Un juge fédéral a entendu l’action en justice de Will Lehman demandant une prolongation à l’élection de l’UAW

Un juge du tribunal de district pour l’Est du Michigan a entendu le 22 novembre les argumentations au procès intenté par le candidat à la présidence du syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) Will Lehman, qui demande une prolongation d’un mois des délais électoraux afin de garantir le droit de tous les travailleurs à voter.

L’affaire ‘Lehman contre UAW’ fait valoir que l’incapacité du syndicat et du contrôleur nommé par la justice à informer correctement les membres et à s’assurer qu’ils reçoivent leurs bulletins de vote viole le droit de Lehman et de tous les travailleurs du syndicat à une élection équitable. Selon les derniers chiffres, seuls 10  pour cent des membres ont voté, la date limite de réception des bulletins par courrier étant fixée à aujourd’hui.

Les arguments furent entendus par le juge du tribunal de district David M.  Lawson. L’UAW et le contrôleur ont déposé des dossiers séparés s’opposant à la demande de prolongation de Lehman. À la demande du juge, le ministère du Travail a soumis un mémoire d’‘amicus curiae’ (‘ami de la cour’) s’opposant à Lehman.

L’audience a commencé par une présentation exhaustive des questions en jeu dans cette affaire par Eric Lee, l’avocat de Lehman. Les questions du juge Lawson à Lee furent en grande partie de nature juridico-technique, lui demandant de répondre aux arguments de l’UAW, du contrôleur et du ministère du Travail. Selon ces derniers, Lehman n’était pas «qualifié» pour intenter une action en justice parce qu’en tant qu’individu il avait reçu un bulletin de vote et avait pu voter.

Lee a expliqué que le taux infime de participation violait les droits de tous les travailleurs de l’UAW, y compris ceux de Lehman. «900.000 membres de l’UAW n’ont pas voté. Il s’agit du droit de voter dans une élection significative», a-t-il déclaré. «La loi dit qu’il ne suffit pas de voter. Le droit de vote doit être significatif». Mais ce droit n’était pas «significatif» quand la grande majorité des travailleurs ne pouvait pas voter faute d’avoir été correctement informés.

Will Lehman [Photo : WSWS]

Après avoir répondu aux questions techniques, Lee a abordé les questions plus générales du procès. Il a fait remarquer qu’on avait laissé tout le processus d’information des travailleurs sur leurs droits dans les mains de la direction de l’UAW, alors même qu’on n’organisait des élections directes qu’à cause de l’énorme scandale à la corruption qui avait éclaboussé cette même direction.

Lee a noté qu’on avait laissé la charge des listes de diffusion au secrétaire-trésorier de l’UAW Frank Stuglin que le contrôleur lui-même avait pourtant cité pour avoir enfreint la loi et détourné des fonds syndicaux afin de faire campagne pour lui-même.

Lee a également cité un article paru en octobre dans le Detroit News, du président de l’UAW Ray Curry, qui mentionnait un taux de participation de 14  pour cent au référendum tenu l’an dernier. «Nous devons faire mieux», écrivait Curry. «Quel que soit le candidat soutenu par les membres, nous pouvons tous être d’accord que l’avenir de notre grand syndicat est trop important pour que seuls 20  pour cent de nos membres en décident».

Lee demanda pourquoi, vu que le taux de participation était en passe d’être bien moins de 20  pour cent et que l’allègement exigé d’une prolongation de 30  jours était si simple, la direction de l’UAW s’y opposait.

Si Lawson a interrogé Lee principalement sur des questions techniques, lorsque le moment fut venu pour l’UAW et le contrôleur de répondre, l’échange s’est concentré davantage sur la question essentielle: la participation électorale.

Lawson a interrompu la réponse de l’avocat de l’UAW Richard Griffin à Lee par cette question: «Quelle est la raison d’un taux de participation aussi faible?» Griffin a répondu «nous n’avons pas de réponse adéquate», mais il a pointé, comme justification, l’élection des Teamsters en 2021 où le taux de participation avait été de 14  pour cent. Il n’a pas dit que le taux de participation à la toute première élection directe des Teamsters en 1991 avait été de 28  pour cent. Le taux de participation à l’élection suivante (1996) fut de 33  pour cent. Griffin s’est servi de l’argument que les mesures prises par l’UAW pour informer les membres étaient «légalement suffisantes».

De même, Lawson a demandé à l’avocat du contrôleur, Michael Ross, si son mandant avait «des inquiétudes quant à la nature de la réaction, la participation anémique», en particulier parce que le contrôleur avait dit qu’il y avait eu des problèmes avec le référendum. Ross a répondu qu’il n’y avait «aucune base pour conclure qu’il y a matière à s’inquiéter».

La conclusion de l’audience s’est concentrée sur le système utilisé pour communiquer avec les membres et envoyer les bulletins de vote, le Local Union Information System (LUIS), mis en place comme système de communication interne à l’appareil de l’UAW. Répondant aux questions de Lawson, le contrôleur a décrit le LUIS comme «le mécanisme utilisé pour communiquer entre les sections locales et le [bureau] de l’International».

Lawson a répondu: «La communication entre l’International et les sections locales, cela exclut en quelque sorte les membres.» Il a demandé à Ross si avant le référendum on avait jamais utilisé le LUIS pour distribuer les bulletins de vote, lors des votes de ratification ou pour communiquer avec l’ensemble des membres. Ross s’en est remis à l’avocat de l’UAW, Griffin, qui a répondu de façon remarquable qu’il ne savait pas et qu’il devrait soumettre l’information au juge plus tard.

Lawson a demandé à Lee s’il savait comment les votes de ratification étaient organisés pour les contrats de l’UAW. «Par le biais d’assemblées de masse des membres et d’un vote par la suite», a répondu Lee. «Nous serions favorables à ce qu’on utilise cette méthode pour informer les membres de l’élection et distribuer les bulletins de vote».

Tard le 22 novembre, l’UAW a soumis au tribunal une réponse complémentaire qui, tout en affirmant que le système LUIS englobait les adresses de tous les membres, admettait que c’était une «plate-forme d’information entre le Syndicat international et ses sections locales», c’’est-à-dire un système de communication pour l’appareil de l’UAW.

(Article paru d’abord en anglais le 23 novembre 2022)

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