Le 3 novembre, le député de la France insoumise (LFI) Carlos Martens Bilongo a fait l’objet d’une sortie raciste de la part du député du Rassemblement national (RN) Pierre de Fournas à l’Assemblée nationale française. Alors que Bilongo s’exprimait lors d’un débat sur l’immigration, de Fournas a déclaré: «Qu’il retourne en Afrique».
Contrairement à l’affirmation de de Fournas, Bilongo, qui est noir, est en fait né à Villiers-le-Bel, dans la banlieue nord de Paris. Bilongo est un ancien enseignant et un membre de LFI. Il a été élu à l’assemblée pour représenter la 8e circonscription du Val-d’Oise en tant que candidat de la coalition «Nouvelle union populaire écologique et sociale» (NUPES) menée par LFI lors des élections législatives de juin 2022.
On a suspendu l’Assemblée immédiatement après les propos de de Fournas. Malgré des appels à l’éviction de de Fournas, il s’en est tiré avec une tape sur les doigts. Le 4 novembre, l’Assemblée a voté l’interdiction du député pendant 15 jours et la suspension de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois. Tous les députés, à l’exception de ceux du RN, ont voté en faveur de ces sanctions.
En réponse au commentaire de de Fournas, Bilongo a déclaré dans un communiqué: «Ce déchaînement de haine lève le masque sur le danger que représente encore le RN pour notre pays.» Le chef de LFI, Jean Luc Mélenchon, a dénoncé le RN comme étant «ce dont il a toujours été: des racistes, des fascistes». Le président français Emmanuel Macron s’est déclaré «offensé» par ces «propos intolérables.»
Les commentateurs politiques bourgeois ont présenté l’événement comme un coup porté aux efforts de la dirigeante du RN, Marine Le Pen, pour «dédiaboliser» son parti d’extrême droite en tentant de minimiser ses liens historiques et politiques avec le fascisme du XXe siècle.
Le débat du 3 novembre concernait le sort de l’Ocean Viking, un navire de sauvetage de SOS Méditerranée avec 230 migrants à bord qui était bloqué en Méditerranée. De Fournas affirme que ses remarques faisaient en réalité référence aux occupants de l’Ocean Viking. Dans un message sur Twitter, de Fournas a déclaré qu’il était «totalement innocent des faits», mais qu’il acceptait le résultat pour être «respectueux de l’institution [l’Assemblée nationale], je m’y soumets».
Marine Le Pen a soutenu la revendication de de Fournas, qualifiant ses propos de «maladresse» et dénonçant une polémique «grossière» de la part des adversaires du RN.
La défense par les néo-fascistes du bilan de de Fournas en matière de rhétorique raciste est politiquement méprisable. En 2019, de Fournas a répondu à un tweet d’un Africain, qui demandait quelles étaient les villes les plus diversifiées en France, en disant que si cette personne «veut être avec des Noirs, il peut aller en Afrique». Sa défense revient à prétendre qu’il n’a pas fait une sortie raciste contre un parlementaire français, mais contre des réfugiés sans défense, qui fuient l’impact dévastateur du réchauffement climatique et les guerres illégales de la France en Libye et au Sahel.
Les remarques de de Fournas sont le produit de l’évolution de plus en plus anti-immigrée et raciste de l’ensemble de l’establishment politique français, appuyée par tous les partis de l’establishment, de la LFI de Mélenchon jusqu’à l’extrême droite.
L’«offense» du président Macron face à la rhétorique de de Fournas est empreinte d’hypocrisie. Contre les immigrants et les musulmans français, le gouvernement de Macron a mis en pratique ce que de Fournas a dit à Bilongo en paroles. Bien qu’il ait gagné deux élections en faisant campagne sur la défense des «valeurs républicaines» contre Le Pen, la loi raciste «anti-séparatiste» de 2021 de son gouvernement a fait un pas considérable vers l’objectif de l’extrême droite de transformer juridiquement les musulmans de France en citoyens de seconde zone.
Le cas spécifique du sauvetage de l’Ocean Viking sur lequel l’assemblée débattait est une autre condamnation de la politique anti-immigrée brutale de Macron. Les 230 passagers de l’Ocean Viking ont été abandonnés en Méditerranée, tandis que les gouvernements français et italien refusaient de laisser le navire accoster. Si le bateau a finalement accosté à Toulon le 11 novembre, ce n’était que pour une «évaluation médicale».
Dans la lignée de la sortie de de Fournas, plutôt que d’accorder l’asile aux réfugiés, comme l’exige le droit international, le gouvernement Macron est engagé dans sa propre campagne pour les faire «retourner en Afrique».
Malgré sa démagogie de gauche, Mélenchon donne dans les faits un soutien à la campagne anti-immigrée de l’État. Pendant des années, il a soutenu l’attaque de l’État français contre le droit des musulmans français à porter le voile. En 2021, LFI s’est abstenue lors du vote de l’article 4 de la loi anti-séparatiste, un article crucial, lors de son passage à l’Assemblée. Mélenchon soutient également les interventions de l’impérialisme français au Mali et en Libye.
Le scandale provoqué par les remarques de de Fournas survient alors que la classe dirigeante se prépare plus largement à un gouvernement d’extrême droite en France. De larges sections de l’appareil d’État et de l’armée cherchent le retour du fascisme en France. Cette année, le commentateur fasciste et partisan de la théorie du complot du «grand remplacement», Eric Zemmour, s’est présenté aux élections présidentielles. Dans le magazine Valeurs actuelles de droite, qui a soutenu la candidature de Zemmour à la présidence, des officiers de l’armée française ont écrit qu’ils se préparaient à mener une «guerre civile» à l’intérieur de la France, dans laquelle les morts «se compteront par milliers».
Marine Le Pen et son parti RN sont continuellement promus dans les médias qui appartiennent aux milliardaires comme la seule alternative viable au gouvernement Macron, largement détesté. Malgré l’opposition populaire aux politiques du RN, la haine généralisée de Macron a permis à Le Pen de remporter 41,45 pour cent des voix lors de l’élection présidentielle d’avril dernier, le plus haut total jamais atteint par un candidat d’extrême droite en France. Cela fait partie d’un phénomène international qui a vu l’arrivée au pouvoir de Trump aux États-Unis et plus récemment de Meloni, une descendante politique de Mussolini, en Italie.
Le succès de l’extrême droite à travers l’Europe est principalement le résultat de la lâcheté et de la faillite de ce que l’establishment au pouvoir promeut faussement comme la «gauche». Malgré le fait que Mélenchon ait qualifié le RN de «raciste» et «fasciste» et que Bilongo ait reconnu le danger que représente l’extrême droite en France, la LFI et la coalition NUPES sont totalement hostiles à la mobilisation de la classe ouvrière contre la menace du néo-fascisme et de la dictature militaire.
Comme c’est le cas au niveau international, les politiques d’extrême droite sont extrêmement impopulaires en France. Le public français ne soutient pas les politiques d’extrême droite et la grande majorité abhorre le racisme. Par exemple, un sondage Harris Interactive de 2021 a révélé que 89 pour cent des Français s’opposent à la discrimination à l’encontre des ressortissants non français sur le lieu de travail, la politique phare de la campagne présidentielle de 2022 de Le Pen.
Cependant, même lorsque ses propres députés sont victimes d’attaques racistes, LFI se prosterne devant l’extrême droite. Même si 8 millions de personnes ont voté pour Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, il n’a rien fait pour mobiliser ces partisans, voire encore moins la classe ouvrière au sens large, dans des manifestations et des grèves contre le néofascisme et les politiques fascistes de Macron.
Les remarques de de Fournas à l’Assemblée nationale sont une indication supplémentaire de la mesure dans laquelle le racisme et les attitudes fascistes dominent non seulement le RN, mais l’ensemble de la classe dirigeante. La seule force suffisamment puissante pour mener une lutte efficace contre la promotion par la classe dirigeante de l’extrême droite, du racisme et de toutes les formes de sectarisme est la classe ouvrière internationale. Le refus de LFI d’organiser une réponse significative à cette attaque contre son propre membre est important. Il souligne une fois de plus que la lutte contre la montée du fascisme exige une rupture politique avec les partis de la pseudogauche et la mobilisation de la classe ouvrière de façon indépendante.
(Article paru en anglais le 12 novembre 2022)