Bien que la moyenne des nouveaux cas confirmés de COVID sur sept jours en Chine ait fortement diminué récemment, la presse asiatique rapporte que les hôpitaux publics des grands centres cosmopolites sont submergés de patients COVID qui ont de la fièvre et des symptômes respiratoires. Tout se produit quelques jours seulement après l’abandon complet du Zéro COVID.
Au cours des deux dernières semaines, on a démantelé les tests centralisés et désactivé les «cartes d’itinéraire mobiles» sur les téléphones portables (qui suivent l’historique des voyages). La véritable ampleur des infections au COVID et leur localisation ont rapidement disparu sur la carte de la pandémie. Désormais, seul le nombre de personnes déclarées malades ou décédées peut donner une indication de l’ampleur de la crise sanitaire en Chine.
Lors d’une réunion d’information à Pékin lundi, des responsables de la santé ont déclaré que 22.000 patients s’étaient rendus dans des centres de traitement de la fièvre la veille, soit un taux 16 fois supérieur à celui de la semaine précédente. Une chirurgienne ophtalmologue qui s’exprimait sous couvert d’anonymat auprès du Washington Post a indiqué que la moitié du personnel de l’hôpital où elle travaillait fut récemment testée positive au COVID. Elle a ajouté: «Le nombre de patients qui se rendent à la clinique de la fièvre a augmenté de plusieurs fois par rapport à la semaine dernière, et cela risque de durer encore des semaines, voire des mois».
L’afflux soudain de patients a semé la confusion dans les systèmes de Santé et le degré de panique parmi les intervenants officiels et la population en général est palpable dans les rapports donnés par les agents de Santé aux médias.
Alors que les hôpitaux ont reçu l'ordre d'augmenter leur personnel, de stocker davantage de ressources médicales et de fournitures pour les soins intensifs, le nombre de lits d'hôpitaux et la capacité des unités de soins intensifs ne pourront pas répondre au déluge de patients auquel s'attendent les villes densément peuplées. Les médicaments anti-fièvre en vente libre sont en voie d'épuisement et l'on signale une surenchère des prix pour ces produits. Pendant ce temps, les proches et les personnes infectées présentant des symptômes légers sont priés de rester chez eux, au risque de contaminer leurs amis et leur famille, y compris les personnes âgées du foyer qui sont les plus vulnérables.
Les médias d’État chinois ont demandé à la population d’éviter d’utiliser les lignes d’urgence, à moins d’être gravement malade. Au centre médical d’urgence de Pékin, le nombre d’appels a été multiplié par six, et atteint 30.000 appels par jour. Alors qu’auparavant de longues files d’attente attendaient les tests, elles font désormais la queue devant les hôpitaux et les pharmacies.
La maladie du personnel médical et des travailleurs signifie le début des perturbations pour la santé et les services de base. Cela se traduit par des retards et des pénuries de personnel qui perturbent l’organisation des équipes et les transitions en douceur, nécessaires à l’administration sûre de soins aux patients. Les travailleurs de la santé sont rappelés de leurs jours de repos et de leurs vacances pour remplacer leurs collègues tombés malades.
Avec la levée des restrictions COVID et l’abandon des exigences en matière de tests, les hôpitaux vont devenir des vecteurs de nouvelles infections, surtout pour les personnes qui cherchent à se faire soigner pour d’autres problèmes de santé. Un travailleur médical a déclaré que dans son hôpital, à Pékin, on demande aux patients de signer une décharge reconnaîssant que l’admission peut entraîner l’infection par le COVID. Les procédures et traitements urgents devront être suspendus afin de s’occuper des soins immédiats de ceux tombés malades, des affections traitables peuvent devenir fatalement dangereuses.
Un membre du personnel médical d’un autre hôpital de Pékin, dont on n’a pas révélé le nom, a déclaré que plus de la moitié du personnel a été infecté et que le ratio infirmier/patient avait quadruplé pour atteindre un sur dix. Plus des deux tiers de l’hôpital de 1.000 lits étaient occupés par des malades du COVID. De nombreuses familles qui cherchent des soins médicaux sont refusées dû au nombre élevé de patients.
Les chiffres communiqués par la Commission nationale de la santé ne reflètent plus la réalité. Le Dr Zhong Nanshan est un éminent pneumologue et épidémiologiste, qui a joué un rôle de premier plan dans la gestion de la crise lorsque la pandémie s’est déclarée à Wuhan, il y a trois ans. Il a déclaré aux médias d’État: «Nous pouvons constater que des centaines ou des dizaines de milliers de personnes sont infectées dans plusieurs grandes villes».
Zhong, qui a précédemment fait la promotion de la médecine traditionnelle chinoise, Lianhua Qingwen, pour le traitement de la grippe, joue un rôle essentiel dans la minimisation des dangers posés par le COVID, comparant les taux de mortalité de la pandémie à ceux de la grippe. «Le taux de mortalité du variant Omicron est d’environ 0,1 pour cent, similaire à celui de la grippe ordinaire, et l’infection atteint rarement les poumons. La plupart des gens se remettent du variant en sept à dix jours».
Comme ses homologues occidentaux, Zhong présente les boosters comme des moyens d’atténuer l’impact de la propagation inévitable de la pandémie. «Il est peu probable que les gens restent sur place pendant les vacances du Nouvel An lunaire 2023, je conseille donc à ceux qui rentrent chez eux de faire des rappels afin que, même s’ils sont infectés, les symptômes soient légers.» Pendant les vacances, des centaines de millions de Chinois retourneront dans leur province pour retrouver leur famille, ce qui ne fera qu’exacerber la propagation du coronavirus.
Réagissant à ces développements, le Dr Zhang Wenhong, chef de la division des maladies infectieuses de l’hôpital Huashan de Shanghai, a déclaré à son personnel que les mois à venir seraient difficiles. Si le Parti communiste chinois choisit de laisser le virus suivre son cours en une seule poussée massive, a-t-il déclaré, l’impact catastrophique des infections sur le système de santé entraînera des taux de mortalité plus élevés que ceux prévus dans le scénario optimal présenté. Il a ajouté qu’il n’était pas d’accord avec l’affirmation de Zhong qu’Omicron ne s’attaquait qu’aux voies respiratoires supérieures et a déclaré qu’il voyait aussi des cas de pneumonie.
Sur les 1,412 milliard d’habitants que compte la Chine, 200 millions sont âgés de plus de 65 ans et 40 millions de plus de 80 ans. Ces personnes sont les moins ‘boostées’ par les versions actuelles des vaccins chinois COVID et sont les plus exposées. Le nombre de décès dus au COVID aux États-Unis et en Europe avec Omicron laisse penser qu’il pourrait facilement y avoir plus de 500.000 décès parmi les personnes âgées en Chine au cours des prochains mois.
Toutefois, si l’accès aux soins de santé est gravement compromis et que les ressources sont épuisées, les estimations faites par plusieurs études de premier plan, qu’entre 1,5 et 2 millions de personnes pourraient mourir du COVID en Chine, sont raisonnables et angoissantes. Bien que la campagne de vaccination ait repris afin de vacciner les Chinois plus âgés, le bouleversement causé par la vague actuelle va certainement réorienter les ressources vers les soins immédiats et la campagne de vaccination pourrait bien ne pas tenir ses promesses. Actuellement, la moyenne sur sept jours des vaccins COVID n’atteint que le chiffre étonnamment faible de 700.000 par jour.
Le professeur Ali Mokdad, de l’Institut de métrologie et d’évaluation de la santé (Institute of Health Metrics and Evaluation) et directeur de stratégie pour la santé de la population à l’université de Washington, a déclaré au Japan Times: «Ce sera dans tout le pays presque en même temps, mais d’abord dans les zones urbaines, puis dans les zones rurales en raison de l’affluence. Dans un mois, nous verrons un nombre très élevé de cas, et la mortalité arrivera deux semaines plus tard. Le taux ne reviendra jamais au niveau actuel».
En réponse à ces développements, la population ne réagit pas en lançant des cris joyeux de «liberté» et en célébrant la fin du Zéro COVID et des confinements. Un sentiment d’effroi s’empare du pays. Les cas et les maladies devant se multiplier, les gens restent chez eux, évitent les lieux publics et les dépenses. Beaucoup ont annulé des voyages et ont peur qu’il soit impossible d’éviter l’infection.
Interviewé par Bloomberg, le Dr Eric Topol, directeur du Scripps Research Translational Institute à La Jolla, en Californie, a déclaré: «À moins que de meilleurs vaccins et des rappels ne soient rapidement appliqués à l’ensemble de la population, il semble que les mesures de confinement ne tiendront plus et qu’une énorme flambée soit à prévoir. On dirait que de gros problèmes se préparent».
(Article paru d’abord en anglais le 14 décembre 2022)