Perspectives

Les principaux risques mondiaux selon le Forum économique mondial: Un portrait dévastateur de la crise du capitalisme

Au fil des ans, les idéologues des classes dominantes ont accusé à plusieurs reprises les marxistes d’exagération, voire de «catastrophisme», lorsqu’ils ont mis en évidence l’accumulation des contradictions du capitalisme, menaçant l’avenir même de la civilisation.

Ceux qui sont d’accord avec ces évaluations, régurgitées sans cesse par les médias et les universitaires, feraient bien d’examiner le «Global Risks Report 2023» du Forum économique mondial (WEF), préparé pour le rassemblement annuel qui a lieu cette semaine à Davos, en Suisse.

Le rapport dresse le tableau dévastateur d’un système socio-économique qui se dirige vers un désastre, hors du contrôle des élites dirigeantes au nom desquelles le WEF s’exprime.

Un agent de sécurité de la police patrouille sur le toit d’un hôtel avant le Forum économique mondial de Davos, en Suisse, le lundi 20 janvier 2020 [AP Photo/Markus Schreiber, archives] [AP Photo]

Le résumé commence par noter que les premières années de la présente décennie «ont annoncé une période particulièrement perturbante de l’histoire de l’humanité».

Suit un paragraphe qui mérite d’être cité dans son intégralité:

En ce début d’année 2023, le monde est confronté à une série de risques à la fois totalement nouveaux et sinistrement familiers. Nous avons assisté au retour d’«anciens risques» – inflation, crises du coût de la vie, guerres commerciales, fuite des capitaux des marchés émergents, troubles sociaux généralisés, affrontements géopolitiques et spectre de la guerre nucléaire – que peu de chefs d’entreprise et de responsables des politiques publiques de cette génération ont connus. Ces phénomènes sont amplifiés par des évolutions relativement nouvelles dans le paysage mondial des risques, notamment des niveaux d’endettement insoutenables, une nouvelle ère de faible croissance, d’investissements mondiaux réduits et de démondialisation, un déclin du développement humain après des décennies de progrès, le développement rapide et sans contrainte de technologies à double usage (civil et militaire), et la pression croissante des impacts du changement climatique et des ambitions dans une fenêtre de transition vers un monde à 1,5°C qui ne cesse de se rétrécir. Tous ces éléments convergent pour façonner une décennie à venir unique, incertaine et turbulente.

L’analyse marxiste de la situation actuelle est présentée dans la Perspective du Nouvel An du World Socialist Web Site(2023: La crise capitaliste mondiale et l’offensive grandissante de la classe ouvrière internationale), qui note que les pressions accumulées de la crise capitaliste mondiale ont «atteint l’équivalent de la masse critique: c’est-à-dire qu’elles ont atteint le point où la dynamique de la crise a dépassé la capacité des gouvernements à l’empêcher de se diriger vers un cataclysme social.»

Tout ce qui figure dans le rapport sur les risques mondiaux confirme, à sa manière, la véracité de cette analyse, ce qui explique probablement pourquoi le document du WEF a été peu ou pas couvert par les médias dits «grand public».

Le rapport retrace une série de crises qui s’aggravent, notamment la dégradation constante des perspectives économiques, l’intensification des conflits et des tensions géopolitiques qui ne se limitent pas à l’Ukraine, mais s’étendent bien plus largement, la détérioration rapide de la santé et des soins de santé, et les effets du changement climatique, tant en termes de météo que de déclin de la biodiversité.

L’un des changements les plus importants en 2022 a été la fin du régime de taux d’intérêt ultra-bas déclenché en réponse à la crise financière mondiale de 2008 et prolongé après la crise financière de mars 2020, au début de la pandémie de COVID-19.

Le resserrement monétaire mis en œuvre par la Fed et d’autres grandes banques centrales pour réprimer les demandes salariales de la classe ouvrière dans le monde entraîne l’économie mondiale dans la récession.

Mais selon le rapport du WEF:

Même si certaines économies connaissent un atterrissage plus doux que prévu, la fin de l’ère des taux d’intérêt bas aura des ramifications importantes pour les gouvernements, les entreprises et les particuliers. Les effets d’entraînement seront ressentis de manière plus aiguë par les parties les plus vulnérables de la société et les États déjà fragiles, contribuant à l’augmentation de la pauvreté, de la faim, des protestations violentes, de l’instabilité politique et même de l’effondrement des États. ... Les gouvernements continueront d’être confrontés à un dangereux exercice d’équilibre entre la protection d’une grande partie de leurs citoyens contre une crise prolongée du coût de la vie, sans que l’inflation ne s’installe, et la couverture des coûts de la dette et du service de la dette, alors que les revenus sont mis sous pression par un ralentissement économique, une transition de plus en plus urgente vers de nouveaux systèmes énergétiques et un environnement géopolitique moins stable.

Le rapport prévient que l’agitation sociale et l’instabilité politique ne se limiteront pas aux marchés émergents, car les pressions économiques touchent la tranche des revenus moyens:

La frustration croissante des citoyens face aux pertes de développement humain et au déclin de la mobilité sociale ainsi que le fossé grandissant en matière de valeurs et d’égalité posent des défis existentiels aux systèmes politiques du monde entier.

Le ralentissement mondial et le développement de la récession dans de nombreuses régions du monde vont accroître les tensions et les conflits géopolitiques:

La guerre économique devient la norme, avec des affrontements croissants entre les puissances mondiales et l’intervention des États sur les marchés au cours des deux prochaines années.

Les politiques économiques ne seront pas seulement utilisées de manière défensive, mais «de plus en plus de manière offensive pour limiter la montée en puissance des autres».

Le rapport souligne également l’augmentation des dépenses militaires en proportion du PIB par les États-Unis, ainsi que par d’autres pays, et note la décision du Japon de doubler ses dépenses militaires:

La généralisation des dépenses de défense, notamment en matière de recherche et de développement, pourrait aggraver l’insécurité et favoriser une course entre les puissances mondiales et régionales vers des armements plus avancés.

Cette évolution s’accompagnera de la montée en puissance des blocs qui lient les pays sur le plan de la sécurité, du commerce, de l’innovation et de l’investissement.

Le rapport n’en parle pas, mais cette évaluation fait voler en éclats les déclarations antérieures du Forum économique mondial selon lesquelles la mondialisation de la production et de la finance par le fonctionnement du «marché libre» conduirait à la paix et à la prospérité.

Cette analyse, avancée dans les années qui ont suivi la dissolution de l’URSS, ignorait le fait, souligné par le mouvement trotskiste, le Comité international de la Quatrième Internationale, qu’un tel développement pacifique organique était impossible parce que le monde est déchiré par la contradiction entre l’économie mondiale et le système d’État-nation dans lequel le capitalisme est enraciné.

Le rapport du WEF contient peu d’analyse de l’étendue de la pandémie, souscrivant apparemment à l’opinion, contraire aux preuves, que le COVID appartient au passé. Mais il souligne la crise des soins de santé et la menace de nouvelles pandémies, dans des conditions où les systèmes de soins de santé sont confrontés à «une pression financière croissante».

Il déclare:

Alors que l’épidémie de COVID-19 disparaît des gros titres, la complaisance semble s’installer dans la préparation aux futures pandémies et autres menaces sanitaires mondiales. Les systèmes de santé sont confrontés à l’épuisement des travailleurs et à des pénuries persistantes, à un moment où l’assainissement budgétaire risque de détourner l’attention et les ressources ailleurs. Au cours de la prochaine décennie, des épidémies de maladies infectieuses plus fréquentes et plus étendues, dans un contexte de maladies chroniques, risquent de pousser les systèmes de santé épuisés au bord de l’effondrement dans le monde entier.

Les problèmes de santé continueront également à s’aggraver en raison des effets du changement climatique et de la désintégration des écosystèmes, ce qui entraînera une augmentation de l’apparition de maladies zoonotiques, c’est-à-dire de maladies qui, comme le SRAS et le COVID, prennent naissance chez les animaux et se propagent ensuite à la population humaine.

Une mesure objective du progrès humain est l’augmentation de l’espérance de vie. Aujourd’hui, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, elle commence à diminuer. Selon le rapport: «Les gens vivent plus d’années en mauvaise santé, et nous pourrions bientôt être confrontés à une inversion plus soutenue des gains d’espérance de vie, au-delà de l’influence de la pandémie.»

En ce qui concerne le changement climatique, alors que la perspective de maintenir le réchauffement de la planète à moins de 1,5 degré Celsius s’éloigne, le rapport note que les questions climatiques et environnementales sont une source essentielle de risques pour la prochaine décennie, mais qu’elles sont en même temps «les risques auxquels nous sommes le moins préparés».

Il ajoute:

L’absence de progrès profonds et concertés en matière d’objectifs climatiques a mis en évidence la divergence entre ce qui est scientifiquement nécessaire pour atteindre le «zéro net» et ce qui est politiquement faisable.

La même remarque pourrait être faite sur la question de l’élimination du COVID, que le WEF choisit cependant d’éluder. Il ne s’approche même pas d’une explication de la politique d’infection massive menée par les gouvernements du monde entier, car cela signifierait toucher au «saint des saints»: les relations de propriété capitaliste, sur lesquelles l’économie mondiale est basée, et qui rendent impossible l’application de la science lorsqu’elle entre en conflit avec les intérêts du profit privé.

Pour résumer la situation, le rapport indique que les risques actuels et futurs

interagissent les uns avec les autres pour former une «crise multiple», c’est-à-dire un ensemble de risques mondiaux liés entre eux et dont les effets se cumulent, de sorte que l’impact global dépasse la somme de chaque partie.

Ou, comme l’explique la Perspective du Nouvel An du World Socialist Web Site, la crise du capitalisme a atteint une «masse critique». Cette perspective souligne un autre point décisif: les actions des gouvernements capitalistes sont de plus en plus irrationnelles et, au lieu d’atténuer la crise, elles l’intensifient.

La même remarque est faite d’une autre manière dans la conclusion du rapport du WEF:

Sans minimiser la nécessité d’une réponse efficace, la surpriorisation des défis actuels peut rapidement se transformer en une boucle infernale de chocs mondiaux continus, dans laquelle les ressources sont absorbées par la gestion de la crise, plutôt que d’être orientées vers la préparation aux risques futurs. Les défis complexes ne peuvent être résolus par des décisions à court terme, et pourtant, la réflexion à long terme ne suffit pas face aux crises actuelles.

Il vient à l’esprit l’image du garçon qui se précipite pour mettre son doigt dans la digue alors que toute la structure cède sous l’effet de l’inondation.

Ceux qui s’imaginent encore que les classes dirigeantes ont une solution progressiste à la crise qui s’aggrave devraient lire le paragraphe de conclusion.

Nous y trouvons ce qui suit:

Dans un contexte de risques complexes, il faut trouver un meilleur équilibre entre la préparation nationale et la coopération mondiale. Nous devons agir ensemble pour sortir des crises en cascade et nous préparer collectivement au prochain choc mondial, quelle que soit sa forme. Les dirigeants doivent faire face à la complexité et agir selon une vision équilibrée pour créer un avenir commun plus fort et plus prospère.

En d’autres termes, les élites dirigeantes, surtout les oligarques réunis à Davos avec une richesse collective de plusieurs milliers de milliards de dollars, dont les actions au cours des décennies ont conduit à une crise existentielle pour l’humanité, vont en quelque sorte faire une spectaculaire volte-face et nous sortir de la catastrophe.

En fait, ils n’ont aucune politique pour arrêter la catastrophe qui s’aggrave, et ils ne peuvent en développer aucune, car, en dernière analyse, elle ne prend pas racine dans leur psyché, mais dans les contradictions objectives du mode de production capitaliste, qu’ils défendent par-dessus tout.

Les classes dirigeantes capitalistes, et leurs représentants politiques, sont les principaux obstacles au progrès humain. Mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas de programme. Ils en ont un. Il consiste à faire porter tout le poids de la crise de leur système sur le dos de la classe ouvrière et des masses opprimées.

Ils sont condamnés par l’histoire, mais ils constituent toujours une force sociale vivante qui dispose de vastes ressources et de siècles d’expérience politique contre-révolutionnaire. La voie à suivre ne consiste pas à leur demander de changer de cap, mais à faire appel à la puissance d’une force sociale encore plus grande – la classe ouvrière internationale – qui leur retirera le pouvoir.

Mais pour que cette énorme force révolutionnaire passe de la potentialité à la réalité, la classe ouvrière doit être armée d’un programme clairement élaboré, fondé sur le programme historiquement développé et les leçons stratégiques extraites par le mouvement trotskiste mondial, représenté aujourd’hui uniquement par le Comité international de la Quatrième Internationale, au cours d’un siècle de lutte politique et théorique sans relâche.

La conclusion est simple. Comme le soulignait la Perspective du Nouvel An du WSWS, l’avenir de l’humanité dépend du triomphe du socialisme, et la réalisation de cet objectif nécessaire dépend de la construction du CIQI en tant que parti mondial de la révolution socialiste.

(Article paru en anglais le 19 janvier 2023)

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