Les infirmières des hôpitaux publics débrayent pour le deuxième tour de grève nationale en Angleterre

Des milliers d’infirmières organisent une deuxième série de grèves pendant deux jours ce mercredi et jeudi dans 55 fiducies hospitalières du Service national de santé (NHS) en Angleterre. Les syndiqués du Royal College of Nursing (RCN) avaient organisé leur première grève nationale de deux jours les 15 et 20 décembre dernier.

Les grèves sont les premières dans les 106 ans d’histoire du syndicat RCN, lancées en réponse à l’imposition par le gouvernement conservateur du premier ministre Rishi Sunak d’une importante réduction de salaire en termes réels à plus d’un million de travailleurs du National Health Service (NHS) dans le cadre du Programme pour le changement (Agenda for Change). L’augmentation proposée par le gouvernement de 1400 £ (1599 euros) sur un an antidaté d’avril dernier vaut en moyenne 4 pour cent, bien en deçà du taux d’inflation actuel de 14 pour cent tel que mesuré par l’indice RPI des prix à la consommation.

Piquet de grève des infirmières du NHS à Bath pendant la grève nationale du 15 décembre 2022 [Photo: WSWS]

La résistance s’est accumulée pendant de nombreuses années, déclenchée par la crise du coût de la vie la plus élevée en quatre décennies. Le salaire d’une infirmière expérimentée a chuté de 20 pour cent depuis 2010, ce qui signifie qu’un soignant travaille l’équivalent d’un jour par semaine sans rémunération. Le syndicat RCN avait revendiqué initialement une augmentation égale au taux d’inflation mesuré par le RPI plus 5 pour cent.

Les soignants ont déjà été rejoints par des milliers d’ambulanciers luttant contre la même réduction de salaire, avec des débrayages nationaux d’un jour en décembre et ce mois-ci.

La revendication d’un accord salarial supérieur à l’inflation par les infirmières a lieu au milieu d’un mouvement de grève croissant, qui a commencé l’été dernier. Les affirmations selon lesquelles cette revendication salariale est déraisonnable sont celles d’un gouvernement imposant des coupes budgétaires paralysantes au NHS et exigeant de nouveaux efforts de «productivité» extraite de son personnel surmené et sous-payé.

Cela conduit à un effondrement délibéré de l’offre de soins de santé, visant à légitimer les plans de poursuite de la privatisation.

L’année dernière, plus de 27.000 infirmières et sages-femmes ont quitté le NHS, laissant 47.000 postes vacants de soignants dans le cadre de 133.400 postes vacants dans le NHS dans l’ensemble en Angleterre. L’hémorragie des professionnels qui a un impact négatif supplémentaire sur les soins aux patients alimente l’opposition militante qui cherche à inverser l’effondrement du NHS et le traitement méprisant du personnel de première ligne.

Cette dernière grève de soignants est la première depuis que le gouvernement a annoncé qu’il présenterait son projet de loi sur les grèves, visant à interdire le type d’action revendicative menée par les infirmières et le personnel ambulancier en imposant des niveaux de services minimaux pendant les grèves. Le service de santé est l’un des trois secteurs dans lesquels les mesures répressives seront imposées. En vertu du projet de loi, les travailleurs qui ont voté en faveur de la grève peuvent être nommés et contraints de travailler pendant les grèves et en cas de refus, ils peuvent être licenciés. Des amendes massives seront infligées aux syndicats qui ne se conforment pas.

Les syndicats claironnent l’affirmation du Parti travailliste de s’opposer à la législation, un cirque politique nauséabond. Le chef du parti, sir Keir Starmer, a passé toute l’année écoulée à désavouer les grèves, a fait écho à l’insistance du premier ministre Sunak qui dit que la revendication salariale des soignants est hors de prix et a engagé un gouvernement travailliste à poursuivre la privatisation.

Face à ces attaques, la direction du RCN ainsi que les syndicats de la santé affiliés au Congrès des syndicats (TUC) se sont réunis la semaine dernière pour rejeter toute action de grève coordonnée. Ils ont seulement convenu à une journée de manifestations prévue pour le 1er février – bien que par la suite des grèves aient été annoncées pour ce jour-là par le Syndicat national de l’éducation, le Syndicat des services publics et commerciaux, le Syndicat des conducteurs de train ASLEF, le Syndicat des travailleurs du rail, de la mer et des transports (conducteurs de train) et le Syndicat des universités. Néanmoins, le secrétaire général du TUC, Paul Nowak, a d’ores et déjà promis de travailler dans le cadre des lois anti-grève tout en menant un recours juridique qu’il sait être futile.

Selon un reportage du Guardian sur la réunion du TUC, la secrétaire générale du RCN, Pat Cullen, «a clairement exprimé son opposition à une action coordonnée de différents syndicats et a déclaré que le RCN ne se joindrait pas à une telle initiative». On peut lire: «Les responsables d’autres syndicats ont déclaré qu’ils craignaient que tout débrayage concerté, impliquant une perturbation massive d’un ensemble de services publics clés, ne diminue le soutien du public à la campagne de grèves en cours.»

Ceci un mensonge méprisable. Le public soutient de plus en plus les travailleurs de la santé en grève contre un gouvernement détesté pour avoir représenté les intérêts exclusifs des super-riches présidant à une catastrophe sociale menaçant l’existence du NHS. Un sondage publié par le Telegraph de droiteavant les grèves de cette semaine a révélé que 59 pour cent des électeurs soutiennent les débrayages des médecins et des infirmières, contre 50 pour cent le 30 novembre.

Le RCN et les syndicats Unison, Unite et GMB ont participé à une réunion avec le ministre de la Santé, Steve Barclay, le 10 janvier, dans le cadre de négociations salariales dans les secteurs de la santé, de l’éducation et du rail, au moment même où le gouvernement présentait sa législation répressive criminalisant les grèves.

Cullen a montré son mépris pour la revendication des infirmières en déclarant que le RCN serait prêt à «couper la poire en deux» en acceptant une offre du gouvernement d’une augmentation de 10 pour cent. La reculade humiliante n’a pas reçu de réponse favorable du gouvernement conservateur.

Dans un commentaire à l’Independent Cullen a déclaré: «La pénurie d’infirmières coûte des vies – Sunak ne peut pas mettre un prix pour assurer un NHS sûr.» Les conservateurs ont en fait mis un prix sur tout, indiquant clairement pendant la pandémie que d’innombrables vies seront sacrifiées au profit des entreprises. Plus de 200.000 vies ont été perdues en Grande-Bretagne, le COVID restant la troisième cause de décès dans le monde. Quelle a été la valeur de la vie de 1500 travailleurs de la santé et des services sociaux victimes du COVID, travaillant avec un équipement de protection individuelle inadéquat alors que les profiteurs de la pandémie récoltaient des millions en contrats gouvernementaux fournissant des ÉPI défectueux?

Le ministre de la Santé insiste sur le fait que toute augmentation de salaire devra être financée par le budget à court d’argent du NHS. Le Guardian a révélé: «Une source gouvernementale a déclaré que le Trésor attendait que Barclay définisse les services du NHS qui pourraient être réduits afin de libérer ce que les initiés des services de santé estimaient être les 2 à 3 milliards de livres sterling nécessaires pour offrir à plus de 1 million de travailleurs un accord amélioré pour 2022-23.

Capture d’écran d’un tweet du RCN appelant le premier ministre Rishi Sunak à défendre le Service national de santé, 17 janvier 2023 [Photo: Screenshot-RCN/Twitter] [Photo: Screenshot-RCN/Twitter]

Le RCN étouffe l’action de ses 100.000 syndiqués éligibles à faire grève, alors qu’il fait des ouvertures aux conservateurs. Alors que le nombre des établissements du NHS impliqués dans une action de grève est passé de 45 à 55 pour ce deuxième tour (70 employeurs du NHS au total, y compris les conseils de soins intégrés), le syndicat ne mobilisera pas les soignants du Pays de Galles et d’Irlande du Nord comme c’était le cas en décembre. Aucune autre action ne sera organisée par le RCN avant les grèves en Angleterre et au Pays de Galles les 6 et 7 février.

L’action des soignants et autres travailleurs du NHS se heurte à un sabotage de la part de l’appareil de tous les syndicats de la santé. Cela a été caractérisé par la promotion de l’offre révisée du gouvernement écossais dirigé par le Parti national écossais (SNP) à Édimbourg comme un accord équitable en comparaison au gouvernement conservateur intransigeant. L’accord salarial du NHS en Écosse ne valait en moyenne que 7,5 pour cent et a été utilisé pour bloquer les grèves votées par la base. Ensuite, les syndicats Unison et Unite ont fait passer l’accord lors des scrutins suivants.

Cela a été utilisé par le gouvernement SNP pour faire appliquer l’accord à tous les travailleurs du NHS en Écosse. Les adhérents du GMB, du RCN et du Royal College des sages-femmes ont tous rejeté l’accord. Mais plutôt que d’honorer ce mandat d’environ 50.000 travailleurs de la santé, tous les syndicats ont convenu de mettre fin à la grève avant d’entamer des «négociations intensives» pour le prochain accord salarial de 2023.

L’opposition des syndicats à une lutte unifiée contre l’assaut du gouvernement contre le NHS et sa législation anti-grève répressive est un avertissement aux travailleurs que leurs luttes doivent être arrachées à la bureaucratie syndicale pour qu’un véritable combat puisse être lancé.

Il faut mettre fin à la domination de l’oligarchie financière et la grande entreprise (les principales entreprises du FTSE 350 ont signalé une augmentation des bénéfices par rapport aux niveaux prépandémiques de 73 pour cent en 2021) sur tous les aspects de la vie.

La défense du NHS exige une lutte combinée contre le gouvernement conservateur et son allié de fait du Parti travailliste, qui sont d’accord sur toutes les questions majeures, du soutien à la guerre contre la Russie à «vivre avec le COVID». Cela signifie construire des comités de la base pour coordonner une offensive sociale et politique de toute la classe ouvrière. Nous encourageons vivement les travailleurs à rejoindre et à soutenir NHS Fightback, lancé par le Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste).

(Article paru en anglais le 18 janvier 2023)

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