Le SCFP fait ratifier un contrat de capitulation pour 55.000 travailleurs de l’éducation en Ontario après une énorme campagne de propagande

Êtes-vous un travailleur de l’éducation en Ontario? Nous voulons savoir ce que vous pensez du sabotage par le SCFP de la grève du mois dernier et de la ratification de la convention collective de capitulation. Contactez ontedrfc@gmail.com ou remplissez le formulaire à la fin de cet article.

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La bureaucratie du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a réussi à imposer des réductions salariales considérables en termes réels et une nouvelle détérioration des conditions de travail avec un contrat de travail de quatre ans pour 55.000 travailleurs de soutien à l’éducation en Ontario. Le SCFP a annoncé lundi que le contrat a été ratifié par 73% des personnes qui ont voté, avec un taux de participation de 76%.

Laura Walton, présidente du CSCSO (au centre) [Photo : CSCSO] [Photo: OSBCU]

Le contrat de travail pour les concierges, les aides pédagogiques, le personnel administratif et les éducateurs de la petite enfance comprend une «augmentation» salariale annuelle de seulement 3,59%, alors que le taux d’inflation officiel est de 7%.

Le même jour où le SCFP annonçait la ratification du contrat, une étude prévoyait que les prix des produits d’épicerie augmenteraient à eux seuls de 5 à 7% au cours de la prochaine année. L’équipe de négociation du SCFP a également accepté un contrat qui ne prévoit aucun financement supplémentaire pour l’embauche de personnel, facilitant ainsi l’imposition de l’austérité par le gouvernement provincial de droite radicale dirigé par le premier ministre Doug Ford.

Une partie importante des travailleurs de la base de soutien scolaire, qui sont les moins bien payés du secteur et gagnent un salaire annuel moyen de 39.000 $, a clairement indiqué qu’elle n’était pas favorable à cette capitulation.

Malgré deux semaines d’intimidation incessante de la part de la direction du SCFP, le plus grand syndicat du Canada comptant des centaines de millions de dollars en actifs, 27% des travailleurs ont quand même voté pour rejeter l’accord. Si l’on tient compte d’un taux de participation moins qu’impressionnant de seulement 76%, c’est 45% des membres qui ont dans les faits voté «non» ou boycotté le vote. Enfin, de nombreux travailleurs qui ont voté «oui» l’ont fait sous la contrainte ou parce qu’ils savent très bien que la bureaucratie syndicale ne fera rien pour lutter pour une meilleure offre.

Comme l’a déclaré une aide pédagogique au World Socialist Web Site, «Je pense que le contrat a passé par peur et la plupart de mes collègues sont d’accord. Ils avaient trop peur de faire la grève et pensaient que nous aurions dû rester sur les lignes de piquetage le 7», une référence au sabordage par le SCFP de la grève de deux jours des travailleurs de l’éducation le 7 novembre, au moment même où le soutien populaire pour la grève augmentait et que Ford était sur le point de céder. «La plupart de mes collègues ne sont pas satisfaits de cet accord, mais ils ont eu l’impression d’être forcés de voter oui... ce n’était pas par choix, loin de là. Ils ont eu l’impression qu’on les a poussés à voter oui», a-t-elle ajouté.

Une autre aide pédagogique a été irritée par la remarque de Laura Walton, la présidente du Conseil des syndicats des conseils scolaires de l’Ontario (CSCSO), selon laquelle cette ratification de contrat était «comme gagner le Super Bowl». La travailleuse a déclaré: «Ce commentaire confirme à quel point notre présidente Laura Walton est déconnectée de ce que ressentent les membres. Peu importe le vernis qu’elle veut lui donner, c’était et ça reste une entente de merde!»

Depuis le dévoilement de l’entente de principe le 20 novembre, Laura Walton et l’ensemble de la direction nationale du SCFP ont clairement indiqué qu’ils ne toléreraient aucun autre résultat qu’un vote positif. Les membres du CSCSO ont eu droit à une série de réunions où des bureaucrates et des avocats syndicaux bien payés leur ont fait la leçon sur la «victoire» qu’ils avaient obtenue, sur leur isolement et sur le danger qu’il y aurait à lancer une nouvelle grève. Le président national du SCFP, Mark Hancock, qui, plus tôt dans le processus de négociation, avait déclaré en fanfare que les 700.000 membres du SCFP seraient «solidaires» de la lutte des travailleurs de l’éducation, n’a même pas permis aux travailleurs de la base d’examiner les conditions de l’accord avant de s’empresser de déclarer que c’était le mieux qu’ils pouvaient espérer dans les circonstances. Le message était sans équivoque et Hancock voulait qu’il le soit: «Si vous votez contre cet accord et planifiez une grève, vous allez vous retrouver seuls.»

Le mépris affiché par la bureaucratie syndicale pour les droits démocratiques des travailleurs lors du vote de ratification a été le point culminant de leur trahison massive de la lutte des travailleurs de l’éducation, qui avait le potentiel d’être le fer de lance d’une grève générale en opposition aux mesures d’austérité brutale dans les dépenses publiques du gouvernement Ford. Après que les travailleurs de la base aient donné un mandat de grève écrasant lors d’un vote en faveur par 96,5% d’entre eux, Walton et la direction du CSCSO ont, à contrecœur, appelé à une grève pour le 4 novembre. Dans la période précédant le débrayage, elle a arbitrairement réduit de moitié la demande initiale de 11,7 % d’augmentation des salaires annuels des travailleurs, proposant au gouvernement le chiffre de 6%. Ford a rejeté cette offre du revers de la main et a plutôt cherché à imposer un contrat prévoyant une augmentation annuelle de seulement 2,5 % par décret gouvernemental, sous la forme du Projet de loi 28.

La grève a eu lieu en dépit de cette draconienne loi antigrève qui menaçait chaque travailleur présent sur le piquet de grève d’une amende de 4.000 $ par jour de grève. La position courageuse adoptée par les travailleurs de l’éducation a galvanisé le soutien de toute la classe ouvrière et a totalement changé la dynamique politique du jour au lendemain. Des milliers d’enseignants ont demandé à se joindre à la grève pour se rebeller contre la conduite scandaleuse des dirigeants des syndicats d’enseignants, qui avaient ordonné à leurs membres de franchir les piquets de grève. Les travailleurs ont afflué vers les rassemblements organisés dans toute la province le 5 novembre, et des rumeurs d’une grève générale pour le 14 novembre circulaient. Ford, universellement présenté dans les grands médias comme un leader fort bénéficiant du soutien populaire, est rapidement apparu vulnérable et sur la défensive face au pouvoir de la classe ouvrière.

C’est à ce moment critique, alors que le mouvement était à son plus fort, que la direction du SCFP et de presque tous les principaux syndicats du Canada est intervenue pour étrangler la grève. Dans une série d’appels téléphoniques au cours de la fin de semaine, ils ont supplié Ford de retirer le Projet de loi 28, lui disant qu’ils seraient autrement incapables de maintenir le contrôle sur les travailleurs. Le lundi 7 novembre, Walton a déclaré unilatéralement la fin de la grève en se basant sur le fait que Ford avait accepté de retourner à la «table des négociations» et de retirer le Projet de loi 28. Aucune des revendications des travailleurs n’a été satisfaite et pas un seul travailleur n’a été consulté avant que cette décision criminelle ne soit prise. Ayant ainsi sécurisé leurs privilèges de mener les négociations collectives, c’est-à-dire leur «droit» de négocier une entente de capitulation, les bureaucrates syndicaux ont pu proclamer une «victoire».

Dans une déclaration publiée quelques heures après la trahison du SCFP [texte en anglais], le Comité de base des travailleurs de l’éducation de l’Ontario, qui a été créé en août par les travailleurs pour reprendre le contrôle de la lutte contractuelle des mains de la bureaucratie syndicale, a averti que le SCFP se préparait à «arracher la défaite des mâchoires de la victoire». Cet avertissement s’est confirmé. En utilisant leurs ressources combinées, les syndicats ont réussi à démobiliser le soutien populaire pour la lutte des travailleurs de l’éducation.

Moins de deux semaines après avoir étranglé la grève, Walton est apparue lors d’une conférence de presse le 20 novembre pour déclarer que son équipe avait accepté l’«augmentation» salariale annuelle de 3,59 %, soit moins d’un tiers de la modeste revendication salariale initiale. De plus, elle a admis que l’équipe de négociation avait accepté de présenter cette misérable capitulation aux travailleurs même si Ford ne s’engageait pas à investir dans l’embauche de plus de concierges et d’aides pédagogiques, ce qui était une demande majeure des travailleurs afin d’améliorer les ratios élèves/personnel et de réduire la charge de travail.

La conduite de Walton et de l’ensemble de l’appareil syndical tout au long de cette lutte souligne que les intérêts de la bureaucratie sont irréconciliablement opposés à ceux des travailleurs de la base. Alors que les travailleurs voulaient se battre pour obtenir des augmentations de salaire qui auraient permis de renverser des décennies de réductions de salaire en termes réels et de suivre le rythme de l’inflation, Walton et ses collègues n’étaient intéressés que par un «combat» pour leur place à la table des négociations. Alors que les grévistes étaient enthousiastes à l’idée d’élargir leur lutte aux enseignants et à d’autres catégories de travailleurs pour mettre fin aux politiques d’austérité de Ford, les dirigeants du SCFP, d’Unifor et du Congrès du travail du Canada ont conspiré pour saboter la grève. Et tandis que les travailleurs, y compris ceux qui ont voté «oui», continuent de s’opposer aux réductions de salaire et aux charges de travail insupportables, les bureaucrates syndicaux applaudissent la mise en place de ces conditions pour quatre années supplémentaires comme une «victoire».

La raison de ces intérêts opposés est que la bureaucratie syndicale est une section privilégiée de la classe moyenne qui a tout intérêt à défendre le statu quo. Les mêmes dirigeants syndicaux qui ont saboté la grève des travailleurs de l’éducation et ont forcé le passage du contrat de capitulation sont de fervents partisans du gouvernement fédéral libéral de Trudeau, qui compte sur une alliance avec les néo-démocrates (NPD) pour assurer sa majorité parlementaire. L’alliance libérale/néo-démocrate/syndicale préside l’austérité «post-pandémique» dans les dépenses publiques, notamment en soutenant les hausses de taux d’intérêt de la Banque du Canada pour faire baisser les salaires des travailleurs. Le gouvernement injecte simultanément des dizaines de milliards de dollars dans la guerre impérialiste à l’étranger et le réarmement des Forces armées canadiennes. Le soutien à ce programme impitoyable de la classe dirigeante est incompatible avec la lutte pour de véritables augmentations de salaire et l’amélioration des conditions de travail des travailleurs.

La principale leçon que les travailleurs de l’éducation et leurs partisans doivent tirer des événements des dernières semaines est qu’ils doivent établir des comités de base dans chaque école et lieu de travail afin de promouvoir leurs intérêts en opposition à l’ensemble de l’appareil syndical. La colère et l’hostilité générale face aux trahisons des bureaucrates syndicaux doivent trouver une expression organisée afin que les travailleurs soient capables de résister et de contrecarrer les bureaucrates lorsqu’ils tentent d’imposer une capitulation. Cette tâche revêt une urgence renouvelée à la lumière de la dernière trahison, que la direction des quatre syndicats d’enseignants va utiliser comme référence pour imposer des concessions similaires à 200.000 enseignants dans les semaines à venir. Plus largement, la trahison du SCFP établit la norme pour des réductions massives de salaires en termes réels et des attaques sur les conditions de travail dans l’ensemble du secteur privé et public, auxquelles il faut s’opposer en unifiant les travailleurs dans une lutte commune contre l’austérité capitaliste, les inégalités sociales et la guerre.

Le Comité de base des travailleurs de l’éducation de l’Ontario (CBTEO) existe pour être le fer de lance de cette lutte. Nous encourageons tous les travailleurs de soutien à l’éducation et les enseignants à rejoindre le comité pour aider à le construire en contactant ontedrfc@gmail.comou en remplissant le formulaire ci-dessous.

(Article paru en anglais le 6 décembre 2022)

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