Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, a averti dimanche que la capitale ukrainienne pourrait connaître une coupure totale de l’électricité, du chauffage et de l’eau pendant l'hiver qui approche à grands pas. Face à la perspective d'une panne d'électricité totale alors que les températures chutent bien en dessous de zéro, les autorités ont élaboré des plans pour évacuer la population de la ville, qui comptait près de 3 millions d'habitants avant la guerre.
Alors que la panique se répandait suite aux informations sur ces préparatifs rapportées par le New York Times, Roman Tkachuk,chef du département de sécurité municipale de Kiev, a depuis insisté pour dire qu’une évacuation massive n'était qu'un des nombreux scénarios sur lesquels les administrateurs de la ville travaillent et qu’il n’y avait pas de plans immédiats pour mettre en œuvre une telle mesure. Il a mis en garde contre la « désinformation ».
Lors d'un récent téléthon en direct cependant, le directeur exécutif de DTEK, l'un des plus grands investisseurs ukrainiens dans le secteur de l'énergie, a déclaré qu'une perte totale d'électricité à Kiev était tout à fait possible et que cela nécessiterait forcément une évacuation d'au moins une « certaine partie de la population ». Le chef régional de la région de Kiev avait fait des commentaires similaires une semaine plus tôt.
On n'a rien révélé de plus sur comment le gouvernement ukrainien avait l'intention de déplacer des millions de gens hors de Kiev dans des conditions où il n’y a ni feux de circulation, ni trains qui circulent. Quant à savoir où il compte les envoyer, cela n'est pas clair non plus.
La capitale ukrainienne connaît actuellement, ainsi que six autres régions, des coupures de courant intermittentes, car 40 pour cent de l'approvisionnement énergétique de l'Ukraine a été endommagé ou mis hors service. En cas de manque total d’électricité, ses systèmes d'eau et d'assainissement seront aussi mis hors service.
Dans ses récentes remarques, le maire Klitschko a dit aux habitants de la capitale qu'ils devaient s'approvisionner en vêtements chauds et en batteries externes, ces dernières pouvant coûter des centaines, voire des milliers de dollars. L'ex-boxeur devenu politicien droitier a également conseillé aux gens de se préparer à loger chez les amis ou la famille hors de Kiev, qui ne dépendent pas du réseau électrique du pays et disposent de puits et de poêles à bois.
Kherson, ville portuaire du sud de l'Ukraine actuellement occupée par les forces russes, a perdu tout approvisionnement d’eau, de gaz et d’électricité au cours du week-end. Moscou affirme que Kiev, qui prépare une offensive pour reprendre la ville, a détruit des lignes électriques et un barrage à proximité. Les responsables russes affirment que l’approvisionnement a maintenant été partiellement rétabli.
Bakhnout, dans la région du Donetsk où se déroulent de violents combats, est également privée d'eau et d'électricité. Des milliers de gens piégés dans la zone de guerre tentent de survivre dans des bâtiments détruits, improvisant des poêles de fortune pour avoir chaud. Le PDG du fournisseur d'énergie ukrainien Yasno, Sergei Kovalenko, a déclaré à la presse que l'Ukraine était confrontée à un déficit énergétique prévu de 32 pour cent.
Dans son allocution nocturne de dimanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a désormais perfectionné le look du brave et de l'innocent, a insisté pour dire que la situation désespérée à laquelle étaient confrontés des millions de ses compatriotes était simplement le résultat du « terrorisme » russe. « Nous devons traverser cet hiver et être encore plus forts au printemps que maintenant », a-t-il déclaré.
L'assaut criminel, désespéré et de plus en plus brutal de Moscou contre l'infrastructure civile ukrainienne est cependant l’issue logique de l'utilisation de ce pays comme d’un pion par les États-Unis et l'OTAN pour essayer d'entraîner la Russie dans une guerre désastreuse et impossible à gagner. Alors que Washington et ses alliés ont trouvé des dizaines de milliards de dollars de financement militaire et d'armements à transférer à Kiev, une coalition de 17 pays de l'UE n'a jusqu'à présent réussi à trouver pour le pays que 500 groupes électrogènes. Les ressources nécessaires pour assurer la survie de dizaines de millions d'Ukrainiens au cours de l'hiver sont tout simplement, semble-t-il, introuvables.
Le quotidien espagnol El Pais a publié un article le 6 novembre détaillant les conditions régnant à Irpin, une ville d'un peu plus de 65 000 habitants aux alentours de Kiev. Le maire, Oleksandr Markushin, a déclaré à ce journal que sa ville avait un besoin urgent de réparations des toits, portes et fenêtres, des installations de pompage d'eau et des fondations des bâtiments. Il a aussi besoin de groupes électrogènes. Les écoles et les établissements médicaux ne peuvent pas fonctionner. Les habitants attendent désespérément l'aide de Kiev. Dans deux semaines, ils espèrent qu'une association caritative fournira un peu d’aide.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) prévoit que 800 000 Ukrainiens supplémentaires fuiront le pays cet hiver en raison de la crise énergétique. Ils rejoindront les rangs des 7,6 millions déjà partis. Parmi ceux-ci, selon une récente enquête du HCR, 68 pour cent ne sont « pas encore économiquement actifs » et 47 pour cent dépendent des « programmes d'aide comme principale source de revenus ». Néanmoins, les pays occidentaux réduisent les prestations pour les réfugiés.
La Pologne, qui a accueilli 1,5 million d'Ukrainiens depuis le début de la guerre, vient d'annoncer qu'à partir de janvier 2023, les personnes cherchant refuge dans le pays devront couvrir la moitié du coût de leur logement, actuellement financé par le gouvernement. En mai 2023, ils seront redevables de 75 pour cent du total.
De plus, les migrants ukrainiens doivent s'inscrire pour obtenir un numéro PESEL, qui permettra au gouvernement polonais de suivre électroniquement leurs entrées et sorties du pays. Étant donné que diverses formes de soutien parrainé par l'État sont en fonction du moment où une personne est entrée en Pologne, le système permettra aux autorités de Varsovie de limiter l'éligibilité des réfugiés sur la base du fait qu'ils ont déjà une fois quitté le pays.
Plus à l'ouest, le programme britannique « Homes for Ukraine », qui verse aux familles 350 £ par mois pour héberger des réfugiés, s'effondre et pourrait être entièrement supprimé par le gouvernement conservateur et droitier. Les hôtes se sont initialement inscrits pour accueillir des réfugiés ukrainiens pendant six mois, et cette date limite approche maintenant. Mais la grande majorité des gens n'ont nulle part où aller parce que les autorités de tout le pays sont incapables de trouver de nouvelles familles pour les accueillir. Un représentant gouvernemental de South Cambridgeshire a déclaré au Guardian le 30 octobre: « J'ai actuellement environ 1 600 personnes sur ma liste en attente de logements et certains arrondissements de Londres en comptent des dizaines de milliers. »
Plusieurs milliers de réfugiés ukrainiens seraient désormais sans abri en Grande-Bretagne. Actuellement, des discussions sont en cours à Londres sur l'arrêt définitif de 'Homes for Ukraine', dans le cadre d'un programme d'austérité massif que le gouvernement de Rishi Sunak, dont la fortune s’élève à 800 millions de dollars, est en train de préparer.
Lundi, l'ambassadrice d'Irlande en Ukraine, Therese Healy, a déclaré aux Ukrainiens souhaitant se réfugier en Irlande qu'ils ne pouvaient pas s'attendre à un accueil gouvernemental. « Je tiens à souligner que les logements disponibles fournis par l'État sont désormais très limités », a-t-elle averti. Cette situation, a affirmé Healy, existe « malgré nos meilleurs efforts et nos meilleures volontés.
En Allemagne, des responsables locaux de la ville de Cottbus ont récemment déclaré à Deutsche Welle que le gouvernement fédéral n'avait financé aucun des coûts permanents associés à l’attribution de logements, d'éducation et de soins médicaux à long terme à une population dans le besoin. Il n'y a pas assez d'interprètes. Et les établissements de santé sont surchargés.
Ailleurs en Allemagne, selon le New York Times, les stades de sport servent encore de centres d'hébergement. Il existe peu d'autres solutions disponibles et peu d'argent. « Le Covid n'est pas terminé. Nous avons une crise énergétique. Notre population est en proie aux ennuis économiques », a déclaré Zeno Danner, l'administrateur du district de Constance, à ce journal, qui a décrit la crise comme posant des questions « épineuses ».
En Nouvelle-Zélande, la situation des réfugiés ukrainiens est si mauvaise que les organisations caritatives travaillant avec la population rapportent que beaucoup envisagent et font des préparatifs pour retourner dans le pays meurtri par la guerre. Les réfugiés ont du mal à joindre les deux bouts, à trouver des soins médicaux ou des cours d'anglais, des problèmes largement signalés partout. Sur les maigres 4 000 visas que le gouvernement néo-zélandais a promis d'accorder aux Ukrainiens, seuls 1 000 ont été délivrés et seulement 400 personnes sont arrivées sur le territoire.
De leur côté, les États-Unis ont limité à 100 000 le nombre de visas spéciaux pour les réfugiés ukrainiens. Les individus doivent déjà avoir un membre de leur famille aux États-Unis qui est prêt à les parrainer et à prouver qu'ils ne représenteront aucune charge financière pour l'État.
(Article paru en anglais le 8 novembre 2022)