Les négociations se poursuivent entre Unifor et le Canadien National à l’approche de l’expiration des conventions collectives de 3600 cheminots

Des représentants d’Unifor et de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) se sont rencontrés la semaine dernière à Montréal afin de poursuivre les pourparlers concernant les contrats couvrant 3600 mécaniciens, grutiers, machinistes, électriciens, employés administratifs et préposés au service à la clientèle du plus grand exploitant ferroviaire du Canada. Unifor est resté très discret sur l’avancement des négociations avant l’expiration des cinq conventions collectives le 31 décembre.

Une locomotive du CN Rail [Photo par Dan de PQ, Canada / CC BY-SA 4.0] [Photo by Dan from PQ, Canada / CC BY-SA 4.0]

Unifor affirme qu’il cherche à obtenir une amélioration des salaires et des avantages sociaux, ainsi qu’une résolution de la question persistante de la sous-traitance du travail syndiqué. Dans sa dernière mise à jour sur les négociations, Unifor affirme que les négociations sont «productifs» et «avancent bien», mais refuse de fournir des détails. La mise à jour se terminait par une déclaration arrogante: «Le syndicat ne négocie pas publiquement», et un avertissement sévère aux travailleurs de ne pas «propager les rumeurs qui pourraient surgir pendant le processus de négociation».

Le secret qui entoure le processus de négociation collective montre bien qu’il s’agit d’une mascarade, dans laquelle l’entreprise et le syndicat espèrent conspirer pour imposer un accord traitre sans que les travailleurs eux-mêmes aient leur mot à dire.

Lorsque les pourparlers ont débuté en novembre, la présidente nationale d’Unifor, Lana Payne, a déclaré de façon démagogique qu’Unifor se battrait pour obtenir des augmentations de salaire qui allaient suivre le rythme de l’inflation galopante, en déclarant: «Le fait est que, pendant une période d’inflation record, le CN déclare des bénéfices trimestriels records. Sans nos membres à la barre, cette entreprise n’aurait même pas pu s’approcher de ces résultats, et ils méritent d’être rémunérés équitablement et traités avec respect.» Daniel Cloutier, directeur d’Unifor Québec, ajoute: «Alors qu’ils ont supprimé des milliers d’emplois au cours des dernières années, les dividendes des actionnaires et la rémunération des dirigeants n’ont pourtant cessé d’augmenter. Avec des taux d’inflation élevés, le CN doit faire passer les besoins des travailleurs en premier.»

Alors que les bureaucrates syndicaux débitent un langage résolu pour les communiqués de presse critiquant la direction, les membres de la section locale 100 et du Conseil 4000 ne savent que trop bien qu’Unifor et le syndicat des Teamsters sont entièrement complices de la supervision des conditions de travail misérables actuelles à travers les chemins de fer du Canada et du blocage de la résistance des travailleurs. En 2015, face à la menace du gouvernement fédéral de criminaliser une grève de 3300 conducteurs, chefs de train et agents de triage de CP Rail, le syndicat Teamsters a capitulé et accepté un arbitrage exécutoire. La même année, Unifor a répondu à la menace du CN de mettre en lock-out 4800 inspecteurs de la sécurité et préposés à l’entretien des chemins de fer par un règlement contractuel de dernière minute qui ne répondait pas aux demandes des travailleurs. La direction du CN elle-même a été surprise qu’Unifor accepte une entente, même si elle se plaignait que les négociations étaient dans une impasse, sans même soulever la possibilité de consulter ses membres sur un mandat de grève.

En 2019, une grève de sept jours menée par 3200 chefs de train, opérateurs et agents de triage du CN a été annulée lorsque les Teamsters ont conclu une entente avec la compagnie qui ne répondait à aucun des besoins des travailleurs. À aucun moment au cours de la lutte, la direction du syndicat n’a tenté de rallier le soutien des travailleurs du CN représentés par Unifor ou des cheminots de toute l’Amérique du Nord.

Trois mille chefs de train et conducteurs de CP Rail, membres des Teamsters, ont voté massivement pour la grève en mars 2022 afin de mener une lutte pour mettre fin aux horaires de travail exténuants et aux augmentations de salaire. Unifor a veillé à ce que le personnel d’entretien de CP Rail, dont le contrat doit également être renouvelé, reste séparé de ses frères et sœurs de la même entreprise, aidant ainsi les Teamsters à isoler la grève et à l’étrangler en acceptant l’arbitrage obligatoire.

Au cours de l’été dernier, Unifor a imposé à 2400 travailleurs de VIA Rail, représentés par les mêmes sections locales d’Unifor qui négocient actuellement au CN, une convention collective qui les a laissés encore plus loin derrière après deux années de réductions importantes des salaires réels au sein du service ferroviaire voyageurs. La pandémie de COVID-19 a fait des ravages dans l’industrie du voyage et de nombreux travailleurs ont été mis à pied. Les employés syndiqués ont subi un gel des salaires en 2020 et une «augmentation» pathétique de 2 % en 2021. L’accord triennal prévoyait des «augmentations» salariales de 5,5 % en 2022, de 3,5 % en 2023 et de 2,5 % en 2024, soit une «augmentation» salariale moyenne de 3,83 % sur la durée du contrat. L’accord a été finalisé alors que le taux d’inflation officiel était de 7,6 %, ce qui signifie une réduction massive des salaires en termes réels pour les travailleurs.

Martine Rivard, chef de l’expérience des employés de VIA Rail, a eu du mal à contenir son enthousiasme à l’égard de l’entente conclue avec Via Rail, en déclarant: «Je suis reconnaissante du travail acharné des deux équipes de négociation et je tiens tout particulièrement à remercier le négociateur en chef d’Unifor, Scott Doherty, et à reconnaître les conseils des conciliateurs qui ont permis d’obtenir ce résultat positif pour nos employés et nos passagers.» Rivard a eu tout à fait raison de distinguer Doherty pour sa contribution, car le contrat est un véritable cadeau pour l’entreprise après les économies salariales de 2020-21.

Le CN dispose de ressources plus que suffisantes pour offrir à tous les cheminots des augmentations de salaire supérieures au taux d’inflation et mettre fin aux conditions brutales d’exploitation et de surmenage qui entraînent régulièrement des déraillements et d’autres accidents. Le CN est l’une des principales sociétés canadiennes cotées en bourse en termes de produits d’exploitation. Pour la période de douze mois se terminant le 30 septembre 2022, les produits d’exploitation se sont élevés à 12,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 12,2 pour cent par rapport à l’année précédente. Et les produits d’exploitation pour le trimestre se terminant à la même date étaient de 3,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 21,2 pour cent par rapport à l’année précédente.

En 2020, aux premiers stades de la pandémie de COVID-19, les revenus du CN ont subi une baisse de 8,2 pour cent par rapport aux chiffres de 2019, réduisant les revenus annuels à «seulement» 10,3 milliards de dollars. Sur cette base, la société hautement rentable s’est qualifiée pour le programme fédéral de subventions salariales d’urgence du Canada (SSIEC), une caisse noire pour les primes d’entreprise et les versements aux actionnaires qui était censée payer 70 % des salaires des travailleurs dans les entreprises touchées par les restrictions liées à la pandémie.

En raison des conditions d’exploitation impitoyables des travailleurs du rail, les chemins de fer sont l’une des industries les plus lucratives d’Amérique du Nord, attirant les investissements des fonds spéculatifs, des grandes banques et de certains des capitalistes les plus riches du monde. Le milliardaire Bill Gates, cofondateur de Microsoft, est un actionnaire important de CN Rail et détenait une part importante de CP Rail. Aux États-Unis, BNSF est contrôlé par Berkshire Hathaway de Warren Buffet. Parmi les principaux actionnaires d’Union Pacific figurent The Vanguard Group et BlackRock inc.

La source des profits générés par l’industrie a été une attaque incessante, depuis des décennies, contre les salaires et les conditions de travail des cheminots, avec l’assentiment actif des divers syndicats qui prétendent représenter leurs intérêts. Pour les équipes de train, le système PSR (Precision Scheduled Railroading) exige une disponibilité sur appel presque totale, 24 heures sur 24, toute l’année. Ce système réduit les travailleurs à de simples auxiliaires de l’entreprise car ils sont les seuls créateurs de profit pour ces sociétés prédatrices. De même, la pression sur l’administration, le personnel de soutien et les métiers doit nécessairement augmenter pour répondre aux exigences d’un profit en constante augmentation.

Dans ces conditions, il est absurde de demander à la direction de CN Rail, comme le fait Unifor, de «faire passer les travailleurs d’abord». Ces mercenaires impitoyables de l’oligarchie financière servent les intérêts de classe de l’élite dirigeante, qui dépend du maintien d’un régime de travail brutal pour assurer les profits des entreprises et les versements aux actionnaires. La seule façon de mettre fin à cette situation est une lutte unifiée de tous les travailleurs du CN, du CP et de leurs homologues américains de classe 1.

Comme les travailleurs du rail aux États-Unis l’ont appris au cours des derniers mois, le développement d’une telle lutte n’est pas seulement une question de militantisme syndical, mais une lutte politique. Bien qu’ils aient voté en faveur de la grève et rejeté à plusieurs reprises des contrats bidon qui ne répondaient à aucune de leurs revendications, les cheminots américains se sont vus interdire de faire grève par l’administration Biden, les syndicats et la pseudo-gauche, qui se sont concertés pour imposer des accords traitres en faisant intervenir le Congrès pour interdire la grève.

Unifor travaille activement à empêcher l’émergence d’une lutte unifiée des travailleurs du rail au Canada avec autant de ferveur que les syndicats du rail aux États-Unis. Le 14 septembre, la section locale 101R d’Unifor a entamé les négociations d’une convention collective avec le Canadien Pacifique (CP) pour 1200 travailleurs de l’entretien. Les principaux enjeux pour les travailleurs du CP sont la discipline musclée de l’entreprise, l’accumulation de griefs et des années de restrictions salariales. S’il le souhaite, et s’il planifie en conséquence, Unifor pourrait simultanément placer le duopole ferroviaire canadien du CN et du CP dans une position extrêmement vulnérable. Cela donnerait aux travailleurs la capacité d’exiger de sérieuses concessions de la part d’un secteur critique de l’économie capitaliste.

Mais la direction d’Unifor est organiquement hostile à une telle perspective, c’est pourquoi elle travaille assidûment à maintenir les deux conflits séparés. Même si CP Rail a fait une offre salariale provocatrice qui ne s’approchait même pas du taux d’inflation, le syndicat a attendu des mois avant de déposer un «avis de différend», qui déclenche un processus de «conciliation» de 60 jours supervisé par un médiateur fédéral. Cette période est suivie d’une période de «réflexion» de 21 jours. L’une ou l’autre des parties est alors tenue de donner un préavis de 72 heures de son intention de déclencher un lock-out ou une grève. Le résultat final de ces obstacles bureaucratiques conçus pour étouffer la résistance des travailleurs est que les responsables d’Unifor ne commenceront à discuter des questions salariales avec le CP qu’au cours de la deuxième semaine de janvier, ce qui, espèrent-ils, leur donnera suffisamment de temps pour trahir les travailleurs du CN avant que la lutte au CP n’atteigne son paroxysme.

La seule réponse pour les cheminots est de s’organiser indépendamment des bureaucraties syndicales corporatistes en formant des comités de la base qui peuvent coordonner leurs actions pour faire réellement avancer les intérêts de la classe ouvrière.

Au début de cette année, les travailleurs du CP ont formé le Comité de base des travailleurs du CP pour défendre leurs intérêts face aux pratiques impitoyables de la direction de l’entreprise et à la soumission totale des syndicats aux intérêts de l’entreprise. Les cheminots de tous les métiers et employeurs des États-Unis ont formé le Comité de base des cheminots afin de coordonner la vaste opposition aux conditions de travail désastreuses et aux contrats qui leur ont été imposés.

Les travailleurs de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada doivent faire de même et, en fait, aller plus loin pour lier leurs luttes à celles de leurs frères et sœurs de tout le Canada et des 120.000 travailleurs du rail des États-Unis qui sont engagés dans une lutte de trois ans avec les syndicats, les compagnies ferroviaires et le gouvernement fédéral. Nous encourageons tous les travailleurs du rail qui sont d’accord avec cette perspective à nous écrire à cpworkersrfc@gmail.com.

(Article paru en anglais le 19 décembre 2022)

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