Les travailleurs des compagnies aériennes américaines rejoignent les cheminots dans leur lutte contre les conditions de travail abusives

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Le militantisme croissant des travailleurs des compagnies aériennes américaines, en opposition aux conditions de travail intolérables et aux bas salaires, vient rejoindre la rébellion des cheminots qui se dirigent vers une confrontation historique avec le gouvernement Biden et le Congrès américain qui ont adopté une loi imposant un contrat que les travailleurs ont rejeté.

Les travailleurs des compagnies aériennes se trouvent pratiquement dans la même situation que les cheminots, les équipages de vol étant confrontés à un manque de personnel qui entraîne une surcharge de travail et une fatigue potentiellement catastrophique des pilotes. Tandis que les compagnies aériennes engrangent des profits faramineux, dopés par des subventions massives du gouvernement, les travailleurs du secteur – dont les salaires stagnent depuis longtemps – sont ravagés par l’inflation.

Des agents de bord d’United Airlines tiennent un piquet de grève à l’aéroport international de Los Angeles, 2011 [AP Photo/Damian Dovarganes] [AP Photo/Damian Dovarganes]

Comme les cheminots, les travailleurs des compagnies aériennes font face à une gestion d’entreprise impitoyable. L’appareil syndical, qui est intégré à ces mêmes directions, invoque contre eux la même loi réactionnaire Railway Labor Act (RLA) pour bloquer les grèves et enfermer les travailleurs dans des négociations interminables et infructueuses qui visent à épuiser la résistance.

Au cours du mois dernier, les travailleurs des compagnies aériennes ont rejeté des contrats et adopté à une écrasante majorité des votes d’autorisation de grève, démontrant ainsi leur détermination à se battre. Les pilotes et le personnel de cabine d’US Airlines, Delta, American et United ont rejeté des contrats qui ne répondaient à aucun de leurs besoins fondamentaux.

Le 16 novembre, les agents de bord d’American Airlines ont organisé des piquets de grève et des rassemblements dans 11 grands aéroports pour mettre en avant leurs revendications, après qu’elles aient été rejetées par la direction. L’Association des agents de bord (AFA) couvre 25.000 agents de bord d’American Air et négocie depuis avant le début de la pandémie pour un nouvel accord.

Selon la présidente de l’AFA, Julie Hedricks, dans des commentaires adressés au Guardian au début du mois, «on a réduit nos effectifs». Nous sommes revenus au même nombre de vols et d’heures de vol qu’en 2019, avant le Covid, des milliers d’agents de bord en moins».

Le 31 octobre, 15.000 pilotes de Delta Airlines ont voté à 99 pour cent pour autoriser la grève. La même semaine, les pilotes d’United Airlines ont voté le rejet d’un accord de principe à 94 pour cent. Plus de trois ans de négociations n’ont pas abouti à un accord.

Cependant, les pilotes doivent faire face à un processus de médiation labyrinthique en vertu de la RLA qui place des obstacles presque impossibles sur la voie d’une action de grève légale. Tout d’abord, le National Mediation Board doit décider que des efforts de médiation supplémentaires ne seraient pas productifs et renvoyer la compagnie aérienne et le syndicat à l’arbitrage. Si l’une ou l’autre des parties refuse, cela déclenche une période de «réflexion» obligatoire de 30 jours avant qu’une grève puisse légalement commencer.

Comme dans le cas des chemins de fer, les bureaucrates des syndicats des compagnies aériennes ne refusent pas seulement de lutter contre la RLA antidémocratique. Ils l’accueillent comme un moyen de réprimer un mouvement de leurs propres membres, qui pourrait échapper à leur contrôle. C’est le cas de la dirigeante de l’Association of Flight Attendants and Communications Workers of America (AFA-CWA), Sara Nelson, membre des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA). Il convient de noter que les collègues des DSA de Nelson au Congrès, dont Alexandria Ocasio-Cortez, ont voté pour soutenir la législation briseuse de grève contre les cheminots.

L’hypocrisie du gouvernement Biden a été démontrée la semaine dernière par les propos du secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, qui a qualifié d’«inacceptable» une éventuelle grève des cheminots. Il a ajouté: «Si nous n’avons pas un système ferroviaire sain, fonctionnel et solide… Ce ne serait pas bon». Il a poursuivi: «Nous n’avons pas de camions, de barges ou de navires dans ce pays pour compenser le réseau ferroviaire».

Tout en appuyant une législation briseuse de grève qui vise à imposer un contrat pro-patronal aux cheminots, le secrétaire aux Transports traite les compagnies aériennes, qui ont fait des ravages dans le système de transport aérien, avec ménagement. Les compagnies aériennes, à l’instar des chemins de fer, ont supprimé des milliers d’emplois et, au cours des deux dernières années, elles se sont livrées à une surenchère massive des prix tout en laissant des milliers de passagers sur le carreau avec des annulations de vols et des retards.

Conscient de la colère du public à l’égard des dirigeants des compagnies aériennes, Buttigieg a imposé, le 13 novembre, une amende de 7,25 millions de dollars à six transporteurs aériens qui doivent collectivement plus de 600 millions de dollars aux passagers dont les voyages ont été touchés par des retards et des annulations de vols. Mais aucune des grandes compagnies aériennes américaines n’a été mise à l’amende. Parmi les six sociétés qui ont été pénalisées, toutes sauf une étaient des compagnies étrangères.

Selon les données officielles du gouvernement, la majorité des annulations et des retards de vols, soit 40 pour cent, sont dus aux transporteurs eux-mêmes. Pour les huit premiers mois de 2022, les compagnies aériennes américaines ont signalé 951.181 vols retardés au ministère des Transports.

Aujourd’hui, les compagnies aériennes américaines et les régulateurs fédéraux proposent la mesure sans précédent de réduire les équipages des cockpits à un seul pilote par avion afin de résoudre les problèmes de personnel, plutôt que d’augmenter l’embauche et la formation des pilotes et d’augmenter les salaires. Cette proposition folle – à laquelle s’opposent tous ceux qui s’inquiètent de la sécurité dans le transport aérien – concorde avec la pression exercée sur les chemins de fer en faveur d’équipes composées d’un seul homme.

Les compagnies aériennes, quant à elles, affichent des bénéfices faramineux. American a affiché un bénéfice de 483 millions de dollars au troisième trimestre de 2022, sur la base d’un revenu record de 13,46 milliards de dollars au cours des trois premiers trimestres de cette année. Et ce, malgré le fait que le nombre de vols a diminué de 10 pour cent au cours de la même période. Delta a déclaré un bénéfice de 966 millions de dollars au troisième trimestre, et au cours de la même période, United a affiché 942 millions de dollars.

Les transporteurs aériens ont obtenu ce résultat en profitant de l’environnement inflationniste pour augmenter les tarifs. Les tarifs aériens ont connu une hausse annuelle stupéfiante de 42,9 pour cent selon le récent indice des prix à la consommation, alors que l’inflation globale n’était que d’un peu plus de 8 pour cent.

Ce profit éhonté fait suite au renflouement massif des compagnies aériennes et d’autres grandes entreprises pendant la pandémie. Depuis mars 2021, les compagnies aériennes américaines ont reçu 54 milliards de dollars, supposément pour éviter les licenciements massifs et maintenir leurs activités. C’est plus que n’importe quelle autre industrie américaine. Malgré cela, plus de 80.000 travailleurs des compagnies aériennes ont été mis au chômage technique ou ont perdu leur emploi pendant la pandémie. Les compagnies aériennes n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’emploi d’avant la pandémie.

La pénurie de main-d’œuvre et les retards de vols qui touchent actuellement le transport aérien surviennent malgré l’injection massive de fonds publics pour soutenir les compagnies aériennes. Ces dernières, au lieu d’utiliser les largesses du gouvernement pour soutenir le transport aérien, embaucher et former davantage de personnel et moderniser les systèmes, utilisent une grande partie de l’argent des contribuables pour enrichir les actionnaires et leurs dirigeants. Face à des perturbations encore plus graves à l’approche des fêtes de fin d’année, des voix se sont élevées pour demander une enquête sur la mauvaise utilisation potentielle des fonds COVID.

Cependant, on ne peut s’attendre à aucune action sérieuse de la part des démocrates et des républicains, qui sont politiquement redevables à ces mêmes compagnies aériennes, pour récupérer les milliards de dollars de renflouement des dirigeants des compagnies aériennes.

Les travailleurs des compagnies aériennes doivent tirer les leçons des travailleurs des chemins de fer dans leur lutte contre les compagnies ferroviaires. Au cours des trois dernières années, les cheminots ont été piégés dans d’interminables négociations et commissions de médiation qui visent à bloquer leurs efforts pour faire grève et défendre leurs intérêts.

Au cours de ce processus, l’appareil syndical a travaillé délibérément et consciemment avec l’administration Biden et les compagnies ferroviaires pour tenter de faire passer des accords favorables aux compagnies. Enfin, après que les travailleurs aient rejeté les contrats soutenus par l’appareil bureaucratique, le Congrès est intervenu avec le soutien de la Maison-Blanche et des compagnies pour faire passer une loi imposant ces contrats.

Pour lutter pour leurs intérêts en unité avec les travailleurs des chemins de fer et toutes les sections de la classe ouvrière, les travailleurs des compagnies aériennes doivent agir maintenant pour former des comités de la base, indépendants de l’appareil syndical pro-patronal.

En même temps, la défense des droits des travailleurs des compagnies aériennes ainsi que des voyageurs exige la fin de la subordination des transports publics aux intérêts de profit des compagnies aériennes privées. Un système de transport rationnel, comprenant des conditions de sécurité pour les travailleurs et le public, exige de placer les compagnies aériennes et les autres transports, tels que les chemins de fer et le camionnage, sous propriété publique démocratique et le contrôle de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 1er décembre 2022)

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