Le Royaume-Uni a enregistré une surmortalité de 50 000 décès en 2022 par rapport à 2019

Il y a eu plus de surmortalité en Grande-Bretagne en 2022 que dans presque toutes les 70 dernières années. Selon une analyse du Times, plus de 50 000 personnes de plus sont décédées l'an dernier qu'en 2019.

Outre les deux premières années de la pandémie (2020/2021) c’était la plus forte surmortalité depuis 1951.

Citant des données des bureaux de statistiques des pays du Royaume-Uni, le journal écrit: «Dans l'ensemble, les 656 735 décès de l'an dernier au Royaume-Uni étaient de 51 159 supérieurs à la moyenne quinquennale pré-Covid. Ce chiffre annuel n'a été dépassé que quatre fois avant 1951, depuis que la collecte des données a commencé il y a 130 ans ».

Il signale 1 600 décès de plus que d'habitude pendant la semaine de Noël, en raison de «longues attentes pour une ambulance, du temps froid et de la flambée des infections grippales » qui « ont multiplié les taux de mortalité par cinq ».

Des ambulances attendent à l'extérieur du Royal London Hospital, dans l'est de Londres, le 4 janvier 2023. Le personnel ambulancier devrait faire grève à nouveau les 11 et 23 janvier, tandis que les infirmières feront de même les 18 et 19 janvier. [Photo AP/Alastair Grant] [AP Photo/Alastair Grant]

« Hier [11 janvier] les chiffres du Bureau national des statistiques ont affiché la troisième semaine consécutive de surmortalité de plus de 1 000 personnes en Angleterre et au Pays de Galles et ont confirmé que l'an dernier on a enregistré en Grande-Bretagne un nombre total de décès parmi les plus élevés. »

La surmortalité augmente dans tous les groupes d'âge. Stuart McDonald, un partenaire de LCP Health Analytics qui travaille sur l'enquête continue sur la mortalité de la Faculté des actuaires, a commenté: «Si nous ne venions pas d’avoir deux années de mortalité extrême, 2022 se démarquerait vraiment […] Au début de l' année, nous constations moins de décès chez les personnes âgées parce que beaucoup de ces personnes étaient, pour être franc, déjà décédées [du COVID], mais il était clair même à ce moment-là que nous avions affaire à plus de décès chez les jeunes. Depuis le printemps et jusqu’à présent, nous avons eu des niveaux élevés assez constants [de décès] dans toutes les catégories d’âges.

Si le Royaume-Uni a enregistré des dizaines de milliers de décès supplémentaires l'an dernier dû au COVID (environ 40 000), la surmortalité, conclut l'étude du Times, n'était en grande partie pas due directement au COVID.

Des années d'austérité brutale, dont la réduction massive du budget du Service national de Santé (NHS), qui a été sous-financé de 400 milliards de livres sterling au cours de la dernière décennie, ont entraîné la mort précoce de nombreuses personnes. En décembre 2022, les temps de réponse des ambulances (article en anglais) étaient les plus longs depuis l'introduction de nouvelles catégories d'appels en 2017.

Le professeur David Spiegelhalter, statisticien de l'Université de Cambridge, a déclaré qu'il était « très difficile d’attribuer les causes de la surmortalité » mais qu’il « trouvait les preuves concernant les admissions retardées [aux hôpitaux] convaincantes ». 

Le TimesciteSpeigelhalter disant que depuis l'été « il y avait eu une surmortalité de plus de 40 000 personnes en Angleterre et au Pays de Galles. Même en tenant compte du vieillissement de la population et de la soustraction de Covid cela ‘laisse encore une moyenne d'environ 450 décès supplémentaires non liés au Covid chaque semaine depuis juin’ ».

Selon Spiegelhalter, « de multiples facteurs y contribuent : la grippe précoce, le Covid, l'impact des soins interrompus durant la pandémie et la crise aiguë du NHS ».

L'analyse de la surmortalité du Times confirme l'estimation récente du président de l’Insitut royal de médecine des urgences (RCEM), le Dr Adrian Boyle, qui a déclaré que les retards et les problèmes liés aux services des accidents et urgences entraînaient 300 à 500 décès supplémentaires par semaine.

Le NHS England a déclaré qu'il n'acceptait pas les chiffres du RCEM sur la surmortalité, mais la BBC a noté: « c'est à peu près ce que vous obtenez si vous multipliez le nombre de personnes attendant longtemps aux urgences par le risque supplémentaire de mourir qu’on estime être associé à ces longues attentes (entre 5 et 12 heures). »

Une autre étude du magazine The Economist publiée la semaine dernière conclut que des centaines de décès ont lieu par semaine pour lesquels les longues périodes d'attente sont un facteur clé. «Notre modèle suggère que 3 400 décès supplémentaires liés aux urgences se sont produits entre août et novembre 2022 par rapport à un scénario où les temps d'attente restaient au niveau de 2019. À environ 260 par semaine, ce nombre est inférieur au chiffre approximatif du RCEM, mais représenterait toujours un quart des morts excédentaires en Angleterre au cours de cette période. »

Le Financial Times a fourni des preuves supplémentaires de l'augmentation de la surmortalité dans une analyse en décembre du journaliste en chef des données John Burn-Murdoch. Il notait: « L'espérance de vie a stagné, la Grande-Bretagne se situant en dessous de la plupart des autres pays développés, et la mortalité évitable – les décès prématurés qui ne devraient pas survenir avec des soins de santé rapides et efficaces – atteignant le niveau le plus élevé parmi ses pairs... »

L'auteur constate: «Au cours de la dernière décennie, la Grande-Bretagne s'est éloignée de ses pairs en matière de dépenses globales de santé, tandis que les investissements dans les infrastructures de santé diminuaient de moitié entre 2010 et 2013. Cela a laissé au NHS moins de capacité disponible que dans tout autre pays développé lorsque la pandémie a frappé. Cela s'est avéré un énorme frein à la productivité, laissant les agents de santé britanniques paralysés par le manque de lits et d'équipements. »

Il conclut: « Les conséquences ont été considérables: du gonflement des listes d'attente et de la détérioration des performances des urgences à une augmentation des décès évitables et une espérance de vie au point mort.» Cela était dû aux «effets du programme d'austérité du Parti conservateur pendant les années Cameron-Osborne», qui s’étaient « régulièrement accumulés au cours de la dernière décennie, mais cet hiver, ce cumul a pris des dimensions explosives».

La pandémie de COVID est loin d'être terminée ; même le décompte manipulé par le gouvernement conservateur des décès par COVID dépasse maintenant 200 000 (202 157), en raison d'une augmentation des décès hivernaux. Au cours des quinze derniers jours, selon Worldometers, et en utilisant les données du gouvernement, près de 1 700 personnes sont mortes en Grande-Bretagne d'une maladie avec laquelle tout le monde est censé vivre et qui n'est ni testée ni surveillée.

Que des publications de droite comme le Times, l’Economist et le Financial Times ne puissent ignorer le terrible impact d'une offensive sociale de plusieurs décennies de l'élite dirigeante, qui s'est accélérée durant la pandémie, atteste de l'état réel des relations de classe.

Leurs conclusions sont conformes aux études montrant que des centaines de milliers de gens sont morts depuis le début de l'austérité de masse imposée par les gouvernements successifs suite au krach financier mondial de 2008. Une étude de 2019, basée sur des années de données pré-pandémie et intitulée «Mortalité prématurée attribuable aux inégalités socio-économiques en Angleterre entre 2003 et 2018: une étude observationnelle», compilée par l'University College London et publiée dans The Lancet Public Health, arévélé qu'entre 2003 et 2018, il y eut 877 000 morts victimes de la montée en flèche des inégalités sociales. Les auteurs ont conclu que « près de 900 000 décès en Angleterre auraient pu être évités dans une société plus égalitaire, selon l’étude de l'UCL portant sur 2,5 millions de décès prématurés au cours des 16 dernières années ».

La classe dirigeante a délibérément démantelé le Service national de santé pendant des décennies. Son programme consiste désormais à utiliser la crise qu’elle a elle-même créée et à insister pour dire que rien ne peut être fait pour sauver le NHS, hormis la privatisation et la vente de ses secteurs les plus rentables.

Un commentaire de Fraser Nelson dans leDaily Telegraph la semaine dernière est révélateur de la réponse furieuse de cercles dirigeants qui ne se sont jamais réconciliés avec le consensus d'après-guerre d'un État social dont le NHS était le joyau. « Le NHS est un élément central de notre religion laïque nationale. Il est au cœur de notre compréhension moderne de l’identité britannique, un symbole de la prétendue ‘équité’ de notre identité sociale-démocrate d'après-guerre […] cette expérience de 75 ans de socialisme de la santé a échoué de manière épouvantable, aboutissant à une flambée de surmortalité, des listes d'attente indignes d'une nation civilisée, des grèves inhumaines, des délais intolérables pour une ambulance, un rationnement explicite et un personnel sous-payé, démoralisé, surmené » a-t-il déclaré.

Et d’insister pour dire: « Nous devons passer à un système mixte public-privé, comme dans presque tous les autres pays, basé sur un modèle d'assurance sociale concurrentiel, un mélange de propriété à but lucratif et caritatif, des frais d'usagers pour prévenir les abus et le gaspillage… »

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(Article paru en anglais le 17 janvier 2023)

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