Le ministre britannique des Finances dépose un budget de guerre de classe

Le budget présenté jeudi par le gouvernement conservateur britannique est une déclaration de guerre contre les travailleurs. Le ministre britannique des Finances, Jeremy Hunt, a dévoilé un programme de 55 milliards de livres sterling de réductions de dépenses et de hausses d’impôts.

Hunt est entré au gouvernement le mois dernier sous les ordres des marchés financiers, qui venaient de faire s’effondrer la livre en réponse aux cadeaux fiscaux non financés présentés par le gouvernement éphémère de Liz Truss.

Le ministre des Finances, Jeremy Hunt, quitte le 11 Downing Street pour aller présenter sa déclaration d’automne au Parlement. [Photo : HM Treasury/Flickr / CC BY-NC-ND 2.0] [Photo by HM Treasury/Flickr / CC BY-NC-ND 2.0]

Hunt a mis ce budget au rancart, promettant des coupes «brutales». Il a tenu parole. Son budget était axé sur une austérité draconienne, pour des années à venir, avec des réductions de dépenses paralysantes en termes réels. Selon la propre analyse du ministère des Finances, le budget de Hunt laisse environ 55 pour cent des ménages dans une situation nettement moins favorable.

Alors que le ministre des Finances prononçait son discours d’une heure, le bureau du Budget (Office for Budget Responsibility – OBR) a fait savoir que, même en tenant compte de l’aide pour la hausse du coût de la vie, les familles perdront 7,1 pour cent de leur revenu disponible au cours des deux prochaines années. La baisse de 4,3 pour cent des revenus en 2022-23 sera la plus importante depuis 1956, l’année où l’on a commencé à tenir des registres, et la deuxième plus importante en 2023-24 verra les familles perdre 2,8 pour cent de leurs revenus. D’un seul coup, la croissance du niveau de vie enregistrée au cours des huit dernières années est en train de disparaître. La population au chômage augmentera de 500.000 personnes, passant de 1,2 million à 1,7 million.

Cela s’ajoute aux fortes baisses de revenus déjà subies par des dizaines de millions de travailleurs, les salaires et prestations sociales dérisoires continuant d’être largement inférieurs à l’inflation. En octobre, même la mesure la plus faible de l’inflation, l’IPC, a atteint son plus haut niveau en 41 ans, passant de 10,1 pour cent le mois précédent à 11,1 pour cent. L’inflation mesurée selon l’IPR a atteint 14,2 pour cent. La sombre évaluation du bureau du Budget est basée sur sa prévision relativement optimiste selon laquelle l’inflation atteindra un pic cette année et tombera à 7,4 pour cent l’année prochaine.

En présentant le budget, Hunt a déclaré: «Le Fonds monétaire international prévoit qu’un tiers de l’économie mondiale sera en récession cette année ou l’année prochaine», mais le Bureau du budget «estime que le Royaume-Uni, comme d’autres pays, est maintenant [déjà] en récession». Hunt a ajouté: «Cette année, nous devrions emprunter 7,1 pour cent du PIB, soit 177 milliards de livres sterling; l’année prochaine, nous devrions emprunter 5,5 pour cent du PIB, soit 140 milliards de livres sterling. La dette sous-jacente en pourcentage du PIB commence à diminuer à partir d’un pic de 97,6 pour cent du PIB en 2025-26».

Hunt a ensuite exposé deux nouvelles règles budgétaires, la première étant que «la dette sous-jacente doit diminuer en pourcentage du PIB d’ici la cinquième année d’une fenêtre glissante de cinq ans. La seconde, que les emprunts du secteur public, sur la même période, doivent être inférieurs à 3 pour cent du PIB». Il a averti: «Le plan d’arrêt de travail, le déploiement des vaccins et la réponse du NHS (service national de santé) ont fait la fierté de notre pays – mais ils doivent tous être financés».

Les médias ont présenté le budget comme une résurrection du programme d’austérité brutale de l’ancien ministre conservateur des finances George Osborne de 2010 à 2016. Mais c’est bien pire. En huit années jusqu’en 2019, y compris les cinq années d’Osborne en tant que ministre des Finances, le gouvernement a effectué un total d’environ 30 milliards de livres de réductions de dépenses. Hier, Hunt a annoncé 35 milliards de livres de réduction des dépenses dans un seul budget.

Avec une inflation qui se dirige vers les 20 pour cent, les dépenses publiques n’augmenteront que de 1 pour cent en termes réels au cours de la prochaine législature. Cela représente une économie de 21 milliards de livres, et les dépenses d’investissement seront gelées en termes de trésorerie (une économie de 14 milliards de livres). Avec une élection générale prévue pour 2024, Hunt a programmé les principales réductions de dépenses, comme l’exigent les marchés, des années plus tard. Chaque année qui suit voit une augmentation énorme des réductions.

Les plans de dépenses actuels sont maintenus jusqu’en avril 2025, mais se trouvent suivis de réductions de 11,6 milliards de livres sterling en 2025/26, 23,2 milliards en 2026/27 et 36,3 milliards en 2027/28, par rapport aux plans précédents.

Alors qu’environ 250.000 de ceux déclarant les plus hauts revenus, soit plus de 125.000 livres sterling, seront amenés à payer le taux supérieur de l’impôt sur le revenu (45 pour cent) pour la première fois, comme l’a noté le Mail, «tous les travailleurs risquent de payer plus d’impôts, car le gel de l’allocation personnelle et des seuils de base et supérieur est prolongé jusqu’en 2028, entraînant les gens plus profondément dans le système de manière 'furtive'. En conséquence, 3,2 millions de personnes seront soumis à l’impôt pour la première fois, et 2,6 millions de plus au taux supérieur [payé sur les revenus supérieurs à 50.271 livres sterling] dans cinq ans».

Les budgets du service national de santé (NHS) et de l’éducation ne reçoivent presque rien en termes réels. Hunt a déclaré que le NHS devrait fonctionner selon des méthodes d’«efficacité singapourienne» puisqu’il lui a alloué une somme supplémentaire dérisoire de 6,6 milliards de livres sterling répartie sur les deux prochaines années.

La Health Foundation estime que pour égaler les dépenses de santé par habitant dans 14 pays de l’Union européenne, les dépenses du NHS auraient dû augmenter en moyenne de 40 milliards de livres par an au cours de la dernière décennie. Privé de ressources, le NHS n’est plus en mesure de fournir des soins de santé universels, avec un nombre record de 7,1 millions de personnes en attente de traitement et près de 50.000 postes d’infirmières vacants.

L’enseignement scolaire, qui souffre déjà d’une crise existentielle de financement, recevra encore moins, avec 2,3 milliards de livres supplémentaires par an au cours des deux prochaines années.

Les factures d’énergie des ménages ont doublé en Grande-Bretagne l’année dernière et augmenteront encore de 500 livres sterling pour atteindre plus de 3.000 livres sterling pour un ménage type en avril prochain. Seuls les plus vulnérables recevront une aide financière pour faire face à ces factures.

Autre coup dur pour les travailleurs, la décision d’autoriser les conseils locaux à augmenter la taxe d’habitation d’un maximum de 5 pour cent. Environ 95 pour cent des conseils – en majorité dirigés par le parti travailliste – augmenteront les factures de ce maximum. Dans certaines régions, comme Nottingham, certains ménages seront frappés par des factures de taxe d’habitation approchant les 2.500 livres sterling par an. Mais cela ne suffira pas à combler le déficit collectif des collectivités locales, estimé à 2,4 milliards de livres cette année et à 3,4 milliards de livres l’année prochaine.

Les loyers de quatre millions de personnes dans le secteur du logement social vont augmenter, Hunt ayant annoncé que les locataires seront confrontés à des augmentations de 7 pour cent. Mais 4,4 millions de personnes (19 pour cent des ménages) qui louent à des propriétaires du secteur privé – où il n’y a pas de contrôle des loyers – devront faire face à des paiements encore plus élevés en raison d’une pénurie de propriétés et de la hausse des taux hypothécaires. Plus de cinq millions de ménages verront leurs versements hypothécaires annuels augmenter de 5.100 livres sterling en moyenne d’ici à la fin de 2024.

Des millions de travailleurs de plus de 23 ans subissent une nouvelle baisse de salaire en termes réels, car le salaire minimum n’augmente que de 0,92 livre par heure, passant de 9,50 à 10,42 livres sterling à partir d’avril 2023. Cette augmentation de 9,7 pour cent est déjà inférieure à l’inflation IPC et de plus de 4 pour cent à l’inflation IPR. Un grand nombre de travailleurs seront contraints de travailler avec ce salaire, car Hunt a annoncé que 600.000 autres personnes qui reçoivent l’aide sociale seront obligées de rencontrer un «coach de travail» pour augmenter leurs heures ou leurs revenus.

Des millions de travailleurs du secteur public sont confrontés à des augmentations de salaire prévues par le gouvernement de seulement 2 pour cent en 2023/24. Selon le Congrès des syndicats britanniques (Trades Union Congress), sur cette base, «le salaire réel des préposés aux hôpitaux sera réduit de 1.000 livres sterling; le salaire réel des assistants de soins maternels sera réduit de 1.200 livres sterling; le salaire réel des infirmières sera réduit de 1.500 livres sterling et le salaire réel des ambulanciers et des sages-femmes sera réduit de près de 1.900 livres sterling».

Hunt a vanté la «compassion» des conservateurs en augmentant les pensions, les prestations et les crédits d’impôt de 10,1 pour cent (le niveau d’inflation CPI de septembre) à partir d’avril prochain, imposant une autre réduction en termes réels.

Le gouvernement peut mener cette politique de la terre brûlée – tout en étant largement détesté – seulement parce qu’il se trouve soutenu par le parti travailliste et la bureaucratie syndicale.

Les syndicats ont travaillé sans relâche pendant des mois pour démobiliser et supprimer les grèves de masse qui impliquent des centaines de milliers de travailleurs. Ces dernières semaines, plusieurs millions de travailleurs dans tout le secteur public, y compris le NHS, ont voté pour la grève. Mais la bureaucratie syndicale n’a pas encore organisé une seule grève dans le secteur public, et elle utilise ces mandats pour reprendre les pourparlers avec le gouvernement en vue d’une nouvelle capitulation avec des hausses salariales en dessous de l’inflation.

(Article paru en anglais le 18 novembre 2022)

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