Le faible taux de dépistage en Europe masque la rapide poussée hivernale du COVID-19

Malgré l’abandon quasi total des tests de dépistage dans l’UE, il est évident que le COVID-19 est en train de déferler sur le continent. Parallèlement aux fortes poussées de la grippe et d’autres virus respiratoires, cette nouvelle vague de COVID-19 menace les systèmes hospitaliers européens d’un nouvel hiver d’engorgements, de conditions de travail épouvantables, de triage et de mort de masse.

Un patient intubé atteint du COVID-19 est soigné dans l’unité de soins intensifs du Centre clinique de Westerstede, un hôpital militaire et civil situé à Westerstede, dans le nord-ouest de l’Allemagne [AP Photo/Martin Meissner]. [AP Photo/Martin Meissner]

Selon le Worldometer, l’Europe a enregistré 1.966.286 décès dus au COVID-19 et près de 240 millions de cas. En septembre de cette année, l’Organisation mondiale de la santé Europe a estimé que le nombre de personnes souffrant de COVID-19 s’élevait désormais à 17 millions, un chiffre qui a sans doute augmenté au cours des mois d’octobre et de novembre.

La dernière vague d'infections est due aux variants BQ.1 et BQ.1.1, qui sont tous deux des descendants du BA.5, lui-même issu du variant original Omicron. On estime que les variants BQ.1 et BQ.1.1 sont à l'origine de plus de 50 pour cent des cas en Europe et qu’ils devraient représenter 80 pour cent des cas d’ici la fin de l’année.

Selon une étude publiée mardi dans Nature par une équipe de l’Université de la Texas Medical Branch, la réponse anticorps chez les personnes vaccinées avec des vaccins bivalents était quatre fois plus faible contre BQ1.1 que contre BA.5. Vendredi, l’Agence européenne des médicaments a averti que les variants BQ.1 et BQ.1.1, qui semblent devenir dominants en Europe, peuvent au moins partiellement échapper aux traitements antiviraux en raison de changements radicaux dans leur protéine de pointe.

Un problème majeur auquel sont confrontés les travailleurs de la santé, les scientifiques et la population en général est le manque de données précises sur les tests sur tout le continent. Dans de nombreux pays européens, les tests PCR ont effectivement cessé. Même l’accès aux tests antigéniques rapides administrés par des professionnels est restreint. Cela oblige de nombreuses personnes symptomatiques à se fier à des tests à domicile peu fiables ou à renoncer complètement aux tests.

Un faible niveau de dépistage pendant la circulation rapide de toute maladie mortelle transmissible est extrêmement dangereux pour la population. Tout d’abord personne, qu’il s’agisse des personnes concernées, des scientifiques, des responsables de la santé, sans parler des responsables gouvernementaux, ne peut avoir une idée précise du taux d’infection et de toutes ses conséquences.

Deuxièmement, à mesure que de nouveaux variants du COVID-19, potentiellement plus mortels, évoluent, il est impossible de suivre avec précision leur déplacement dans les populations locales et mondiales. En effet, selon le Centre européen de contrôle des maladies, plus de la moitié de ses États membres, dont l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la plupart des pays d’Europe de l’Est, n’ont pas atteint l’objectif de volume de séquençage dû au nombre insuffisant de tests.

Le Royaume-Uni est un exemple révélateur. Le suivi officiel du virus y a été presque totalement abandonné par le gouvernement. En utilisant les données déclarées par des participants volontaires de tout le le Royaume-Uni (hormis l’Irlande du Nord), le groupe d’étude Zoe Health estime que le 9 décembre, il y a eu 182.579 nouvelles infections. Ce total pour une seule journée est plus de cinq fois supérieur au décompte hebdomadaire officiel du gouvernement britannique, qui est de 28.830 (Irlande du Nord compris).

Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays à avoir démoli presque totalement les mesures permettant de suivre le virus avec précision. En Italie, en Espagne et en Suède également, les cas sont publiés une fois par semaine. Les Pays-Bas ne publient le nombre de cas qu’une fois tous les trois jours.

Des pays comme la France, où les données sur les cas et les hospitalisations sont publiées chaque jour de la semaine (mais pas le week-end) donnent un aperçu de la situation réelle dans les pays voisins où les données sont plus radicalement supprimées.

Le 9 décembre, la moyenne de 59.138 cas quotidiens sur sept jours était la plus élevée depuis la poussée estivale du virus en France. Au cours des sept jours précédent, les hospitalisations pour le COVID-19 (6.771) avaient augmenté de 16,4 pour cent et les décès de 20,2 pour cent (435).

Même dans des pays comme la France, ces chiffres sont très incomplets. Le taux actuel de positivité des tests en France, qui est de 28,6 pour cent, indique un énorme sous-dénombrement. Le coût des tests PCR et antigénique et la promotion de la complaisance envers le virus par les médias bourgeois découragent la population de faire rapidement le test et de déclarer les cas de COVID-19.

Si, lors des vagues précédentes, les efforts de test et de traçage déployés par les autorités de Santé européennes étaient loin d’être suffisants pour trouver et isoler tous les cas, ils avaient au moins permis aux scientifiques, aux responsables de la Santé et au public d’avoir une idée relativement précise de l’étendue de l’infection un jour donné.

En juin 2020, Donald Trump, alors président des États-Unis et putschiste fasciste, avait déclaré: «si nous arrêtons les tests maintenant, nous aurions très peu de cas.» Si à l’époque on ridiculisa largement cette déclaration des deux côtés de l’Atlantique comme venant d’un adepte d’extrême droite dérangé de la théorie d’un complot COVID, cette attitude meurtrière face à une pandémie mortelle est devenue le modus operandi de la classe dirigeante européenne.

En novembre 2021, les pays européens ont suivi l’exemple du président américain Biden et des Centres de contrôle et prévention des maladies (CDC) en déclarant qu’Omicron était un variant «plus bénin» bien qu’il n’y eût aucune preuve de cette assertion. Sur cette base anti-scientifique, on a exclu de nouveaux confinements et réduit les exigences d’isolement. Au cours du printemps 2022, on a élargi cette politique et stoppé l’obligation (même la moins stricte) de porter un masque, et réduit drastiquement les tests.

Devant une nouvelle vague hivernale meurtrière – la neuvième depuis le début de la pandémie – les gouvernements européens ne refusent pas seulement de prendre des mesures contre le virus. En démantelant délibérément les infrastructures de test, ils empêchent la population d’accéder aux informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées afin de se protéger, elle et la société en général. Cela favorise activement la propagation du COVID-19.

Cette résurgence hivernale paneuropéenne drastique confirme une fois de plus que la politique de l’«immunité collective» est criminelle car elle exige que des millions de gens «vivent avec le virus» et risquent leur vie, et que c’est une fausse idée.

Une très forte proportion de la population européenne a eu plusieurs infections ou a reçu trois ou quatre doses de vaccin, ou les deux. Mais dû à la capacité du COVID-19 à évoluer très vite dans des conditions d’infection de masse, un nouveau variant se fraye, une fois de plus, un chemin dans la population.

Adoptée par des gouvernements nominalement de gauche ou de droite sur tout le continent, la démolition définitive des mesures de traçage du virus est le résultat logique de la politique d’«immunité collective» de tous les gouvernements capitalistes. Le fait que le système capitaliste ne puisse répondre à la pandémie que par une attaque systématique de la science et de la vérité est une conséquence naturelle de sa faillite historique.

L’infection continue et la mort ne sont pas des parties nécessaire de la vie humaine. Comme l’a montré l’expérience de la Chine avant que le capital financier mondial ne la contraigne à ouvrir ses frontières et à livrer sa population à l’infection, l’élimination du virus par des mesures scientifiques est possible, en seulement quelques mois.

Cela nécessite avant tout de suivre avec précision la propagation du COVID-19 dans la population, une mesure que les gouvernements capitalistes de toute l’Europe ont attaquée délibérément. Pour eux, il fallait maintenir le plus grand nombre de travailleurs possible au travail durant toute la pandémie pour qu’ils produisent du profit, peu importait le risque pour leur santé.

(Article paru d’abord en anglais le 10 décembre 2022)

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