Alors que l’OTAN intensifie sa guerre par procuration en Ukraine, le Parti de gauche allemand tente désespérément de se présenter comme un parti de la «paix» et de la «diplomatie».
Le week-end des 17 et 18 décembre, le comité exécutif du parti a adopté une résolution intitulée «Arrêter les livraisons d’armes – le désarmement au lieu de l’escalade». Celle-ci appelle à «une perspective de négociations» et à «des mesures de désescalade dans la guerre en Ukraine». Le lundi 19 décembre, le codirigeant du parti Martin Schirdewan présenta le prétendu «plan de paix» lors d’une conférence de presse. Il affirma qu’il s’agissait avant tout « d’empêcher la souffrance de la population civile».
En fait, ce plan n’a absolument rien à voir avec la «désescalade», le sauvetage de vies, ou même la fin immédiate de la guerre. Il sert essentiellement deux objectifs: premièrement, il est destiné à faire valoir les intérêts de l’impérialisme allemand. Dans le même temps, le Parti de gauche s’efforce de dissimuler son propre soutien à l’offensive de guerre impérialiste visant la Russie et d’absorber ainsi le sentiment anti-guerre croissant dans la population, et de le détourner vers des canaux sûrs.
Mais, ce projet est voué à l’échec. Le bellicisme du parti est bien trop visible. Dès le début, il a attaqué l’invasion russe – provoquée par l’OTAN, sans être moins réactionnaire pour autant – par la droite, c’est-à-dire du point de vue de l’impérialisme, et il a soutenu la guerre de l’OTAN.
Les principaux représentants du parti, dont le ministre-président de Thuringe Bodo Ramelow et le candidat à la mairie de Berlin Klaus Lederer, prônent ouvertement la livraison d’armes à Kiev. Au congrès du parti à Erfurt à la mi-juin, de nombreux orateurs ont appelé à des sanctions contre la Russie et à des livraisons d’armes à l’armée ukrainienne, qui compte de nombreuses forces d’extrême droite.
À y regarder de plus près, l’actuel «plan de paix» suit cette même ligne. Son contenu correspond à l’objectif de guerre essentiel des principales puissances de l’OTAN: vaincre la Russie en Ukraine. La résolution du Parti de gauche stipule: «Une fin de la guerre par une défaite militaire complète de la Russie n’est pas à attendre à court ou moyen terme. Des négociations de paix sont donc nécessaires de toute urgence, même si elles seront très difficiles».
C’est sans ambiguïté: les négociations proposées par le Parti de gauche visent à imposer à la Russie la «paix des vainqueurs» que l’OTAN espère, mais qui est encore loin d’être réalisée militairement. La résolution du Parti de gauche exige de fait la reddition complète de la Russie: «Les militaires russes» doivent «se retirer sur leurs positions (officielles) du 23 février». Et «les “Républiques populaires” de Donetsk et de Louhansk, qui sont contraires au droit international, doivent être démilitarisées pour la durée des négociations de paix».
En contrepartie, les puissances européennes s’engageraient à «lever toutes les sanctions de l’UE adoptées après le 24 février», poursuit le texte. En outre, il devrait y avoir une «garantie mutuelle de non-utilisation des armes nucléaires… ainsi que l’exclusion d’une extension militaire de la guerre à d’autres pays par la Russie et la non-entrée de l’OTAN dans cette guerre».
C’est là une tentative transparente de jeter de la poudre aux yeux des gens. Il est évident que l’OTAN mène de fait une guerre contre la Russie et l’alimente, jusqu’au risque d’escalade nucléaire. Il y a quelques jours, les États-Unis ont annoncé qu’ils fourniraient à l’Ukraine des missiles Patriot capables d’attaquer des cibles situées au cœur de la Russie. En retour, Poutine a annoncé le déploiement de missiles nucléaires hypersoniques sur les navires de guerre russes.
Les puissances européennes de l’OTAN soutiennent aussi cette escalade, notamment l’Allemagne. Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, a qualifié le voyage du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Washington de «très bon signe, plein d’espoir» et a salué la livraison des Patriot au nom de la coalition gouvernementale. La livraison avait été convenue avec des «alliés proches» tels que l’Allemagne. La formation des soldats ukrainiens au système pourrait «éventuellement avoir lieu en Europe et plus probablement encore en Allemagne», a conclu Hebestreit.
L’Allemagne est depuis longtemps un fervent partisan de la guerre. Elle inonde l’Ukraine d’armes et a fourni ses propres systèmes antiaériens, obusiers et chars. Dans le même temps, la classe dirigeante utilise la guerre pour s’imposer à nouveau comme leader militaire malgré ses crimes historiques lors de deux guerres mondiales. Les plans élaborés de longue date pour réarmer massivement l’Europe et la placer sous commandement militaire allemand sont maintenant mis en œuvre avec agressivité.
Il n’y a pas un mot dans la résolution du Parti de gauche sur l’agression de l’OTAN, qui a systématiquement encerclé la Russie depuis la dissolution de l’Union soviétique et a provoqué l’invasion russe. Au contraire, la propagande officielle dépeint la Russie comme l’unique agresseur et source du mal.
Tout la résolution s’adresse aux bellicistes impérialistes pour qu’ils augmentent la pression sur la Russie. «Nous demandons à la République fédérale d’Allemagne et à l’UE de prendre des initiatives diplomatiques vis-à-vis de pays tels que la Chine et l’Inde. Ces derniers peuvent exercer une influence sur la Russie», indique le texte. Dans le même temps, on appelle à «l’application de sanctions qui affectent intentionnellement la capacité de la Russie à faire la guerre».
Lorsque le Parti de gauche critique le gouvernement fédéral, c’est pour lui reprocher un prétendu échec à faire valoir les intérêts allemands et européens avec assez de confiance. Lors de sa conférence de presse, Schirdewan a demandé au gouvernement allemand d’œuvrer à la remise de la dette de l’Ukraine «afin de permettre une reconstruction indépendamment des prêteurs internationaux».
En d’autres termes, l’Allemagne doit se positionner plus fermement lorsqu’il s’agit du partage du butin de guerre entre les puissances impérialistes. Le gouvernement allemand a déjà à cette fin organisé une conférence sur la «reconstruction de l’Ukraine» à Berlin en octobre – de manière significative sans participation des États-Unis.
Lorsque des représentants du Parti de gauche, comme l’ex-cheffe du groupe parlementaire Sahra Wagenknecht, critiquent la guerre de l’OTAN contre la Russie, ils le font du point de vue de l’impérialisme allemand. Ils parlent au nom d’une fraction de la classe dirigeante qui considère le retour à des relations économiques et énergétiques plus étroites avec Moscou comme condition préalable à une plus grande indépendance politique et militaire vis-à-vis de Washington.
Les deux fractions du Parti de gauche sont des porte-paroles de l’impérialisme et du capitalisme allemands qui sont liées à l’orientation sociale et politique et à l’histoire du parti. Ce parti n’est ni de gauche ni socialiste, c’est un parti bourgeois qui représente les intérêts de l’appareil d’État et des classes moyennes aisées. L’organisation stalinienne qui a précédé le Parti de gauche, le SED/PDS, a coorganisé la restauration du capitalisme en Allemagne de l’Est et a ouvert ainsi la voie au retour du militarisme allemand, qu’il soutient activement depuis lors.
Cela est devenu de plus en plus clair, surtout dans la dernière décennie. En 2013, l’ex-porte-parole de la politique étrangère du Parti de gauche, Stefan Liebich, a directement participé à la préparation du document «Neue Macht – Neue Verantwortung» (Nouvelle puissance – Nouvelle responsabilité). Ce document était le plan directeur du retour de l’Allemagne à une politique étrangère de grande puissance agressive. Celle-ci a ensuite été annoncée publiquement en 2014 par le ministre des Affaires étrangères Steinmeier, le président allemand Gauck et la ministre de la Défense von der Leyen à la conférence sur la sécurité de Munich.
Lorsque Washington et Berlin, s’appuyant sur des forces fascistes comme le parti Svoboda et le Secteur droit, ont organisé un coup d’État en Ukraine en février 2014 pour y installer un régime anti-russe, celui-ci a été soutenu par le Parti de gauche. Des sections du parti, comme le réseau de pseudo-gauche Marx 21, où l’actuelle coprésidente Janine Wissler a commencé sa carrière, ont célébré ce putsch de droite comme une «révolution démocratique».
Le Parti de gauche a ensuite soutenu le cours agressif de la politique étrangère de la grande coalition (CDU-SPD). Début 2015, par exemple, le chef du parti, Bernd Riexinger, a «expressément salué l’offensive diplomatique de la chancelière Merkel et du président français Hollande». Merkel a depuis admis que l’accord de Minsk était destiné à gagner du temps pour réarmer l’Ukraine. L’actuelle «offensive diplomatique» du Parti de gauche a le même caractère militaire.
Les travailleurs et les jeunes qui veulent lutter contre la guerre doivent régler les comptes avec cette politique et rejoindre le Parti de l’égalité socialiste (PES). C’est le seul parti à condamner la guerre du point de vue de la classe ouvrière internationale et à armer d’une perspective socialiste la résistance à celle-ci. Dans sa déclaration pour les élections du Land de Berlin en 2023, qui appelle à transformer le scrutin en référendum sur la politique de guerre prônée par tous les partis établis, le SGP/PES écrit:
La seule force sociale qui peut empêcher une autre guerre mondiale est la classe ouvrière internationale – c’est-à-dire la grande majorité de la population mondiale – qui est aujourd’hui plus grande et plus interconnectée que jamais. Avec ses partis frères de la Quatrième Internationale, le SGP/PES construit un mouvement socialiste mondial contre la guerre et sa cause, le capitalisme. La guerre ne peut être arrêtée sans briser le pouvoir des banques et des trusts et les placer sous contrôle démocratique.
• Arrêtez la guerre de l’OTAN en Ukraine! Pas de sanctions et pas de livraisons d’armes!
• Deux guerres mondiales, ça suffit! Stoppez les bellicistes!
• 100 milliards d’euros pour les crèches, les écoles et les hôpitaux, pas pour le réarmement et pour la guerre!
(Article paru d’abord en anglais le 28 décembre2022)