Grèves générales en Belgique et en Grèce, et débrayages de masse en France

L’escalade de la lutte des classes au niveau international a donné lieu à deux grèves générales en Europe cette semaine, en Belgique et en Grèce, et à une grève de masse en France. La grève générale en Grèce était la deuxième cette année.

Les grèves sont alimentées par l’explosion du coût de la vie, l’inflation atteignant son taux le plus élevé depuis des décennies sur le continent. Dans les 19 pays de la zone euro, l’inflation a atteint le taux record de 10,7 % le mois dernier.

Belgique

Mercredi, les travailleurs de toute la Belgique, qui compte 11,5 millions d’habitants, se sont joints à une grève générale d’une journée. Ce débrayage fait suite à une grève d’un jour dans le secteur public en juin.

Des travailleurs en grève manifestent devant le siège d’Engie à Bruxelles, le mercredi 9 novembre 2022. Une grève nationale contre l’augmentation du coût de la vie causée par l’inflation galopante et les hausses massives des factures d’énergie liées à la guerre en Ukraine a bloqué le trafic dans une grande partie de la Belgique et impacté les entreprises mercredi. [AP Photo/Geert Vanden Wijngaert] [AP Photo/Geert Vanden Wijngaert]

Ils réclament des augmentations de salaire et l’intervention du gouvernement de coalition pour réduire les prix, notamment de l’énergie. L’inflation en Belgique a atteint 12,27 % en octobre: le taux le plus élevé depuis juin 1975. Selon l’agence de presse AP, «les syndicats belges affirment que les prix du gaz ont augmenté de 130 % en un an seulement, l’électricité de 85 % et le carburant de 57 %, tandis que les prix des denrées alimentaires augmentent également.»

La Belgique dispose d’un système automatique d’«indexation des salaires», qui augmente les rémunérations en fonction d’une mesure de l’inflation à intervalles réguliers. Toutefois, 850.000 travailleurs ne reçoivent cette augmentation indexée qu’en janvier, de sorte que leur salaire sera loin de suivre la hausse des factures. L’indice exclut également les hausses des prix du carburant, qui sont particulièrement élevées.

Les travailleurs des transports publics, des aéroports, des hôpitaux et de nombreuses entreprises privées ont débrayé. Selon Het Laatste Nieuws, les travailleurs des trois principaux ports du pays, Zeebrugge, Anvers et Gand, ont fait grève «en masse» et paralysé la navigation.

Des manifestations ont eu lieu dans la capitale Bruxelles, notamment au siège du fournisseur d’énergie Engie, avenue Simon Bolivar, près de la gare du Nord.

Le secteur de l’éducation a été touché, les étudiants, les enseignants et le personnel participant tous à la grève. À l’ULB, la plus grande université de la capitale, rapporte le Brussels Times, ils ont «installé des piquets de grève sur le campus du Solbosch, pour dénoncer l’impact des coûts énergétiques sur les étudiants.»

Le personnel de la VRT, la chaîne publique flamande, s’est également joint à la grève et a dressé un piquet de grève «devant ses bureaux dans la municipalité de Schaerbeek».

Sur les autres travailleurs impliqués, il est rapporté: « Près de la capitale, dans la région flamande, l’aéroport de Bruxelles-Zaventem est également le théâtre d’un mouvement de grève, avec quelque 150 militants rassemblés dans la station dite des grévistes.

«Trente-quatre actions supplémentaires sont menées dans le Brabant flamand, dont la plus notable se déroule aux portes de l’entreprise Coca-Cola à Gand.»

En Wallonie, «les piquets de grève ont surtout été installés devant les entreprises du sud du pays, Namur servant de plaque tournante aux grèves. Les manifestants se sont également rendus dans les gares et les hôpitaux de la ville, provoquant un ralentissement de la circulation.»

Les employeurs et les politiciens ont fait la queue pour dénoncer la grève. Le premier ministre Alexander de Croo a appelé les travailleurs et les employeurs à «s’unir», affirmant que le gouvernement avait déjà mis en place «un système unique, comme nulle part ailleurs, qui protège les Belges de la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation». Le chef de l’association patronale de l’Union wallonne des entreprises a déclaré à la RTBF qu’ils s’opposaient à la grève parce que la Belgique était en «état de guerre».

Les syndicats ont souligné qu’ils n’avaient aucune objection à l’appel lancé par De Croo aux travailleurs pour qu’ils «s’unissent» aux entreprises qui réalisent des bénéfices records à leurs dépens. Le président de la SETCa, filiale d’une des plus grandes confédérations syndicales, a déclaré à la RTBF que les syndicats «ne demandent pas une augmentation générale des salaires... Nous ne sommes pas irresponsables, nous ne sommes pas des voleurs d’entreprises, loin de là.»

Grèce

Comme pour la grève générale d’avril, la grève de 24 heures de mercredi a été appelée par les deux principaux syndicats grecs représentant 2,5 millions de travailleurs, la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) du secteur privé et la fédération de la Confédération des fonctionnaires du secteur public (ADEDY). Les travailleurs membres de la fédération du Front militant de tous les travailleurs (PAME), organisée par le Parti communiste stalinien (KKE), y ont également participé.

Des milliers de personnes ont manifesté à Athènes et dans la deuxième ville du pays, Thessalonique. À Athènes, les travailleurs ont brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: «Non aux licenciements, non aux réductions de salaire». Selon le quotidien grec Kathemerini, «la GSEE ainsi que le syndicat du secteur public ADEDY réclament une augmentation du salaire minimum, qui s’élève actuellement à environ 713 euros (717 dollars) par mois, et le rétablissement du droit du travail collectif, alors que le coût élevé de l’énergie et des produits de base ronge le revenu disponible des gens.»

Des enseignants protestent en criant des slogans pendant une grève de 24 heures à Athènes, en Grèce, le mercredi 9 novembre 2022. Des milliers de manifestants défilent dans les rues d’Athènes et de la ville de Thessalonique, dans le nord de la Grèce, alors que les travailleurs du secteur public et de certains secteurs privés débrayent pour une grève générale de 24 heures contre la hausse des prix. [AP Photo/Petros Giannakouris] [AP Photo/Petros Giannakouris]

Les travailleurs ont également fait grève pour protester contre les récentes attaques du gouvernement conservateur Nouvelle Démocratie contre les droits des travailleurs, notamment le droit de grève, et une série de privatisations.

Reuters a rapporté qu’après que des «affrontements aient éclaté devant le Parlement», la police anti-émeute a «tiré des gaz lacrymogènes». Selon AP, «deux personnes ont été arrêtées dans la capitale et huit autres à Thessalonique.»

À Athènes, le réseau de transport est paralysé, y compris les bus et les trolleybus qui ne circulent pas du matin jusqu’à 9h ou de 21h jusqu’à tard dans la soirée. Les ferries étaient à l’arrêt dans les nombreux ports grecs. Les contrôleurs aériens et les travailleurs de l’aviation civile ont fait grève, le Greek Reporter notant qu’«Aegean Airlines et sa filiale, Olympic Air, ont annoncé l’annulation de cinquante vols intérieurs et modifié les horaires de quarante-deux autres vols, pour la plupart internationaux.»

Toutes les écoles publiques ont fermé en raison de la grève et les hôpitaux publics ont fonctionné avec un personnel réduit. Selon le réseau d’information, «les navires resteront immobilisés dans les ports grecs, la direction de la Fédération panhellénique des marins (PNO) ayant décidé de participer à la grève de 24 heures. La grève concerne toutes les catégories de navires et s’étend à tout le pays.»

L’inflation en Grèce est de 12 %, son niveau le plus élevé depuis 30 ans. Une infirmière participant à la manifestation à Athènes, Voula Pakou, a déclaré à Reuters: «Je n’arrive pas à passer le mois... Arriver à la fin du mois signifie que votre salaire vous durera jusqu’au dernier jour du mois. Pour moi, mon salaire a déjà été dépensé après les 10 premiers jours». Une autre travailleuse qui manifestait, Christina Skalouba, a dénoncé la somme dérisoire de 9 milliards d’euros d’indemnités de vie chère que le gouvernement a accordée aux ménages, aux entreprises et aux agriculteurs depuis septembre 2021. «Ils nous donnent des miettes pour qu’on se taise... Mais ça ne va pas arriver, parce que nous ne pouvons pas survivre avec seulement ces mesures.»

Les retraités ont été spoliés et leurs revenus dévastés par les gouvernements successifs pendant plus d’une décennie d’austérité depuis 2008 et leur misère s’aggrave. Des millions de familles grecques dépendent du versement des pensions, qui n’ont pas augmenté depuis cinq ans. Giorgos Paliouras, retraité, a déclaré: «Nous ne pouvons plus supporter les coûts élevés. Nous ne pouvons plus supporter la pauvreté. Nous ne pouvons plus supporter l’épuisement».

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La pseudo-gauche SYRIZA (Coalition de la gauche radicale) a eu le culot d’envoyer une délégation à la manifestation d’Athènes, dirigée par son leader Alexis Tsipras (photo dans le tweet ci-dessus). SYRIZA a tweeté que Tsipras a déclaré: «La grève est une réponse bruyante de la société au régime de la hausse des prix, de l’insécurité et de la corruption.» Sous Tsipras, SYRIZA a mené de 2015 à 2019 une destruction encore plus grande du niveau de vie des travailleurs en imposant une austérité plus brutale que les gouvernements de la ND ou du PASOK social-démocrate avant eux. Ces attaques ont été imposées en alliance avec la GSEE et l’ADEDY.

France

Dans le cadre des grèves et manifestations continues contre le gouvernement Macron, les travailleurs de toute la France ont rejoint une journée de grève et de manifestations jeudi. Ils protestaient contre la chute des salaires réels, les attaques contre les retraites et le droit de grève. La Confédération générale du travail (CGT) a appelé les travailleurs des écoles, des hôpitaux et d’autres services à un arrêt de travail d’une journée.

La CGT, ainsi que l’Union nationale des syndicats autonomes et Force ouvrière ont également appelé à une journée de grève à la RATP jeudi, ce qui a eu un impact important sur les transports dans la capitale et en Île-de-France.

(Article paru en anglais le 11 novembre 2022)

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