Une épidémie d'infections au COVID-19 sur l'immense complexe de Foxconn à Zhengzhou, dans la province chinoise du Henan – la plus grande usine d'iPhone au monde – a mis en évidence les conditions répressives imposées par l'entreprise pour la production en masse de téléphones pour Apple.
Les grands médias du monde entier, faisant campagne contre la politique chinoise de zéro COVID, ont prétendu s’inquiéter du traitement des travailleurs de cette usine lorsque de nombreux travailleurs, craignant d’être infectés, ont décidé de quitter le travail et de rentrer à pied chez eux.
Reuters a par exemple affirmé que les événements survenus dans le complexe « symbolisaient le mécontentement des travailleurs face aux sévères restrictions anti-COVID».
Dans le même temps, le mépris de Foxconn pour la santé et les conditions de vie des salariés pendant l'épidémie a suscité l'indignation sur Internet, en Chine comme ailleurs.
Le complexe de Zhengzhou, en réalité une mini-ville, fabrique exclusivement des iPhones, à hauteur de milliards de dollars pour Apple. Son effectif passe à 350 000 aux pics de production lorsqu'un nouveau modèle est lancé. Il peut produire 500 000 téléphones par jour. À cette fin, les travailleurs peu rémunérés sont entassés dans des dortoirs – huit par pièce – dans des immeubles de 10 ou 12 étages.
Selon certaines informations, les infections ont commencé à apparaître chez Foxconn dès le 8 octobre, mais n'étaient pas un sujet d’intérêt à ce moment-là. Au début, la société taïwanaise a déclaré aux médias qu'il n'y avait pas d'infections «symptomatiques» et a tenté de tromper les travailleurs en leur disant qu'aucun cas ne s'était produit dans l'établissement.
Foxconn a déclaré que la production et les opérations étaient « relativement stables » et que la production pour les trois mois d'octobre à décembre aurait « des prévisions inchangées ».
Selon certains commentaires sur les réseaux sociaux, des responsables gouvernementaux ont également dissimulé les infections. Il n'y a toujours pas de données crédibles sur les infections dans les usines Foxconn.
Les cas d'employés testés positifs ont augmenté, mais ce n'est que le 14 octobre, lorsque l'usine a soudainement commencé à mettre en place une «gestion fermée» – ordonnant aux travailleurs de rester à l'intérieur du complexe – que ceux-ci ont réalisé que la pandémie s'était propagée.
A mesure que le nombre de cas continuait d’augmenter, les proches contacts ont dû être isolés dans des dortoirs. L'usine mit fin aux repas sur place à partir du 19 octobre et à la place distribua des paniers-repas à consommer dans les dortoirs.
De nombreux travailleurs ont déclaré qu'ils recevaient des repas avariés, et que parfois il n'y avait pas de panier-repas ; ils devaient donc se contenter de pain et de nouilles instantanées. Plusieurs travailleurs ont déclaré que les ordures ménagères n'étaient pas enlevées et s'entassaient aux portes des dortoirs.
La gestion chaotique et le mauvais environnement ont alarmé les travailleurs qui voyaient leurs collègues se contaminer.
« Toutes ces informations me donnent le sentiment que de plus en plus de personnes sont infectées, mais Foxconn n'a pas assez d'effectifs pour y faire face », a déclaré un travailleur à Lifeweek , unmagazine économique chinois. Il s’inquiétait des conséquences si l’épidémie devenait «incontrôlable».
Ce travailleur a expliqué: « Il peut être difficile pour les étrangers d'imaginer ce sentiment, mais pour les employés qui ne savaient rien à l'époque, il y a des signes que notre sécurité est difficile à garantir. »
Le malaise croissant a conduit de nombreux travailleurs à rentrer chez eux, principalement ceux des régions voisines. « Ce n'est pas un travail stable, et cela ne vaut pas le risque de contracter la maladie en continuant de le faire », a déclaré un travailleur dans une interview à Caixin News.
Un autre travailleur a déclaré que Foxconn obligeait même des travailleurs testés positifs de continuer à travailler, se mêlant à d'autres travailleurs.
Étant donné que certaines zones infectées de Zhengzhou étaient également confinées, les travailleurs qui se sauvaient ne pouvaient pas accéder aux transports en commun et n'avaient d'autre choix que de retourner chez eux à pied.
Un jour après la diffusion de vidéos montrant des travailleurs quittant l'usine, Foxconn et plusieurs municipalités du Henan ont déclaré qu'ils avaient organisé le transport des travailleurs qui voulaient rentrer chez eux.
Des annonces du gouvernement indiquaient que les travailleurs qui retournaient dans leur ville doivent subir un isolement centralisé. Mais certaines villes obligeaient les travailleurs à payer pour leur isolement, ce qui a provoqué davantage de mécontentement.
Foxconn est tristement célèbre pour ses dures conditions de travail ; en particulier depuis qu'une série de suicides de travailleurs de son immense usine de Longhua (Shenzhen) en 2010 furent connus du monde entier. Foxconn fit délocaliser une partie de la production vers d'autres régions, dont Zhengzhou, où les salaires étaient encore plus bas.
La taille des usines de Foxconn et sa capacité à standardiser la production d'un grand nombre de téléphones en font le fournisseur le plus important d'Apple, représentant la moitié de son approvisionnement mondial. Foxconn est maintenant dans une période de fabrication critique avant la saison des fêtes de fin d'année.
Apple aurait perdu environ 4 milliards de dollars de ventes d'iPad et de Mac au printemps et en été, après la fermeture d'usines autour de Shanghai visant à limiter la propagation du COVID-19.
À Zhengzhou, une ville d'environ 10 millions d'habitants, Foxconn a une présence dominante, facilitée par les gouvernements locaux, provinciaux et nationaux.
Selon les données publiées par l'Association chinoise pour les relations économiques extérieures et le commerce en 2019, Foxconn Zhengzhou s'est classée première en Chine pour les exportations, avec une valeur totale de 31,6 milliards de dollars. Foxconn représentait environ 82 pour cent du volume total des importations de la province du Henan et 65 pour cent de son volume d’exportation.
Le 31 octobre, un porte-parole de Foxconn a déclaré qu'aucune infection grave ne s'était produite dans l'établissement et a parlé d'assurer la poursuite de la production, tout en affirmant que la priorité absolue de l'entreprise était la sécurité des employés.
Apple affirme de même que l'entreprise travaille en étroite collaboration avec ses fournisseurs pour rétablir des niveaux de production normaux, tout en « garantissant la santé et la sécurité des travailleurs ».
Apple a cependant annoncé le 7 novembre qu'en raison des restrictions imposées par l’épidémie, la production à Zhengzhou avait été fortement réduite. Cela a déclenché à Wall Street des craintes qu’Apple n'aurait peut-être pas assez d'iPhones pour répondre à la demande cette année, ce qui pourrait avoir de graves répercussions sur les résultats de l'entreprise.
« Cette dernière situation de zéro-COVID est un coup dur absolu pour Apple dans son trimestre de vacances le plus important », a écrit l'analyste de Wedbush, Dan Ives, dans une note d'investisseur. Ces pressions des marchés financiers mettent en évidence les intérêts colossaux liés à la campagne médiatique mondiale pour dénoncer la politique de zéro-COVID de la Chine et exiger son renversement.
Après que l'épidémie chez Foxconn soit devenue un centre d'attention des médias dans le monde, la réponse du gouvernement s'est concentrée sur la coopération avec l'entreprise pour reprendre la production. Le président de Foxconn Technology Group, Liu Yangwei, a déclaré: « Nous coopérerons avec le gouvernement et les clients pour revenir à une capacité de production normale dans les plus brefs délais. »
Malgré le risque de nouvelles infections, les autorités gouvernementales ont demandé aux écoles et collèges professionnels du Henan de mobiliser les étudiants pour qu'ils entrent dans l'usine Foxconn et ont ordonné à certains villages et villes d'aider Foxconn à recruter des travailleurs.
Chacune des récentes épidémies en Chine a été en grande partie supprimée grâce à la poursuite de la politique de zéro-COVID, qui comprend des confinements, une recherche rigoureuse des contacts, l'isolement des personnes infectées, des tests de masse et le port universel de masques.
Cependant, sans stratégie d'élimination coordonnée à l'échelle mondiale, les infections continueront d'être importées dans le pays pour se propager et menacer la santé publique, et les pressions s'intensifieront pour que la Chine mette fin à sa politique.
Bien qu'il prétende continuer à adhérer à une politique de zéro-COVID, le gouvernement chinois a publié le 10 novembre vingt mesures ; notamment une réduction supplémentaire du temps d'isolement des proches contacts et l’annulation de l’identification des proches contacts secondaires. Si la Chine devait abandonner ses mesures d'atténuation et poursuivre une approche basée uniquement sur la vaccination et le traitement, comme le préconisent sans relâche les médias occidentaux, cela entraînerait probablement la mort de millions de gens.
En cette fin d’automne, le COVID-19 a commencé à se propager en Chine. Au 12 novembre, il y avait des dizaines de milliers de personnes infectées, dont 12 175 cas locaux confirmés et 80 251 infections asymptomatiques. Bien que la pandémie soit encore contrôlable, elle est considérée comme la vague pandémique la plus grave en Chine depuis six mois.
(Article paru en anglais le 15 novembre 2022)