Le secrétaire américain à la Défense en Corée du Sud pour poursuivre les préparatifs de guerre contre la Chine

En début de semaine, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s’est rendu en Corée du Sud pour s’entretenir avec le président Yoon Suk yeol et le ministre de la Défense Lee Jong seop. Ce voyage s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par Washington pour consolider les alliances dans la région en prévision d’une guerre contre la Chine déclenchée par les États-Unis.

Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin (à gauche), et le ministre sud-coréen de la Défense, Lee Jong-sup, lors d’une conférence de presse conjointe après leur rencontre au ministère de la Défense à Séoul, en Corée du Sud, le mardi 31 janvier 2023. [AP Photo/Jeon Heon-kyun/Pool Photo via AP]

Arrivé lundi, Austin a d’abord rencontré Lee, puis Yoon mardi. Il a clairement indiqué que l’alliance de Washington avec la Corée du Sud restait «inébranlable», et que les États-Unis allaient également renforcer leur présence militaire dans la région en coordination avec Séoul. Il a souligné une fois de plus que toute la gamme des capacités de destruction de Washington pouvait être déployée dans la région, dans une menace à peine voilée adressée à la Chine et à la Corée du Nord.

Lors d’une conférence de presse conjointe avec Lee, Austin a déclaré: «Les États-Unis restent fermes dans leur engagement de dissuasion étendue. Cela inclut toute la gamme des capacités de défense américaines. Cela comprend nos capacités conventionnelles, nucléaires et de défense antimissile. Aujourd’hui, nous avons 28.500 militaires en uniforme en Corée du Sud qui travaillent fièrement chaque jour avec leurs homologues sud-coréens. C’est l’un des plus grands déploiements de troupes américaines dans le monde».

La visite d’Austin à Séoul n’a rien à voir avec la défense. Il s’agit de s’assurer que le gouvernement Yoon collabore étroitement avec les États-Unis dans la poursuite des objectifs stratégiques de ces derniers en Asie du Nord-Est, avant tout contre la Chine. Cela signifie une plus grande collaboration entre les armées des deux pays, y compris pour le déploiement des moyens stratégiques et nucléaires dans la péninsule coréenne en cas de guerre.

Faisant référence aux mesures prises récemment par les États-Unis, Austin a déclaré: «Nous avons déployé des avions de cinquième génération, des F-22, des F-35, et nous avons également déployé un groupe aéronaval pour visiter la péninsule». Il a poursuivi en disant: «On peut s’attendre à plus d’activités de ce type à l’avenir. En outre, on peut s’attendre à une consultation plus approfondie entre nos deux pays».

Cette déclaration intervient après que le président Yoon a fait des remarques le mois dernier sur la planification et la coordination conjointes avec Washington sur l’utilisation des armes nucléaires américaines dans une interview accordée au journal Chosun Ilbo. Yoon est allé plus loin dans une déclaration publiée le 12 janvier, prétendument sur la menace nord-coréenne, en disant: «Si la question devient plus sérieuse, nous pourrions acquérir nos propres armes nucléaires, par exemple en déployant des armes nucléaires tactiques ici en Corée du Sud».

C’est la première fois qu’un président sud-coréen fait publiquement une telle déclaration, bien que Séoul ait déjà eu un programme d’armement nucléaire. Sous le régime de Park Chung-hee, dans les années 1970, Séoul a travaillé en secret au développement d’armes nucléaires et de missiles balistiques capables de transporter une charge nucléaire. Séoul n’a renoncé à ces programmes que sous la pression de Washington.

Yoon est revenu sur ses propos dans une interview accordée au Wall Street Journal et publiée le 19 janvier. Il a déclaré: «Nous nous préparons à renforcer la planification et l’exécution conjointes des moyens nucléaires américains dans la péninsule coréenne».

Pour Washington, tout ceci offre l’opportunité d’approfondir sa planification nucléaire en vue d’une guerre avec la Chine tout en intégrant Séoul plus étroitement dans ces plans. Les États-Unis ont l’intention d’attirer la Corée du Sud et le Japon dans une alliance trilatérale plus étroite qui comprend un plus grand partage et une coordination accrue des renseignements, afin de complémenter leurs autres alliances dans la région, notamment le dialogue quadrilatéral sur la sécurité (Quad) qui comprend les États-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde, et le pacte AUKUS composé de l’Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis.

En même temps, Yoon adopte une posture de plus en plus agressive face à la Corée du Nord. Il a menacé de suspendre un accord conclu en 2018 avec Pyongyang, qui vise à réduire les accrochages le long de la frontière. L’accord interdit les hostilités dans la zone frontalière, ce qui inclut les postes de garde, les haut-parleurs de propagande et les exercices de tir réel. Moon Jang-ryeol, un conseiller du gouvernement précédent de Moon Jae-in, a déclaré que sous Yoon, «nous sommes maintenant au bord d’un conflit militaire avec la Corée du Nord».

En parlant en privé avec Yoon et Lee, Austin a sans doute élaboré un plan pour intégrer davantage Séoul dans la planification de la guerre nucléaire de Washington. Interrogé directement par un journaliste mardi sur l’obtention par la Corée du Sud de ses propres armes nucléaires, Austin a répété que les deux parties continueraient à travailler ensemble pour renforcer la «dissuasion étendue» des États-Unis. Toutefois, celle-ci comprend déjà des exercices de simulation américains et sud-coréens ce mois-ci afin de coordonner la planification des alliés, qui comprendrait des scénarios nucléaires.

Dans un article publié mardi par l’agence de presse sud-coréenne Yonhap et intitulé «L’Alliance est prête», Austin a déclaré que les deux parties «élargissent la portée et l’ampleur de nos exercices combinés». Il a ajouté que les deux parties prévoient «des visites de sites stratégiques américains [c’est-à-dire nucléaires] qui abritent nos capacités les plus avancées afin de démontrer le rôle que ces capacités peuvent jouer en cas de crise ou de conflit». Austin a décrit l’alliance entre les États-Unis et la Corée du Sud comme étant la plus «interopérable et adaptable de l’histoire».

De manière significative, la Corée du Sud s’efforce également d’élargir ses alliances, non seulement avec les États-Unis et le Japon, mais aussi avec l’Europe. Le 27 janvier, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a accordé une interview à Yonhap, peu avant son arrivée en Corée du Sud pour une visite de deux jours dimanche dernier. Il a déclaré: «Le message le plus important est que je crois fermement que nous devons renforcer le partenariat entre la Corée du Sud et l’OTAN, car la sécurité est de plus en plus interconnectée. Ce qui se passe en Asie, dans la région de l’Indo-Pacifique, est important pour l’Europe et l’OTAN, et vice versa».

Pour justifier l’expansion de l’OTAN en Asie, Stoltenberg a ensuite condamné la Chine, affirmant que «la Chine exerce également des pressions et des intimidations sur certains pays, par exemple dans la région de la mer de Chine méridionale, qui est importante pour le commerce mondial et la liberté de navigation». Il ne fait que répéter la propagande de Washington utilisée pour justifier les provocations militaires des États-Unis en mer de Chine méridionale et leur renforcement militaire dans toute la région.

Soutenant cette volonté de guerre, Séoul se rapproche de l’alliance, en établissant une mission diplomatique auprès de l’OTAN à Bruxelles en novembre dernier. Yoon est devenu le premier président sud-coréen à assister à un sommet de l’OTAN en juin dernier.

En définitive, ni Washington ni aucun de ses partenaires ne se préoccupent de la paix dans la région de l’Indo-Pacifique. La consolidation américaine de ces traités et alliances vise avant tout à planifier une guerre contre la Chine, alors même que les États-Unis intensifient rapidement leur guerre contre la Russie en Ukraine.

(Article paru en anglais le 3 février 2023)

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