L’envoi par Macron de chars en Ukraine marque l’escalade de l’engagement français dans la guerre menée contre la Russie

Mercredi, le président français Emmanuel Macron a annoncé que la France allait livrer des chars légers  AMX-10 RC à l’armée ukrainienne. C’est la première fois que des chars d’assaut de conception occidentale seront envoyés aux forces armées ukrainiennes. Cela marque une escalade significative de la participation française à la guerre.

La France a déclaré mercredi 4  janvier 2023 qu’elle allait envoyer des chars légers  AMX-10 RC de fabrication française à l’Ukraine, les premiers chars d’un pays d’Europe occidentale, suite à un appel téléphonique entre le président français et le président ukrainien. [AP Photo/Jeremy Bessat/Armee de Terre] [AP Photo/Jeremy Bessat/Armee de Terre]

Dans un tweet qui annonçait l’accord, Macron a déclaré: «Jusqu’à la victoire, jusqu’au retour de la paix en Europe, notre soutien à l’Ukraine ne faiblira pas. Je l’ai confirmé au président Zelensky: La France fournira des chars de combat légers». Le nombre exact d’AMX-10 RC qui seront livrés est inconnu, mais ils viendront de l’armée française, qui en possède actuellement 248. Les véhicules envoyés en Ukraine seront remplacés par des véhicules EBRC Jaguar pour un coût de 5  millions d’euros chacun.

Lors des discussions tenues avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, Macron s’est également engagé à intensifier le soutien de la France à l’Ukraine en matière de défense aérienne. La France a déjà fourni des batteries de défense aérienne Crotale et a promis d’autres pièces d’artillerie Caesar, en plus des 18  livrées en 2022. Selon Le Monde, Macron est également en pourparlers avec l’Italie pour envoyer à l’Ukraine des batteries de missiles SAMP/T Mamba, un système de missiles sol-air plus moderne aux capacités similaires à celles des missiles Patriot de fabrication américaine, déjà utilisés par l’armée ukrainienne.

La livraison de chars légers confirme que l’impérialisme français a rejoint la guerre que l’OTAN mène contre la Russie, même au risque d’une conflagration nucléaire.

En 2019, Macron avait déclaré que l’OTAN était «en état de mort cérébrale» dans une interview à The Economist,ajoutant que la politique américaine à l’égard de la Russie était déséquilibrée: «Quand les États-Unis sont très durs avec la Russie, a déclaré le président français, c’est une forme d’hystérie gouvernementale, politique et historique».

Quand la guerre OTAN-Russie a commencé l’an dernier, Macron avait été quelque peu réticent à approuver ouvertement la politique de provocations de l’OTAN contre la Russie et l’extension illimitée de la guerre en Ukraine. Il avait affirmé vouloir négocier un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine. Le 28  mars, le New York Timesécrivait: «Personne ne peut accuser le président Emmanuel Macron de lésiner sur les efforts pour éviter, désamorcer ou arrêter la guerre de la Russie en Ukraine». En février et mars, il s’était entretenu avec Zelensky et Poutine et avait affirmé que son objectif était de «garantir un cessez-le-feu, puis le retrait total des troupes».

En mars, lorsque le Premier ministre britannique d’alors, Boris Johnson, avait soutenu la demande de Zelensky de livrer des chars de l’OTAN à l’Ukraine, Macron avait refusé. Il avait déclaré qu’il s’agissait d’une «ligne rouge» qui, si elle était franchie, ferait des puissances de l’OTAN des «cobelligérants». À présent, Macron tente de positionner l’impérialisme français comme un leader européen dans l’armement de l’Ukraine.

Pas plus tard que décembre, Macron déclarait encore qu’il avait deux «lignes rouges» sur les livraisons d’armes: qu’elles n’affectent pas la capacité de la France à se défendre et qu’elles ne fassent pas de Paris un cobelligérant dans la guerre.

En coordonnant la livraison d’armes et de munitions avec les autres puissances de l’OTAN, la France était en réalité un État cobelligérant, selon le droit international. En livrant des chars d’assaut conçus pour effectuer des opérations offensives, Macron ne fait que briser les quelques illusions qui pouvaient encore subsister sur le fait que Paris n’était pas en guerre avec une grande puissance nucléaire.

Ce changement s’est développé au long de l’année  2022 et s’est intensifié en particulier après le bombardement du gazoduc Nord Stream. Cela a effectivement mis fin à toute chance de reprise des importations françaises de gaz naturel en provenance de Russie et a aligné la politique étrangère impérialiste française sur celle de ses alliés de l’OTAN.

L’annonce par la France de la fourniture de chars d’assaut a été rapidement suivie par les promesses allemandes et américaines de fournir leurs propres chars. Derrière le front uni du soutien à l’Ukraine se cachent toutefois des tensions inter-impérialistes croissantes. La décision de Macron d’ouvrir la voie aux livraisons de chars a été interprétée par les analystes militaires et politiques comme une tentative de sortir la France de l’ombre militaire et géopolitique de ses rivaux, en particulier de l’Allemagne.

Marc Chassillan, ingénieur et spécialiste des équipements militaires terrestres, a déclaré au Monde: «D’un point de vue politique, cette annonce est un marqueur. La France sera la première à livrer ce que les militaires appellent un véhicule de mêlée. C’est-à-dire, un véhicule blindé pour le combat rapproché».

De manière significative, cela a intensifié les tensions entre Paris et Berlin. Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la Commission de la défense du Bundestag et membre du Parti libéral, l’un des partis au pouvoir en Allemagne, a déclaré à l’AFP: «Une fois de plus, la France assume le rôle que l’on attendait de l’Allemagne et prend elle-même les devants. La balle est maintenant dans le camp de Berlin».

Ce n’est pas un hasard si l’annonce de la livraison de chars français à l’Ukraine est intervenue quelques jours après que Macron a déclaré que 2023 serait l’année de la réforme des retraites. Comme dans toutes les puissances de l’OTAN, le coût de l’envoi de milliards d’euros d’armes françaises aux militaires ukrainiens, tout en renforçant l’armée française, doit être payé par la classe ouvrière.

Le budget militaire de la France pour 2023 est de 49,3  milliards d’euros, le plus élevé jamais atteint et la plus forte augmentation d’une année sur l’autre depuis 15  ans. Ce montant comprend 3  milliards d’euros supplémentaires ajoutés dans un amendement en octobre 2022, la classe dirigeante française ayant pris la décision de s’aligner plus fermement sur la politique de l’OTAN. Le budget militaire est la deuxième plus grande dépense budgétaire, juste après l’éducation.

Dans son discours de la Saint-Sylvestre, Macron a annoncé que 2023 serait l’année de la réforme des retraites, un objectif central de son gouvernement durant ses deux mandats. Sa dernière tentative d’imposer cette réforme avait conduit en décembre 2019 à des grèves massives dans le secteur public. En relevant l’âge de la retraite et en gelant les augmentations de pensions, dont la valeur réelle chutera dû à l’inflation, Macron espère trouver les fonds nécessaires à une expansion militaire massive.

En 2023, les dépenses publiques françaises diminueront globalement de 1,5  pour cent et une inflation de 6  pour cent signifie que les dépenses seront encore plus réduites en termes réels. La plupart de ces économies proviennent de coupes drastiques dans un secteur santé qui souffre déjà des vagues de COVID-19 successives et des pénuries de personnel, et qui incluent le démantèlement des infrastructures de test de COVID-19.

L’embargo de l’OTAN sur les exportations d’énergie russe a principalement touché les ménages les plus pauvres car les prix de l’énergie ont augmenté de 15  pour cent en France, les exportateurs de gaz naturel américain ayant augmenté leurs prix pour le marché européen dans le contexte de l’embargo. La population française est toujours confrontée à la perspective de pannes d’électricité en hiver en raison des pénuries. Toutefois, jusqu’à présent, en raison d’un temps anormalement doux, la demande n’a pas dépassé l’approvisionnement énergétique limité de la France.

La livraison par Macron de chars à l’armée ukrainienne donne le ton de sa politique en 2023, à savoir une intensification massive de la guerre avec la Russie, quelle que soit la menace d’une escalade vers une guerre nucléaire totale et l’austérité massive imposée aux travailleurs.

L’engagement croissant de la France et de ses alliés impérialistes dans la guerre de l’OTAN et des États-Unis en Ukraine montre que seul un mouvement international anti-guerre des travailleurs peut stopper la marche de la classe dirigeante vers une troisième guerre mondiale et éviter une catastrophe nucléaire. Avec son webinaire du 10  décembre, l’Internationale des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale a lancé une initiative pour construire ce mouvement. Face à l’escalade sans fin de ce conflit, les travailleurs et les jeunes opposés à la guerre et à l’austérité, en France et à l’international, doivent prendre la décision de le rejoindre.

(Article paru d’abord en anglais le 07 janvier 2023)

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