Des milliers d’ambulanciers britanniques en grève, le gouvernement conservateur déploie l’armée pour briser la grève

Des milliers de travailleurs ambulanciers, paramédicaux, techniciens, assistants en soins d’urgence et gestionnaires d’appels notamment, ont fait grève hier dans 10 des 11  services ambulanciers régionaux d’Angleterre et du Pays de Galles.

Piquet de grève des ambulanciers à Rotherham, South Yorkshire, le 21  décembre 2022 [Photo: WSWS].

La grève des membres des syndicats GMB, Unison et Unite s’oppose à une augmentation de salaire de 4  pour cent imposée par le gouvernement conservateur. Mais elle est liée à la lutte pour mettre fin à l’impact paralysant du sous-financement et de la privatisation, qui rend un personnel surchargé incapable de fournir des soins d’urgence aux patients.

Les ambulanciers ont accepté de couvrir tous les appels de catégorie  1 présentant un risque direct pour la vie.

Le gouvernement conservateur a profité de la grève pour déployer 750  soldats comme briseurs de grève pour la première fois depuis que Thatcher a fait appel à l’armée dans le conflit des ambulances en 1989-1990. La BBC a rapporté que 170  militaires avaient reçu une formation accélérée à la caserne Wellington, à Westminster, pour apprendre à conduire des ambulances.

L’intention ici n’est pas de sauver la moindre vie, mais de justifier les mesures autoritaires pour réprimer la vague de grève en train de submerger le gouvernement Sunak. Parmi celles-ci, il y a des plans visant à interdire les grèves dans des secteurs clés par le biais d’une législation de service minimum. En juillet, on avait introduit une loi autorisant le personnel intérimaire à faire le travail des grévistes.

Les véritables menaces qui pèsent sur la vie des patients sont les retards dans le temps de réponse des ambulances dus aux coupes budgétaires du gouvernement conservateur dans le NHS (National Health Service – Service national de santé) ; une crise poussée à son paroxysme par sa gestion criminelle de la pandémie.

Une dizaine de milliers de grévistes sont représentés par le GMB. Selon un sondage réalisé par le syndicat des ambulanciers en juillet, un tiers d’entre eux sont impliqués dans des cas où le décès d’un patient était lié à un retard. Et quatre-vingt-cinq pour cent ont déclaré que les retards avaient eu un impact sur le rétablissement du patient.

En octobre, les ambulanciers n’ont pas été en mesure de répondre à un appel d’urgence sur quatre, la proportion la plus élevée jamais enregistrée, dû aux retards dans le transfert des patients dans les services d’urgences en raison de la pénurie de lits.

Martin Flaherty, directeur général de l’ACCE (Association des directeurs généraux des services d’ambulance), qui représente les responsables de dix services d’ambulance régionaux en Angleterre, a déclaré: «Le filet de sécurité que constituent les services d’ambulance du NHS est gravement compromis par ces retards inutiles, et des patients meurent ou ont leur santé endommagée tous les jour».

Le personnel ambulancier a été frappé en grand nombre par le COVID-19 en raison de l’indifférence cynique des autorités pour leur sécurité. Cela a coûté la vie à 1.500  travailleurs de la santé et des services sociaux et en a condamné beaucoup à rester malades, notamment dû au COVID-19 longue durée.

Alors qu’on refuse aux ambulanciers une augmentation de coût de la vie, qu’ils sont malades et surchargés de travail et qu’on prive le NHS de fonds, le secteur privé lui, continue de s’accaparer des millions de livres. Un rapport du GMB montre que les 10  trusts d’Angleterre ont remis en trois ans 235  millions de livres au secteur privé pour les transports urgents et non urgents.

Les salaires de misère supervisés par les syndicats de la santé sont tels que le NHS a dû introduire cette année un complément de salaire pour son personnel le moins bien rémunéré, comme les réceptionnistes, le personnel de nettoyage, de restauration et de transport, afin d’éviter des poursuites pour violation du salaire minimum légal – 9,50 livres de l’heure, devant passer à 10,42  livres l’an prochain.

Les syndicats ont été contraints d’appeler à la grève dû à la colère croissante de leurs membres. Mais, ils mènent dans les coulisses une campagne de sabotage pour empêcher que se développe une offensive unifiée contre le gouvernement.

Les syndicats Unison et Unite ont annulé la grève des ambulanciers en Écosse pour faire passer une offre salariale du gouvernement (décentralisé) du Parti national écossais (SNP), de seulement 7,5  pour cent en moyenne. Même le taux de 11,24  pour cent pour les plus bas salaires ne suit pas l’inflation.

Le GMB a également retiré le mois dernier sa grève au service d’ambulances écossais, pour voter sur cette offre. Mais l’accord a été rejeté la semaine dernière par une majorité de deux tiers des travailleurs du NHS de ce syndicat. Cela montre l’étendue de l’opposition parmi les 8.000  soignants, porteurs et radiographes, et les 1700 ambulanciers qu’il représente.

Le double discours des dirigeants syndicaux sur la défense des ambulanciers et du NHS est illustré par la secrétaire générale d’Unite, Sharon Graham, dont le syndicat représente 1.600  ambulanciers en grève hier. Elle a fait l’éloge de l’augmentation salariale en Écosse, qui concerne 1.500  ambulanciers membres de son syndicat, comme preuve qu’Unite se bat «pour de meilleurs emplois, de meilleurs salaires et de meilleures conditions dans les services de santé».

La leader d’Unite, Sharon Graham, s’exprimant au rassemblement de la confédération syndicale TUC (Trades Union Congress) à Londres, le 18  juin 2022 [Photo: WSWS].

En présentant comme des «victoires» des offres révisées revenant à des baisses de salaire, Sharon Graham joue un rôle clé pour empêcher une action unifiée des travailleurs du plus grand syndicat du secteur privé au Royaume-Uni – dans les chemins de fer et les bus, chez les éboueurs, sur les docks et dans les raffineries de pétrole. C’est là l’objectif derrière les appels désespérés de Graham pour que le Premier ministre Rishi Sunak rencontre les dirigeants syndicaux. Parlant hier sur Sky News, elle a dit en suppliant «il n’est pas nécessaire que ce soit une longue négociation, nous l’avons déjà fait en Écosse».

L’accord imposé en Écosse et vanté par Graham a été rejeté par un tiers des membres d’Unite. Wilma Brown, présidente du comité santé écossais d’Unison, a dû reconnaître un mécontentement généralisé sur l’accord, qui n’a été adopté qu’avec 57  pour cent de votes favorables. «La décision était loin d’être unanime et de nombreux professionnels du NHS se sentent déçus», a-t-elle déclaré. «Près de la moitié du personnel NHS d’Unison a voté le rejet de cette dernière offre salariale, et beaucoup de ceux ayant voté pour l’accepter l’ont fait à contrecœur».

L’imposition d’un accord inférieur à l’inflation à des membres en colère qui veulent une vraie lutte résume le rôle joué par les syndicats de la santé, Unison étant le plus grand syndicat du Royaume-Uni et représentant près d’un demi-million de travailleurs du NHS.

La grève des ambulanciers suit immédiatement la deuxième journée d’action nationale menée par près de 100.000  soignants du RCN qui s’opposent aux mêmes hausses dérisoires de salaire et exigent une augmentation dépassant de 5  pour cent l’inflation. En Écosse, 30.000  membres du RCN ont rejeté l’accord avec le SNP qu’on leur proposait à une majorité massive de 82 pour cent. Les membres du syndicat des sages-femmes Royal College of Midwives ont également rejeté l’accord à 65  pour cent.

La grève d’hier a également révélé la division que les syndicats sèment. Parmi les services touchés il y en avait neuf dont les travailleurs sont représentés par le GMB, cinq où ils sont représentés par Unison et trois où ils le sont par Unite. Même quand les grèves coïncident dans un même service, les syndicats garantissent que les arrêts de travail commencent et finissent à des heures différentes afin d’empêcher toute action combinée.

Le blocage d’une grève unifiée par les syndicats de la santé va de pair avec la suppression par la bureaucratie syndicale du mouvement de grève au sens large. Le parti pseudo-de gauche Socialist Workera rapporté les détails fuités par un bureaucrate ami d’une réunion des dirigeants de 20  syndicats déjà engagés dans des grèves ou des votes de grève, qui délibèraient en privé sur un éventuel arrêt national d’une journée le 1er  février. Si une telle manifestation toute symbolique avait lieu, elle concernerait un million de travailleurs. En revanche, seul un quart de million de travailleurs ont été engagés dans des grèves ces quinze dernières années dans les chemins de fer, la poste et le NHS, grâce au poids mort de l’appareil syndical.

La lutte des travailleurs du NHS peut devenir l’axe d’une grève générale contre le gouvernement Sunak et le patronat, mais le principal obstacle à une telle lutte est la bureaucratie syndicale. Pour s’opposer à sa campagne de sabotage et de répression, le pouvoir doit retourner là où il doit être, chez les travailleurs, à travers la formation d’un réseau de comités de la base. Nous encourageons les ambulanciers à lire et à partager la déclaration du Parti de l’égalité socialiste, «Une grève générale pour soutenir la lutte des infirmières en défense du NHS contre le gouvernement conservateur britannique: Construisez des comités de la base!».

(Article paru d’abord en anglais le 22  décembre2022)

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