La réforme des retraites par Macron prépare une confrontation avec la classe ouvrière

Le 10 janvier, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé une réforme pour dévaster les retraites en France. Son projet, qui ferait passer l’âge de la retraite à 64 ans, relance la réforme que Macron a tenté d’imposer mais a finalement dû abandonner en 2019-2020.

La réforme est profondément impopulaire, 68 pour cent des Français s’y opposant, et Macron n’a pas pu l’imposer en 2020. Elle a provoqué une grève du rail de 6 semaines, que Macron a vaincue en faisant adopter la réforme après la fin de la grève. Cependant, il a dû l’abandonner au printemps de 2020, alors qu’elle était adoptée par le parlement, alors que des grèves de masse éclataient en Italie, en France et à travers l’Europe contre l’inaction officielle sur le Covid, forçant Macron a adopter le confinement voulu par les autorités sanitaires.

En relançant ce projet, Macron, l’ex-banquier «président des riches» indique ce que l’aristocratie financière compte faire cette année qui s’ouvre. Alors que la France et d’autres États de l’OTAN dépensent des milliards d’euros en chars et en artillerie pour faire la guerre à la Russie en Ukraine, risquant une Troisième Guerre mondiale, la classe dirigeante veut financer la guerre par une large rétrogression des niveaux de vie.

Borne a annoncé plusieurs attaques contre le régime de retraites établi en 1945-1946, après la chute du régime collaborationniste de Vichy à la fin de la Deuxième Guerre mondiale:

  • L’augmentation de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein à 43 ans.
  • L’augmentation de l’âge minimum du départ à la retraite à 64 ans.
  • L’élimination de tous les «régimes spéciaux» de retraites.
  • Aider les «retraités» a retourner au travail quand leurs retraites seront inadéquates.

L’augmentation de la durée de cotisation et de l’âge minimum de départ permettent à l’État de sabrer dans la dépense. Beaucoup d’ouvriers âgés sont trop épuisés pour travailler jusqu’à 64 ans. Des travailleurs diplômés ou ayant chômé souvent ne peuvent pas cotiser 43 ans sans travailler bien au-delà de 64 ans. Mais l’État peut appliquer des décotes dévastatrices, amputant la retraite d’un travailleur de 5 pour cent pour chaque année de cotisation qui manque, ou pour chaque année passée à la retraite avant l’âge de 64 ans.

Selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, la réforme réduira les dépenses de 17,7 milliards d’euros en 2030, soit environ mille euros par retraité par an. C’est plus de 5 pour cent des dépenses totales sur les retraites françaises en 2020 (€332 milliards).

L’appel de Borne à aider les retraités à trouver du travail souligne que l’aristocratie financière veut détruire le droit à une retraite publique décente. Déjà en 2019, 400.000 retraités en France devaient travailler à cause du faible montant de leurs retraites publiques, qui s’élevaient en moyenne à 772 euros mensuels.

La réforme de Macron et Borne est si profondément impopulaire qu’il n’est pas sûr qu’ils puissent la faire adopter à l’Assemblée nationale, ou le parti macronien Renaissance n’a que 170 des 577 sièges. Macron négocie avec le parti gaulliste Les Républicains (LR) pour essayer d’obtenir leur soutien pour sa réforme. Cependant, il y a encore des inquiétudes que, Macron ayant déjà retiré sa réforme en 2020, certains parlementaires LR pourraient néanmoins rechigner à lui accorder leur soutien.

Borne a donc adopté un subterfuge cynique et anti-démocratique en inscrivant sa réforme dans un un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFSSR). Elle peut ainsi utiliser un détail obscur de la constitution française permettant au président d’imposer le budget de la Sécurité sociale avec le soutien du seul Sénat, une chambre qui n’est pas élu au suffrage universel, et où LR conserve une majorité.

La classe dirigeante en France et à l’international sait qu’en agissant de la sorte, l’administration Macron risque de provoquer une opposition et des grèves explosives. La semaine dernière, un sondage IFOP pour Sud Radio a trouvé que 79 pour cent des Français croient qu’une explosion sociale est possible dans les mois à venir. En plus, 52 pour cent espèrent qu’elle se produira.

Surtout, alors que Macron attaque les retraites, des grèves font éruption à travers l’Europe et le monde contre l’austérité, l’inflation, la politique de «Covid sans fin» et la guerre. Le Royaume Uni en particulier a vécu une série de grèves et de votes pour la grève des transports, des ports, de l’éducation, de la santé et des fonctionnaires. Les cheminots allemands et portugais font grève comme les métallos turcs. Et aux USA, les infirmières font grève sur fond d’appels à la grève dans le rail, l’automobile et d’autres industries stratégiques.

Pour stopper Macron, il s’agit de relier l’opposition des travailleurs et des jeunes en France à ce mouvement international contre l’inflation et la guerre, organisant les ouvriers dans des comités de la base indépendants des appareils syndicaux pour lutter contre le capitalisme et pour le socialisme.

Les appareils syndicaux français ont réagi à l’annonce de Borne en se réunissant pour annoncer une grève d’un jour le 19 janvier. Ils ont obtenu le soutien du parti la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui a tweeté que la réforme de Borne est une «grave rétrogression sociale».

Philippe Martinez, chef du syndicat CGT historiquement à direction stalinienne, a déclaré que l’unité syndicale permettra de construire un mouvement national puissant à travers les appareils existants. «Le fait que toutes les organisations syndicales soient d'accord [...], ça permet des intersyndicales dans les entreprises, les professions, les établissements», a-t-il dit. Il a ajouté qu’il est «déterminé à ce que ce projet de loi ne passe pas».

La CFDT, historiquement liée au PS bourgeois, a déclaré qu’elle avait averti Macron lors de leurs négociations de la réforme qu’elle se sentait obligée de s’y opposer. Le président de la CFDT, Cyril Chabanier, a dit: «Nous avions prévenu que s'il y avait un report de l'âge, nous serions dans la rue. Alors, nous le serons.»

Cette perspective syndicale et purement nationale est un piège pour les jeunes et les travailleurs voulant lutter contre Macron. L’appareil cégétiste a déjà signé son soutien pour les plans de relance accordant des milliers de milliards d’euros aux banques au début de la pandémie, ainsi que pour la guerre en Ukraine. Appuyant une politique internationale réactionnaire, les appareils syndicaux s’avéreront hostiles à toute initiative mobilisant les travailleurs indépendamment de leur «dialogue social» corrompu avec Macron.

En effet, en 2018 Martinez a réagi à l’éruption des manifestations de «gilets jaunes» pour l’égalité sociale en les dénonçant en tant que foule d’extrême-droite, puis en les isolant en stoppant une grève des routiers. Les travailleurs ont vu le résultat en 2019-2020: la CGT a isolé et mis fin à une puissante grève du rail contre la réforme de Macron, ce qui a permis à Macron au départ de faire adopter sa réforme en 2020.

Il faut rompre le diktat de ces appareils syndicaux nationaux sur les luttes ouvrières. L’opposition à l’austérité et à la guerre des travailleurs et des jeunes est explosive et augmente rapidement à l’heure actuelle. Ce n’est pourtant qu’en construisant l’Alliance ouvrière internationale des comités de la base en un mouvement s’opposant aux appareils syndicaux et à leurs alliés de pseudo-gauche, que cette opposition peut devenir une force indépendante et consciente pour stopper la rétrogression sociale et la guerre que produit le système capitaliste à travers l’Europe.

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