Avant la sortie de la vidéo bodycam le 27 janvier

Cinq policiers de Memphis accusés de meurtre au deuxième degré et d'enlèvement pour avoir tabassé à mort Tyre Nichols

Cinq anciens agents du département de police de Memphis ont été inculpés jeudi de meurtre au deuxième degré pour le passage à tabac brutal, le 7 janvier, et la mort trois jours plus tard de Tyre Nichols, un Afro-américain de 29 ans.

Steven Mulroy, procureur du comté de Shelby, Tennessee, a déclaré qu'un grand jury avait prononcé des actes d’accusation contre les cinq policiers : Demetrius Haley, Desmond Mills Jr., Emmitt Martin III, Justin Smith et Tadarrius Bean.

Les cinq ex-flics ont été arrêtés et incarcérés le 26 janvier dans la prison du comté de Shelby. Cependant, deux d’entre eux, Mills et Smith, ont déposé une caution de 250 000 $ et ont été libérés tard ce jour-là.

Cet ensemble d'images au moment de l’inculpation, fournies par le bureau du shérif du comté de Shelby, montre en haut à partir de la gauche, Tadarrius Bean, Demetrius Haley, Emmitt Martin III, en bas à partir de la gauche, Desmond Mills, Jr. et Justin Smith. [AP Photo/Shelby County Sheriff's Office via AP]

Les anciens policiers, qui ont été licenciés le 20 janvier par le service de police, ont été inculpés de meurtre au deuxième degré, de voies de fait graves – agissant de concert, de deux chefs d'enlèvement aggravé, de deux chefs d'inconduite officielle et d'un chef d'oppression officielle.

Les inculpations et l'arrestation des cinq hommes, tous afro-américains, ont été annoncées par Mulroy lors d'une conférence de presse jeudi après-midi: « Bien que chacun des cinq individus ait joué un rôle différent dans l'incident en question, les actions de chacun d'eux ont entraîné la mort de Tyre Nichols, et ils en sont tous responsables. »

Mulroy a également déclaré que deux techniciens médicaux d'urgence du service d'incendie de Memphis avaient été relevés de leurs fonctions en attendant une enquête. Les médias ont rapporté jeudi que d'autres policiers faisaient également l'objet d'une enquête pour leur rôle dans le passage à tabac brutal de Nichols, qui a été enregistré sur une vidéo de caméra corporelle.

Tyre Nichols à l'hôpital après son arrestation. [Photo: Family of Tyre Nichols]

Indiquant le niveau de préoccupation des États et du gouvernement fédéral concernant les retombées sociales et politiques du meurtre de Nichols par la police, le directeur du Tennessee Bureau of Investigation (TBI), David Rausch, a également pris la parole lors de la conférence de presse. Rausch a feint l'indignation, disant qu'il était « absolument consterné » et « écœuré par ce [qu’il avait] vu » sur la vidéo. Le directeur du TBI a affirmé que l'agence recherchait «la vérité et la justice», ajoutant que «cela n'aurait pas dû arriver».

Le procureur américain Kevin Ritz a annoncé une enquête fédérale de droits civils dans la mort de Nichols, et le président Biden a publié une déclaration pour la forme, disant: «[N]ous devons faire plus pour garantir que notre système de justice pénale soit à la hauteur d'une justice équitable et impartiale, de traitement égal et de dignité pour tous.

Le procureur de district a indiqué que la vidéo de la caméra corporelle montrant le passage à tabac serait rendue publique vendredi après 18h00 (CST). La famille de Nichols a regardé la vidéo lundi (article en anglais) et a confirmé que le jeune homme avait été aspergé de gaz poivré, assommé à l’aide d’un taser et retenu avec des menottes pendant que les policiers le brutalisaient. Le passage à tabac a eu lieu à moins de 100 mètres de la maison de sa mère.

Tyre Nichols avait travaillé le deuxième quart dans une installation FedEx à Memphis pendant neuf mois avant sa mort. Les membres de la famille ont déclaré que Tyre revenait chez sa mère tous les soirs vers 19h00 pour sa pause repas.

Le jeune homme avait un fils de quatre ans. C'était un passionné de photographie et un skateur, une passion qu'il entretenait depuis l'âge de six ans. Sa mère, RowVaughn Wells, a déclaré que son fils avait son nom tatoué sur le bras. « Cela m'a rendu fière », a-t-elle déclaré. «La plupart des enfants ne mettent pas le nom de leur mère. Mon fils était une très belle âme. »

Selon les avocats de la famille, Nichols a dit aux policiers lors du passage à tabac du 7 janvier qu'il voulait juste rentrer chez lui. Dans ce que l'on pense être ses derniers mots, il a crié pour appeler sa mère.

Nichols est décédé le 10 janvier d'une hémorragie causée par un traumatisme d’un objet contondant, après avoir été interpellé pour une infraction présumée de conduite imprudente dans le quartier de Hickory Hill à Memphis. Les autorités affirment qu'après une première altercation, le jeune homme s'est enfui à pied et a ensuite été rattrapé, arrêté et, selon les termes de l'avocat de la famille, Antonio Romanucci, battu comme une « piñata humaine » par les policiers.

Romanucci a également déclaré lundi dernier, après avoir regardé la vidéo, « Il était sans défense tout le temps.[ ...] C'était un passage à tabac absolu et sans vergogne de ce jeune garçon pendant trois minutes.

La famille avait demandé que des accusations de meurtre au premier degré soient portées contre les cinq policiers.

Romanucci, s'adressant à la chaîne CNN jeudi soir, a fait remarquer que les accusations de meurtre au deuxième degré, et en particulier les accusations d'enlèvement, contre des policiers étaient très inhabituelles.

Il a également déclaré à CNN que des unités de police, telles que celle à laquelle appartenaient les cinq ex-agents, utilisaient fréquemment de fausses allégations d'infractions au code de la route pour interpeller, battre et arrêter des gens.

Les cinq inculpés étaient membres de l'unité SCORPION (Brigade de sureté urbaine) du département de police de Memphis. Celle-ci avait été créée en grande pompe en octobre 2021 dans le cadre de l'Unité de crime organisé du département. L'unité SCORPION est composée de quatre équipes de 10 policiers chacune et chargée de la « répression du crime ».

Elle avait été saluée par le maire de Memphis, James Strickland, comme exemple de la stratégie anti-crime réussie de la ville. L’unité y intervient souvent contre la violence armée en commençant par une interpellation routière qui dégénère en confrontation sérieuse, se terminant par des arrestations pour possession de drogue et d’arme à feu.

Un policier à la retraite de Memphis, Mark LeSure, a déclaré à NBC News que d'anciens collègues encore au département lui avaient dit que l'unité SCORPION était connue pour avoir une politique de « tolérance zéro », ce qui signifie que les agents « font tout leur possible pour arrêter les gens ».

WREG News 3, la filiale de Memphis de CBS, a interviewé Cornell McKinney, qui a déclaré avoir été sorti de sa voiture dans une station-service et eu une arme braquée à la tête par le même groupe d'officiers qui avait tué Nichols. McKinney a rapporté que l'unité SCORPION s'était arrêtée derrière lui dans un véhicule banalisé.

Un activiste social de la communauté de Memphis, Keedran Franklin, a déclaré à NBC News que SCORPION était comme d'autres unités de police spécialisées qui attisaient la peur dans la communauté. « La façon dont ils se déplacent dans des voitures banalisées, ressemblant à des gars ordinaires, friands du rap, portant des sweats à capuche, ils ont vraiment l'air d'être dans le rôle, comme s'ils faisaient partie de la communauté, mais ce sont des policiers », a-t-il expliqué.

Il a ajouté que ce n'était qu'après que les agents sont sortis de leur voiture que les gens voyaient « SCORPION » au dos de leur gilet. « Ils sont leur propre petit gang interne », a déclaré Franklin. « Quand ils les lâchent sur les quartiers, vous imaginez l’impact sur les citoyens ordinaires? »

Avant la diffusion de la vidéo policière le 27 janvier, les autorités de la ville de Memphis, ainsi que d'autres institutions gouvernementales dans tous les États-Unis, se préparaient à une éruption de protestations et d'indignation face à cet autre meurtre policier brutal.

Comme avec le mouvement de protestation qui a fait suite au meurtre de George Floyd par le policier de Minneapolis Derek Chauvin, en mai 2020, la colère contre la violence policière fait partie de l'opposition croissante des jeunes et des travailleurs à l’attaque des emplois, du niveau de vie et des conditions de travail, alimentée par la pandémie de COVID-19 et la guerre et causant des inégalités sociales toujours plus grandes.

(Article paru en anglais le 27 janvier 2023)

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