Course vers le bas chez Ford en Europe: IG Metall propose une baisse de salaire de 18 pour cent pour les travailleurs allemands de l’automobile

Le 15 janvier, le journal espagnol Economia Digital a rapporté que le comité d’entreprise général de Ford Motors, dirigé par Benjamin Gruschka, a proposé de réduire les salaires en Allemagne afin d’être moins cher que l’usine Ford d’Almussafes à Valence, en Espagne. Selon le reportage, le syndicat allemand IG Metall a promis des réductions de salaire de 18 pour cent et des heures supplémentaires non rémunérées qui s’élèvent à 20 jours par an.

L’offre ne concerne pas seulement les 4.600 travailleurs de Saarlouis, en Allemagne, dont l’usine est menacée de fermeture, mais aussi toutes les usines allemandes de Ford, dont l’effectif total est d’environ 22.000 personnes. Les travailleurs de l’usine principale de Ford à Cologne et de son site de développement à Aix-la-Chapelle devraient également subir des réductions. Le comité général d’entreprise avait déjà annoncé en décembre 2021 que tout le monde devrait faire des «sacrifices», appelant à la démarche «Solidarité pour Saarlouis – un avenir pour tous». Le syndicat est toutefois resté silencieux sur l’étendue de son offre à l’entreprise.

Des travailleurs de Ford manifestent après l’annonce de la fermeture de l’usine de Saarlouis, le 22 juin 2022

Lorsque le groupe Ford a annoncé quelques mois plus tôt que ses deux usines de Sarrelouis et de Valence, en Espagne, allaient devoir se faire concurrence pour obtenir le contrat de production de véhicules électriques, les effectifs des deux usines se sont élevés contre cette politique de diviser pour mieux régner de la part de la direction. Défiant les travailleurs, les comités d’entreprise et les bureaucrates syndicaux d’Allemagne et d’Espagne se sont chargés d’organiser un processus d’appel d’offres.

En janvier 2022, les deux comités d’entreprise ont soumis leurs offres, et depuis lors, ils n’ont cessé de renchérir à la baisse. IG Metall et ses comités d’entreprise sont restés absolument fermes sur leur offre à la direction, soumise conjointement avec le gouvernement du Land de Sarre dirigé par la première ministre Anke Rehlinger (SPD).

Lorsque Ford a annoncé pour la première fois en juin dernier que le prochain modèle électrique du groupe allait être construit à Almussafes et que le site de Saarlouis allait être fermé, le président du comité d’entreprise de Saarlouis, Markus Thal, a exprimé sa surprise. Depuis lors, Thal s’est plaint de la décision de l’entreprise, arguant que l’offre d’IG Metall était prétendument meilleure pour l’entreprise, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, que celle d’Almussafes. À Almussafes, le comité d’entreprise dirigé par José Luís Parra, du syndicat Unión General de Trabajadores (UGT), a mené l’appel d’offres.

Les comités d’entreprise espagnols ont maintenant divulgué certaines informations sur l’offre faite en Allemagne. L’usine Ford d’Almussafes doit organiser des élections du comité d’entreprise. Pour s’y préparer, le syndicat social-démocrate UGT, majoritaire au sein du comité d’entreprise, a rassemblé 1.200 membres dans l’usine. Les conseillers d’entreprise UGT dirigés par Parra ont dû justifier les réductions qu’ils avaient acceptées lors de l’appel d’offres et qu’ils sont en train de mettre en œuvre.

Ces réductions comprennent le gel des salaires pour les quatre prochaines années, des augmentations salariales de seulement 1,6 pour cent à partir de 2026, ainsi qu’un allongement du temps de travail quotidien de 15 minutes et l’annulation de certains jours fériés. Cela représente un total de onze jours supplémentaires que chaque travailleur devra travailler chaque année.

Dans ce contexte, l’UGT a révélé l’offre de l’IGM, qui comprend encore plus de réductions. Selon l’offre allemande, les 22.000 travailleurs de Cologne, Aix-la-Chapelle et Saarlouis recevront 18 pour cent de salaire en moins et travailleront 20 jours de plus par an.

Les conditions exactes de l’offre restent floues; 15 pour cent de la réduction des salaires sont censés provenir de réductions des composantes salariales convenues par contrat. Actuellement, les employés de Ford sont payés selon le contrat d’État de Rhénanie-du-Nord–Westphalie pour l’industrie métallurgique et électrique. Les composantes salariales non contractuelles n’existent plus depuis longtemps.

Gruschka, Thal et IG Metall ont-ils proposé des réductions de ces niveaux de salaire? Ou bien ont-ils proposé de renoncer à des augmentations futures?

Les 3 pour cent restants de la réduction salariale de 18 pour cent devaient apparemment être ajoutés en réduisant le «salaire de transformation» (T-train) convenu pour la première fois en 2021, qui permettait aux travailleurs de choisir entre un meilleur salaire ou jusqu’à huit jours de congé supplémentaires.

En outre, la main-d’œuvre de Saarlouis devait sacrifier 20 jours de congé. À l’heure actuelle, les travailleurs peuvent économiser jusqu’à 14 à 15 quarts de travail gratuits par an sur la base de leur demi-heure de travail supplémentaire quotidienne actuelle. Ces 14 quarts de travail gratuits, plus six autres jours gratuits – vraisemblablement soustraits de l’accord sur le T-train – donneraient le total de 20 jours.

Cette attaque massive contre les salaires et les conditions de travail des travailleurs a apparemment été élaborée à huis clos par une petite cabale dirigée par Gruschka, Thal et des responsables régionaux de l’IGM.

Les travailleurs de Ford doivent exiger que l’offre scandaleuse faite par les comités d’entreprise et le syndicat soit pleinement divulguée. La réunion d’usine extraordinaire du 23 janvier à Cologne est une bonne occasion de le faire. Lors de la réunion d’usine de décembre dernier, on a informé les travailleurs de l’usine principale de Cologne qu’on allait supprimer leurs emplois aussi.

Dès le début, le comité d’action Ford, au sein duquel les travailleurs se sont unis contre la politique du comité d’entreprise et de l’IG Metall, a exigé que l’offre de l’IGM soit rendue publique, mais Thal et Gruschka ont rejeté cette demande avec véhémence.

Une fois de plus, on peut constater que le comité d’action de Ford avait tout à fait raison de rejeter l’ensemble du processus d’appel d’offres. Le comité a averti dès le début que le gagnant de l’appel d’offres était connu d’avance: l’entreprise et les dirigeants du comité d’entreprise. Les travailleurs de Sarrelouis, d’Almussafes et de tous les autres sites, par contre, ne pouvaient que perdre.

Aujourd’hui, la production à Sarrelouis doit cesser dans deux ans et demi au plus tard, et plusieurs milliers de travailleurs perdront leurs moyens de subsistance.

À Almussafes aussi, la main-d’œuvre fait face non seulement à des réductions de salaire et à du travail supplémentaire, mais aussi à des suppressions d’emplois, voire à la fermeture éventuelle de l’usine. Plusieurs modèles Ford sont en cours de retrait progressif: la Mondeo déjà l’année dernière, et le S-Max et le Galaxy en avril prochain, c’est-à-dire plus tôt que prévu. Il ne reste plus que la production du Ford Kuga et une partie de la production du Transit Connect.

Le début de la production du nouveau véhicule électrique, pour laquelle les salaires seront réduits et les horaires de travail assouplis, n’a pas encore été programmé et pourrait n’avoir lieu qu’en 2030, voire pas du tout. Dans l’usine espagnole, les travailleurs s’attendent à ce que plusieurs centaines d’entre eux perdent leur emploi cette année. Déjà 700 travailleurs sont au chômage partiel tous les jours.

En 1937, Léon Trotsky écrivait que le caractère d’un syndicat s’exprime «par sa relation avec la distribution du revenu national». Si les responsables syndicaux «défendent le revenu de la bourgeoisie contre les attaques des travailleurs; s’ils mènent une lutte contre les grèves; contre l’augmentation des salaires; contre l’aide aux chômeurs; alors il s’agirait d’une organisation de briseurs de grève et non d’un syndicat».

Aujourd’hui, IG Metall ne mène pas seulement une lutte contre les augmentations de salaire. Il préconise et met activement en œuvre des réductions de salaire et une main-d’œuvre bon marché dans une industrie où les travailleurs étaient autrefois parmi les mieux payés. C’est une organisation anti-travailleurs qui applique les attaques de l’entreprise contre la main-d’œuvre.

Les travailleurs de Saarlouis sont très inquiets. Les travailleurs demandent comment ils peuvent se débarrasser une fois pour toutes de ce comité d’entreprise corrompu et défendre leurs emplois. Le calme actuel – les congés de maladie atteignent jusqu’à 20 pour cent dans certains services et quelques centaines de travailleurs viennent encore aux réunions d’entreprise – annonce une nouvelle vague d’opposition ouverte. C’est le calme avant la tempête.

L’important maintenant est de se préparer à ce qui va arriver. Contactez le comité d’action Ford pour discuter d’une politique commune de lutte.

Contactez-nous et envoyez un message Whatsapp au numéro suivant: +491633378340

(Article paru en anglais le 19 janvier2023)

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