Le sommet du G20 à Bali, en Indonésie, se tient dans la pire conjoncture économique mondiale depuis qu’on a promu l’organisation au rang de principal forum économique international en 2009 à la suite de la crise financière mondiale de 2008.
Les conditions économiques se dégradent sur tous les fronts. L’inflation mondiale est à son plus haut niveau depuis 40 ans. La récession menace un nombre croissant de grandes économies, y compris les États-Unis. Les taux d’intérêt augmentent à mesure que les banques centrales resserrent leur politique monétaire. Enfin, une crise alimentaire de plus en plus grave pousse des millions de personnes à la famine.
La guerre en cours menée par les États-Unis contre la Russie en Ukraine, combinée à l’augmentation des dépenses militaires, ajoute à la spirale inflationniste, tandis que l’intensification des tensions et des conflits géopolitiques empêche toute réponse coordonnée aux problèmes économiques mondiaux qui s’intensifient.
Dans un discours prononcé mardi, la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, a souligné la dégradation des perspectives.
«Les signes encourageants de reprise de l’année dernière ont été remplacés par un brusque ralentissement de l’économie mondiale en raison du COVID, de la guerre en Ukraine et des catastrophes climatiques sur tous les continents», a-t-elle déclaré.
Dans des commentaires précédents, dimanche, elle a noté que, face à ce sombre tableau, «la tendance à une fragmentation croissante est encore plus troublante, à un moment où nous avons le plus besoin les uns des autres. Et je suis très préoccupée par le fait que nous pourrions marcher tout droit les yeux fermés dans un monde qui serait plus pauvre et moins sûr en conséquence».
Le FMI a souligné l’aggravation des tendances à la récession dans ses derniers rapports économiques. Il prévoit que la croissance mondiale ne sera que de 2,7 pour cent en 2023, où 31 des 72 économies devraient enregistrer deux trimestres consécutifs de contraction économique, ce qui correspond à la définition d’une récession technique.
Les principales économies du monde sont au cœur de cette tendance. Après avoir enregistré deux trimestres consécutifs de contraction au cours des six premiers mois de l’année, l’économie américaine a progressé au troisième trimestre, mais cette tendance ne devrait pas durer. Actuellement, une vague de licenciements massifs est en cours dans les industries de haute technologie.
Les indices des directeurs d’achat de S&P Global pour le mois d’octobre indiquent une aggravation de la récession au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans la zone euro. L’indice mondial des nouvelles commandes est tombé à son plus bas niveau depuis le début de 2020, date du début de la pandémie.
Selon le Financial Times, «les économistes revoient à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2023 pour les pays les plus riches et s’attendent à une baisse de la production en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni».
À la suite de la crise de 2008, la Chine a mené des mesures de relance massives et a joué le rôle d’«amortisseur» économique pour de nombreuses régions du monde, notamment les pays plus pauvres, ainsi que les grands pays exportateurs de matières premières comme l’Australie et le Canada.
Il n’y aura pas de répétition. La croissance chinoise a atteint ses niveaux les plus bas en trente ans et, comme le rapporte le Wall Street Journal, les données publiées mardi montrent que «l’activité économique se refroidit dans tous les domaines».
«Les ventes au détail se sont contractées de manière inattendue pour la première fois en cinq mois, tandis que la production des usines a ralenti et que le retrait des investissements immobiliers s’est accéléré».
Le taux de croissance officiel pour cette année n’est que de 5,5 pour cent, soit le plus bas depuis le début des années 1990. Mais cela pourrait être encore plus bas avec une économie qui n’a progressé qu’à un taux annuel de 3 pour cent au cours des neuf premiers mois de l’année.
Les mesures de guerre commerciale prises par les États-Unis intensifient le ralentissement. L’interdiction des exportations de puces vers la Chine devrait amputer le taux de croissance d’un quart de point de pourcentage pour 2023.
La guerre des classes déclenchée par la Réserve fédérale américaine – l’escalade des taux d’intérêt à un rythme record afin d’essayer de réprimer les revendications salariales – envoie des ondes de choc à travers l’économie mondiale et le système financier.
La hausse du dollar américain qui en résulte, entrainant une augmentation du prix des produits de base vitaux dans les monnaies locales, accroît l’insécurité alimentaire.
Dans un rapport publié lundi, la Banque mondiale a déclaré que l’inflation des prix alimentaires intérieurs «continue de rester élevée dans presque tous les pays à revenu faible et intermédiaire et dans les pays à revenu élevé», malgré la baisse des prix alimentaires mondiaux depuis leur pic d’avril dernier.
Le mois dernier, la Banque mondiale a indiqué qu’en raison de la dépréciation des devises par rapport au dollar américain, près de 60 pour cent des pays pauvres importateurs de pétrole ont connu une augmentation des prix intérieurs du pétrole cette année. 90 pour cent de ces économies ont connu une «augmentation plus importante des prix du blé en monnaie locale par rapport à l’augmentation en dollars américains».
La hausse des taux d’intérêt et l’augmentation des paiements sur la dette libellée en dollars ont déjà poussé des pays comme le Sri Lanka à la faillite, et cela pourrait entrainer des conséquences internationales majeures.
Un article du New York Times sur le sommet de Bali note: «Le renforcement du dollar américain aggrave le fardeau de la dette des économies en développement, augmentant les chances que les défauts de paiement des gouvernements se multiplient dans le système financier mondial comme une traînée de poudre».
Le régime de taux d’intérêt plus élevés déclenche déjà des turbulences au cœur même du système financier mondial.
Les girations du marché obligatoire britannique à la fin du mois de septembre, l’effondrement de la bourse de cryptomonnaies FTX la semaine dernière, ainsi que les avertissements croissants que les niveaux de liquidité sur le marché du Trésor de 24.000 milliards de dollars – la base du système financier mondial – sont tombés aux planchers enregistrés en mars 2020 lorsque le marché s’est figé, sont autant d’indications d’une crise financière qui se prépare.
Au milieu de cette agitation croissante, un facteur politique majeur est l’aggravation des divisions entre les grandes puissances, résultant de la guerre menée par les États-Unis contre la Russie et de l’intensification de leurs préparatifs militaires et économiques pour un conflit avec la Chine.
Quels que soient les changements tactiques survenus ces derniers jours – la rencontre entre Biden et le président chinois Xi Jinping – la stratégie, à savoir la domination des États-Unis sur la masse continentale eurasienne, reste la même.
Lors de la réunion du G20 en 2009, il y a eu un certain accord sur la coordination des politiques. À la réunion actuelle, il est déjà très difficile de produire ne serait-ce qu’un communiqué final.
Les différences entre la réunion actuelle et celle d’il y a 13 ans ont été résumées dans une interview du mois dernier avec la ministre des Finances de la nation hôte, l’Indonésie, Sri Mulyani Indrawati.
«J’ai vu de mes propres yeux comment le G20 de l’époque a vraiment formulé ce genre de politique. Tous les dirigeants étaient dans le même bateau et avaient la même préoccupation, le même ennemi», a-t-elle déclaré. «Pour celui-ci, ils sont ennemis les uns des autres».
Toute perspective de coordination mondiale, et surtout de collaboration, pour lutter contre la crise économique grandissante a été pratiquement écartée par la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, dans des propos rapportés par le Wall Street Journal.
«Après la crise financière mondiale, a-t-elle déclaré, les pays pouvaient s’unir et dire que nous avions besoin de mesures de relance budgétaire pour essayer de créer des emplois afin d’éviter une longue récession dommageable. Mais aujourd’hui, les pays ont des marges de manœuvre budgétaires différentes et des pressions inflationnistes différentes».
Ces commentaires sont l’expression d’une contradiction objective au centre même de l’économie capitaliste: celle entre l’économie mondiale interconnectée et intégrée et le système d’États-nations rivaux dans lequel le système de profit est enraciné.
Cette contradiction alimente la guerre des États-Unis contre la Russie et les préparatifs du conflit avec la Chine. C’est la raison pour laquelle aucune réponse internationale n’a été développée pour faire face à la pandémie, au prix de millions de vies. Et elle rend impossible toute réponse progressiste des classes dirigeantes à la dévastation économique croissante.
On ne peut la résoudre par des appels à l’establishment politique capitaliste pour qu’il entende raison et agisse, mais seulement par la lutte internationalement intégrée de la classe ouvrière pour un programme socialiste.
(Article paru en anglais le 16 novembre 2022)