Le syndicat «Communications Workers Union» plaide en faveur d’un accord pro-patronal pour mettre fin à la grève des postes au Royaume-Uni

Environ 15.000 postiers ont manifesté vendredi à Londres. Le rassemblement national sur Parliament Square s’est tenu au cours du 13e jour de grève nationale de 115.000 postiers.

Les travailleurs de Royal Mail se battent pour obtenir des salaires plus élevés et pour mettre fin à l’érosion de leurs conditions de travail et aux milliers de suppressions d’emplois.

Une partie de la manifestation du CWU sur Parliament Square, le 9 décembre 2022 [Photo: WSWS]

Le Syndicat des travailleurs des communications (CWU) a appelé à la manifestation sous la bannière «Thompson Out»: une référence au PDG de Royal Mail. De la musique et des slogans sportifs ont été adaptés pour soutenir le renvoi de Simon Thompson, tandis que divers bureaucrates syndicaux étaient présentés comme de fervents défenseurs de la classe ouvrière.

Aux côtés de Dave Ward, chef du CWU, et d’Andy Furey, secrétaire général adjoint par intérim (syndicat des postes), étaient présents les dirigeants de deux autres grèves nationales, Mick Lynch, du syndicat RMT, et Jo Grady, du syndicat University and College. Ils ont été rejoints par le codirecteur du syndicat national de l’éducation, Kevin Courtney, et le secrétaire général désigné du Trades Union Congress (TUC), Paul Nowak.

Le WSWS a parlé à de nombreux postiers présents.

Mais des milliers de personnes présentes étaient des responsables locaux et régionaux de l’appareil syndical important et bien financé du CWU.

L’objectif principal du rassemblement était de dissimuler la trahison de la grève de plusieurs mois par le CWU. Le syndicat a l’intention de faire aux travailleurs de Royal Mail ce qu’il vient de faire à 40.000 travailleurs de British Telecom (BT): accepter un accord à rabais en prétendant que c’est le meilleur que l’on puisse obtenir. L’accord de BT, bien en deçà de l’inflation et engageant le syndicat à un partenariat avec l’entreprise dans le cadre d’un programme de réduction des coûts de 3 milliards de livres, a été recommandé par Ward et salué par toute la bureaucratie syndicale.

Les travailleurs de BT qui sont maintenant soumis à un vote sur l’accord ont réagi avec indignation et par des dénonciations, et beaucoup ont déclaré qu’ils allaient quitter le CWU.

Ward et Furey sont arrivés au rassemblement de vendredi directement après trois jours de discussions avec la direction de Royal Mail chez le service de conciliation, ACAS. Ils ont présenté le plan pro-patronal du CWU pour garantir que Royal Mail reste une entreprise rentable capable de concurrencer ses principaux rivaux, dont Amazon.

Après les discussions, Ward a déclaré jeudi que le syndicat ne se contentait pas de «formuler des demandes sans reconnaître la position dans laquelle se trouve l’entreprise».

Furey a déclaré qu’une direction intransigeante empêchait la conclusion d’un accord et «si nous étions en mesure d’avancer sur un certain nombre de domaines clés, dont la garantie qu’il n’y aura pas de licenciements obligatoires, nous avons dit que nous serions en mesure de soutenir des révisions appropriées, correctement négociées… Nous étions prêts à mettre les bouchées doubles pour apporter ces révisions».

Furey, ouvrant la voie à des suppressions d’emplois imposées par d’autres moyens dans un accord final, a déclaré au rassemblement: «Les licenciements obligatoires ne sont absolument pas nécessaires.» Avec une inflation de plus de 14 pour cent, il est clair, comme le démontre l’accord avec BT, qu’un accord traître est en cours de négociation. Furey a ajouté: «Ça va pour la question du salaire, nous pouvons régler cette question» et «trouver une solution pour les salaires».

Dave Ward s’exprimant lors de la manifestation du CWU à Londres [Photo: WSWS]

S’adressant à Sky News avant le début du rassemblement, Ward a expliqué ce que signifie «ça va pour la question du salaire». Le CWU accepterait un accord inférieur à l’inflation en échange de l’intégration totale du syndicat dans les futures restructurations. Ward s’est plaint que Royal Mail offrait 7 pour cent de salaire, «mais s’il s’agissait d’un véritable 9 pour cent [toujours 5 pour cent en dessous de l’inflation RPI]… et si le changement était bon pour nos membres, et surtout pour les clients et l’avenir de cette entreprise, alors nous pourrions probablement nous entendre sur ce chiffre».

Le discours de Ward a été un plaidoyer pour que Royal Mail fasse preuve de bon sens et nomme un conseil d’administration plus favorable aux syndicats. Il en a rajouté à son interview pro-patronale accordée au Telegraph le 3 décembre. L’entreprise a déclaré qu’elle perdait désormais plus d’un million de livres par jour, mais «Les personnes qui ont créé la crise ici, le PDG et quelques poignées de personnes au conseil d’administration et le président de l’entreprise, n’ont pas les connaissances ou les aptitudes pour nous sortir de cette crise».

On pourrait y remédier, selon Ward, en nommant un conseil d’administration basé au Royaume-Uni, avec une représentation des travailleurs au sein du conseil, c’est-à-dire, des bureaucrates du CWU. La société a réalisé 750 millions de livres de bénéfices, donnant 567 millions de livres aux actionnaires, et la principale plainte de Ward était que, de ces actionnaires, «la plupart ne viennent pas du Royaume-Uni».

Le discours de Lynch était centré sur l’affirmation que le Parti travailliste et son chef autoproclamé «fier d’être pro-affaires», sir Keir Starmer, peuvent être recrutés pour soutenir les travailleurs qui luttent contre le gouvernement conservateur.

Mick Lynch, du RMT, s’exprime lors du rassemblement du CWU [Photo: WSWS]

Starmer a passé les six derniers mois à attaquer les grèves et à interdire à ses propres députés de se rendre sur un piquet de grève. Montrant le parlement du doigt, Lynch a déclaré: «Je dis à Starmer et à [la chancelière de l’ombre Rachel] Reeves et à tous ceux qui cherchent à représenter les travailleurs, de quel côté êtes-vous? Sortez de là, venez ici et allez aux piquets de grève».

Seule une douzaine de représentants de la trentaine de députés travaillistes du Socialist Campaign Group ont même assisté au rassemblement, dont l’ancien chef du parti Jeremy Corbyn et John McDonnell. Corbyn n’est plus un député travailliste, ayant été évincé il y a deux ans par Starmer.

Le chef désigné du TUC, Nowak, qui prendra ses fonctions en janvier lorsque sa prédécesseure Frances O’Grady entrera à la Chambre des Lords, a déclaré que le TUC soutiendrait chaque grève et combattrait la prochaine vague de législation antigrève. La grande nouvelle pour tout le monde, a déclaré Nowak, est qu’ils peuvent compter sur le soutien de Starmer!

Paul Nowak, chef désigné du Trades Union Congress (TUC), qui s’exprime lors du rassemblement du CWU [Photo: WSWS]

Tout le monde sait qu’il n’y aura pas de lutte. Le TUC n’a pas levé le petit doigt pour s’opposer à une législation antigrève depuis plus de 40 ans.

Nowak a reconnu sans ambages que la législation proposée sur les niveaux de services minimums – exigeant que les syndicats garantissent qu’une partie des services, environ 20 pour cent, continuent à fonctionner pendant une grève – deviendra bientôt loi. Mais Starmer viendra alors à la rescousse, a-t-il déclaré. «S’il [le premier ministre Rishi Sunak] parvient à faire passer un peu de législation, soyons clairs, nous allons également les chasser par les urnes. Et élisons un gouvernement, un gouvernement travailliste, qui abrogera la législation antisyndicale et rétablira le droit de grève, remettra nos services publics dans le giron de l’État et offrira un nouvel accord aux travailleurs de tout le pays».

La réalité est que les travaillistes ont conservé toute la gamme de la législation antigrève de Thatcher pendant les 13 années où ils ont été au pouvoir à partir de 1997. Nowak s’est exprimé quelques heures seulement après que la chancelière de l’ombre Rachel Reeves ait refusé d’engager les travaillistes à abroger toute nouvelle loi antigrève, affirmant que ce serait «brûler les étapes».

La logique révoltante de l’agenda pro-patronal de la bureaucratie du CWU, partagée par tous les syndicats, ne pouvait être plus évidente à la fin du rassemblement.

Fulminant que l’actuel conseil d’administration de Royal Mail n’allait pas «s’occuper de l’infrastructure britannique», Ward a proclamé: «Cela s’appelle Royal Mail, n’est-ce pas? Nous allons le garder comme ça, n’est-ce pas? Nous allons faire une petite marche, un peu plus tard, jusqu’au palais royal pour montrer que les postiers défendent le service».

Le responsable de la communication du CWU, Chris Webb, a conclu le rassemblement en disant: «Nous allons aller voir le roi».

Ce qui a suivi est le coup d’éclat le plus révoltant et le plus ridicule de l’histoire récente, réalisé pour «défendre un service» pour «la nation». Le nationalisme et la servilité de la bureaucratie syndicale devant l’État capitaliste étaient symbolisés par la marche qu’elle a organisée vers Buckingham Palace pour implorer le soutien du roi Charles, le monarque largement méprisé qui est l’incarnation de la richesse et du privilège de classe.

Le dirigeant du CWU, Dave Ward (parlant dans un microphone), devant le palais de Buckingham, a expliqué que le syndicat remettait une «carte postale» au roi Charles. La carte postale dit: «Roi Charles, les postiers de la nation ont besoin de votre soutien». [Photo: WSWS]

Devant les portes du palais, Ward a montré une grande maquette de carte postale comprenant une silhouette de la tête couronnée de Charles à côté du logo du CWU, au-dessus du slogan «Restez fidèles à votre poste» (Stand By Your Post). Ward a déclaré que le «changement de gouvernance de l’entreprise» est quelque chose que nous allons provoquer à un moment donné… Nous allons livrer une carte postale spéciale au roi du Royaume-Uni, au roi de Grande-Bretagne. Elle dit: «Roi Charles, les postiers de la nation ont besoin de votre soutien».

(Article paru en anglais le 12 décembre 2022)

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