Sans importations de gaz russe, la France se prépare à des coupures d’électricité hivernales

Jeudi, la Première ministre française, Elisabeth Borne, a distribué des instructions aux dirigeants politiques régionaux afin de préparer le pays à des coupures d’électricité régulières dans les semaines et les mois à venir. Cela inclut la planification d’urgence d’un coupure totale du réseau électrique français.

La diffusion de ce document par le gouvernement est un aveu tacite de l’échec de la campagne de «sobriété» énergétique, réclamée par le président Emmanuel Macron le 14 juillet, et du fait que de grandes parties de la France risquent d’importantes coupures d’électricité et de chauffage cet hiver.

Photo de la centrale de Saint-Avold, dans l’est de la France. La centrale à charbon de Saint-Avold a redémarré la production d'électricité cet hiver. Elle avait été arrêtée en mars et on devait la fermer cette année. Le président français Emmanuel Macron a auparavant appelé à une forte réduction de 10 pour cent de la consommation d’énergie du pays pour éviter le risque de rationnement et de coupures cet hiver, sur fond de tensions avec son fournisseur, la Russie, en raison de la guerre en Ukraine. [AP Photo/Jean-Francois Badias] [AP Photo/Jean-Francois Badias]

Les prix élevés de l’énergie en Europe sont principalement une conséquence de la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine. Alors que, les gouvernements de l’UE tentent de rejeter sur Poutine la responsabilité de la pénurie d’énergie en Europe cet hiver, ils ont, eux-mêmes décidé de cesser les importations de gaz et de pétrole russes au printemps, se pliant ainsi aux exigences des États-Unis et de l’OTAN.

Le gouvernement français a communiqué les instructions sur les coupures de courant alors que Macron se trouvait aux États-Unis pour une visite d’État. Bien qu’il se soit plaint de l’impact ruineux de la politique économique nationaliste des États-Unis sur les prix de l’énergie en France, Macron a réitéré l’engagement continu de son gouvernement à poursuivre la guerre de l’OTAN en Ukraine contre la Russie. Cela inclut la poursuite des sanctions en cours contre la Russie, même si cela signifie que la population française aura froid cet hiver.

Les mesures de rationnement de l’énergie diffusées dans le plan du gouvernement français sont sans précédent depuis l'après Seconde Guerre mondiale.

Soixante pour cent de la population vit dans des régions qui seront soumises à des coupures de courant alternées où l’électricité sera coupée aux heures de pointe. Les régions concernées alterneront au jour le jour, mais on estime que chaque coupure touchera quatre millions de personnes. Les coupures seront annoncées à la population touchée la veille à 17 heures.

Bien que le porte-parole du gouvernement français, Olivier Véran, ait déclaré: «Nous ne sommes pas dans un film catastrophe», il a poursuivi en expliquant qu’il y aura probablement des périodes cet hiver où les gens «ne pourront pas retirer d’argent» et où les feux de circulation ne fonctionneront plus.

Mercredi, Christel Heydemann, directrice générale d’Orange, le plus grand fournisseur de télécommunications de France, a prévenu que pendant les périodes de coupures d’électricité, tous les signaux téléphoniques et Internet seraient perdus, empêchant même les appels d’urgence.

Le gouvernement demande aux autorités locales d’équiper les infrastructures critiques telles que les hôpitaux, les casernes de pompiers et les prisons de générateurs de secours afin qu’elles puissent continuer à fonctionner pendant les périodes de coupure.

Les écoles des régions touchées par les coupures de courant seront également fermées. Cela expose l’hypocrisie du soutien du gouvernement Macron à la guerre impérialiste contre la Russie en Ukraine. Ce gouvernement a forcé les enfants et les enseignants à retourner dans les salles de classe bondées au milieu de la propagation libre du COVID-19. Il l’a fait au nom de la protection de la continuité éducative et de la santé mentale des enfants. Maintenant, il oblige les enfants à rester à la maison et à geler pour soutenir l’effort de guerre en Ukraine.

La cellule interministérielle de crise prépare également des plans d’urgence pour une coupure totale. Celle-ci sera nécessaire si la consommation moyenne d’énergie ne peut être réduite davantage, ou si la demande explose en raison d’un froid prolongé.

Compte tenu de la densité et de l’interconnexion des lignes d’énergie à Paris, les responsables gouvernementaux ont déclaré qu’il est probable que la capitale ne sera pas soumise à des coupures de courant permanentes. Comme l’a expliqué un fonctionnaire, «on ne peut pas couper le “Bon Marché” [grand magasin] sans couper l’hôpital Necker». Cela signifie que les petites villes et les zones rurales seront les plus touchées par les coupures.

Bien que les mesures du gouvernement soient préparées pour le pic de consommation énergétique de janvier et février, la crise énergétique a déjà un impact sur l’économie française. Par rapport au mois de novembre de l’année dernière, la France a consommé 7 pour cent d’énergie en moins. Cela est principalement dû à des réductions de la production industrielle en raison de l’augmentation des coûts de l’électricité, selon le Réseau de transport d’électricité.

En cette nouvelle année, les consommateurs français verront également leurs factures augmenter de 15 pour cent. Cela est dû en grande partie aux prix élevés pratiqués par les entreprises énergétiques pour les exportations de gaz naturel liquéfié américain vers l’Europe et la France, qui remplacent le gaz russe.

Si la cause première de la pénurie d’énergie en France est l’arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, l’insuffisance flagrante de la maintenance des centrales nucléaires françaises a exacerbé la crise. Début novembre, seuls 30 des 56 réacteurs français étaient connectés au réseau électrique. Les réparations et les contrôles de sécurité des autres réacteurs ne devraient pas être totalement terminés avant 2025.

Si, l’Office fédéral allemand de la protection civile et de l’aide en cas de catastrophe a déclaré qu’il était «peu probable que des coupures d’électricité ciblées se produisent au niveau régional», de fortes hausses de la demande pendant les périodes de froid pourraient entraîner la mise en place de mesures similaires en Allemagne. C’est le même cas dans d’autres pays européens qui dépendaient auparavant des importations d’énergie russe.

La crise énergétique en France et en Europe est en fin de compte le produit de l'action des classes dirigeantes. Chacune est en quête de sa part du butin de la victoire sur la Russie en Ukraine. Elles utilisent la guerre comme une excuse pour relancer leur propre remilitarisation. La bourgeoisie européenne a décidé de subordonner la santé et le bien-être de la population active à ses objectifs géostratégiques.

En septembre, la politique volontaire de l’UE est devenue irréversible suite au sabotage du gazoduc NordStream, qui a stratégiquement profité à l’impérialisme américain en assurant la dépendance continue de l’Europe à l'approvisionnement en gaz par les USA. Le gouvernement russe a imputé la responsabilité de cet attentat au Royaume-Uni, principal allié des États-Unis en Europe.

Néanmoins, les entreprises du secteur de l’énergie en France et dans toute l’Europe continuent de réaliser des bénéfices records en 2022, grâce à des hausses de prix. Mais, on n’a pris aucune mesure significative pour protéger l’approvisionnement énergétique de la masse de la population au cours de l’hiver prochain.

Tout comme elle a remis des milliers de milliards aux banques et aux entreprises et sacrifié près de 2 millions de vies au COVID-19 pour apaiser les marchés, l’UE remet des milliards au gouvernement ukrainien, tout en forçant sa population à geler cet hiver.

La lutte contre l’inflation et la pauvreté énergétique est intimement liée à la lutte pour mettre fin à la guerre impérialiste en Ukraine, principal moteur des pénuries d’énergie et de l’inflation des prix alimentaires. Les travailleurs et les jeunes cherchent à s’opposer à la volonté de guerre de la classe capitaliste et à son offensive contre le niveau de vie. Ils doivent assister au webinaire de l’IYSSE du 10  décembre «Pour un mouvement de masse des étudiants et des jeunes pour arrêter la guerre en Ukraine».

(Article paru d’abord en anglais le 3  décembre 2022)

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