec aucune organisation de droite […] Tout indique qu'il souffrait d’une maladie mentale, et en conséquence a fait ce qu'il a fait ».
Des articles du Times et du Telegraph ont adopté un ton encore plus ouvertement sympathique envers Leak, donnant l'impression que tout cela n’était pas conforme à son caractère car c'était quelqu'un qui ne ferait pas de mal à une mouche. Parmi les voisins cités figurait Allan Abbott, un prêtre local. Le Telegraph écrit: « Il a douté que l'attaque contre le centre de migrants soit un acte de terrorisme, ajoutant que la seule fois où Leak lui avait parlé de migrants, c'était l'été dernier lorsqu'il eut exprimé sa tristesse ‘qu'un autre bateau [chargé de migrants] avait coulé ».
Tout ce que l'on sait jusqu'à présent montre que Leak était un raciste enragé, qui côtoyait en ligne des fascistes et des groupes fascistes, proférant des menaces contre les migrants et les musulmans contre lesquels, soulignait-il, il avait l'intention de passer à l’acte.
Il est apparu que lundi, la police savait – alors même qu'elle rassurait tout le monde qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter – qu'après avoir attaqué le centre pour migrants, Leak avait crié aux chauffeurs de bus qui attendaient de transporter des migrants : « Savez-vous ce que vous faites ? Vos enfants devraient être violés et tués! »
Il était actif sur les réseaux sociaux, partageant le contenu de nombreuses organisations d'extrême droite, comme Traditional Britain Group, Turning Point UK et le mouvement anti-islamique américain ACT for America. Le Times a noté : « Il aimait plusieurs pages Facebook anti-islamiques, dont « England Fight Back », « Enoch Powell avait raison » et « God hates Islam ».
Le directeur de recherche du groupe antifasciste Hope not Hate, Joe Mulhall, a déclaré au Guardian : « Deux minutes après l'annonce du nom de Leak, nous avons trouvé des liens avec des groupes d'extrême droite. Il est clair pour nous que ce type était un extrémiste d'ultra droite avec une assez longue histoire de partage de contenu de groupes d'extrême droite au Royaume-Uni et à l'étranger, y compris avec Tommy Robinson [l'ancien leader fasciste de la Ligue de défense anglaise]. Cela soulève la question de savoir pourquoi il a fallu deux jours avant que l'enquête ne soit confiée à la police antiterroriste. Ce genre de contenu était partout dans ses activités sur les réseaux sociaux. »
Leak a intensifié son activité fasciste à partir d'octobre 2021, en réponse au meurtre du député conservateur Sir David Amess(article en anglais) par Ali Harbi Ali, un Britannique de 25 ans d'origine somalienne. Le Times a rapporté mercredi qu'après le meurtre, Leak avait déclaré sur les réseaux sociaux « qu’il était temps de se venger » et avait indiqué son emplacement comme ‘en attente dans les tranchées’ ».
En juillet de cette année, Leak a déclaré qu'il était « presque à la fin de son voyage ».
Le Times a révélé que Leak avait été « banni de Twitter la semaine dernière pour des publications offensantes et suspendu sur Facebook à plusieurs reprises. Il avait l'habitude de partager du contenu d'extrême droite et de faire des commentaires racistes ». Une semaine seulement avant son déplacement pour lancer une bombe incendiaire contre le centre pour migrants, il posta sur Twitter : « préparez-vous, si vous n'êtes pas prêt, vous ne survivrez pas » et déclara « tenez bon ». Sur l'un de ses profils de réseaux sociaux, rapporte le Times, « il a dit qu'il serait 'en première ligne quand les balles commenceraient à siffler’ ».
Depuis sa mort, les comptes de réseaux sociaux de Leak ont été suspendus. Le 26 octobre, quatre jours avant d’attaquer le centre, Leak avait répondu à un tweet vidéo du parti d'extrême droite National Housing Party UK, fondé par Pat McGinnis, un ancien militant du parti fasciste British National Party (BNP) et Johns Lawrence, un ancien membre de la English Defence League, du BNP et de Britain First. La vidéo montrait des migrants en France avec le message qui l'accompagnait : « De nombreux camps comme celui-ci se massent sur les côtes françaises. Ils se préparent pour le prochain canot disponible. Ils utiliseront tous la Convention des Nations Unies sur les réfugiés de 1951 pour entrer au Royaume- Uni et seront ensuite logés aux dépens des nôtres. NHPUK dit, plus de réfugiés et nous devons #ExitUNRefugeeConvention NOW (sortir de la convention sur les réfugiés MAINTENANT’ ».
Comme le compte de Leak est suspendu, sa réponse ne peut être lue, mais parmi les nombreuses autres réponses, il y a : « Nous avons besoin de quelques Spitfire [avion de chasse]»; « Coulez quelques bateaux, ça ralentira le flot des gens voulant traverser la Manche »; « Plus de violeurs et de criminels attendant la vie libre que nous offrons. »
Leak était un retraité souffrant d'un cancer, mais dans d'autres circonstances, il aurait facilement pu devenir Anders Breivik ou Brenton Tarrant, des fascistes qui ont massacré en tout 128 personnes. C'est un miracle que personne n'ait été tué à Douvres. Juste avant l'attaque, des dizaines de demandeurs d'asile, qui venaient de faire la dangereuse traversée de la Manche en canots pneumatiques, avaient été conduits dans le centre à travers les portes que Leak devait attaquer.
La lie de la société capitaliste telle que Leak est enhardie et encouragée par une atmosphère politique putride dans laquelle le discours politique officiel se distingue à peine de celui vomis par les fascistes.
Comme l'a noté le WSWS, quelques heures seulement avant l'attaque de Leak, le Times titrait: «Des nouveaux arrivants désespérés poussent Douvres à prendre les armes ». Cette hystérie était basée sur des allégations qu’un demandeur d'asile s'était introduit dans une maison d'un village près de Douvres et avait demandé à être transporté à Londres ou à Manchester pour y être en sécurité. S'exprimant après l'attaque à LBC Radio, la députée de Douvres, Natalie Elphicke, a déclaré que « les tensions étaient vives » dans sa circonscription depuis l'incident.
Le conseiller conservateur du comté de Kent,Nigel Collor, également après l'attentat, a attisé l'animosité contre les demandeurs d'asile, déclarant : « J'aimerais les voir empêcher les bateaux de traverser […] Je sais que c'est quelque chose qui dure depuis quelques années et s'ils arrêtaient les bateaux on n’aurait pas ce problème ».
Vingt-quatre heures après l'attaque fasciste, la ministre de l'Intérieur, Suella Braverman, a défendu son programme anti-immigration, déclarant aux députés, dont des travaillistes tout aussi vent debout contre l'immigration : « Soyons clairs sur ce qui se passe réellement ici : le peuple britannique a le droit de savoir quel parti est sérieux quant à l'arrêt de l'invasion de notre côte sud et quel parti ne l'est pas. »
(Article paru en anglais le 3 novembre 2022)