En Grande-Bretagne, des grévistes s’expriment aux rassemblements sur le droit de grève: «C’est la seule chose qu’on ait, le droit de vote et le droit de grève».

Les journalistes du WSWS se sont entretenus le 1er février avec des travailleurs en grève et des manifestants aux rassemblements tenus dans de nombreuses villes sur le thème «Protéger le droit de grève» par la confédération syndicale TUC. Des milliers de gens y ont participé durant une grève nationale qui a mobilisé un demi million de travailleurs.

Leeds

Zarah est professeure d’anglais. Elle a déclaré: «Le salaire n’est pas le principal problème pour moi. Dans toutes les écoles où j’ai travaillé, on constate une normalisation complète des charges de travail, qui sont beaucoup trop élevées, avec des enseignants qui travaillent cinquante ou soixante heures par semaine. Le niveau de stress est incroyablement élevé. Beaucoup de gens ont des problèmes de santé mentale».

Zarah (à droite)

«Personnellement, je veux m’orienter vers la politique éducative. À long terme, d’énormes réformes doivent être mises en place dans l’éducation. Pour l’instant, je pense que la rémunération est un moyen de rectifier la situation. En Grande-Bretagne, nous avons plus d’enseignants qualifiés à l’extérieur des écoles qu’à l’intérieur».

Lisa est une femme de ménage chez DHL, au salaire minimum et qui a du mal à élever sa famille.

Lisa à la manifestation de Leeds

«Tout le monde doit s’unir contre le gouvernement et ce qu’il essaie de faire pour nous empêcher de manifester et contre le droit de grève. Je suis en faveur d’une grève générale. Ils rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres et nous enlèvent l’argent de la bouche. Nous vivons au jour le jour et les prix augmentent, mais les salaires ne bougent pas. Ma situation est pire qu’il y a quinze ans. Combien d’heures est-on censé travailler»?

Jennifer répond: «Je fais actuellement des remplacements. Mais j’ai une formation de professeur de mathématiques et je suis donc un exemple de la personne sur cinq qui quitte la profession à cause de la pression. J’en suis arrivée au point où je ne pouvais plus supporter d’aller en classe, voire même de me lever le matin, car on me demandait trop de choses».

Jennifer

«Les grèves montrent que le gouvernement a complètement sous-financé et détruit les fondements du service public. Cela frappe la classe ouvrière vraiment dur. Ce sont les banquiers qui nous ont mis en récession. Maintenant, ils récupèrent leurs bonus, et notre qualité de vie baisse parce qu’ils ne veulent pas nous payer ce que nous méritons».

Sheffield

À la manifestation et au rassemblement de Sheffield à Devonshire Green, Gwilym, enseignant suppléant à Staveley, Chesterfield, a déclaré: «Je suis pour une grève générale contre ce gouvernement. Le projet de loi sur les grèves est un exercice dangereux de pouvoir dictatorial. Ce pays a déjà les lois anti-grève les plus agressives des pays du G7».

Gwilym

«J’ai peu de confiance dans le TUC ou le Parti travailliste. Vous ne pouvez pas avoir un “mouvement ouvrier” sans représentation politique. La réponse à ce que les travailleurs doivent affronter au XXIe  siècle sous le capitalisme n’est pas le retour au corporatisme des années  1970. Il ne s’agit pas de collaborer avec le gouvernement ou de faire pression sur lui. Ils ont répondu à la pression en essayant de nous retirer le droit de grève».

«Nous avons besoin de revendications politiques pour nous opposer à toute capitulation, au lieu de simplement séparer les luttes économiques. Cela inclurait la démocratie sur le lieu de travail et le contrôle de l’économie contre les intérêts des profiteurs, des riches et des trusts. Nous devrions nous allier aux travailleurs à l’étranger qui sont confrontés aux mêmes problèmes».

Gemma, une enseignante de l’école High Storrs, a déclaré: «Pour moi, cette grève concerne l’avenir de l’enseignement. Il y a une crise de recrutement et de rétention et les enfants sont laissés pour compte».

Gemma

«J’ai quitté le NASUWT pour rejoindre le NEU afin de pouvoir faire grève. Le gouvernement essaie de nous enlever notre droit démocratique de faire grève, qui est le seul moyen de nous faire entendre».

«Ma phrase préférée [du film] V pour Vendetta est 'Les gens ne devraient pas avoir peur de leur gouvernement. Le gouvernement devrait avoir peur de son peuple'. Quand vous avez peur de votre gouvernement, c’est le moment d’agir».

«Le gouvernement dit qu’il ne peut pas trouver plus d’argent pour l’éducation, mais on a dépensé des milliards pour des EPI défectueux. C’est OK quand ça va dans les poches de leurs sponsors et bailleurs de fonds, mais pas quand c’est pour l’éducation future des enfants».

Robert, un professeur d’art et design, a déclaré: «Je travaille dans l’éducation depuis 20  ans et j’ai vu les changements depuis les années Blair jusqu’à l’‘Ère de l’austérité’. Les conditions deviennent de plus en plus difficiles chaque année».

«La dernière fois que nous avons eu une augmentation de salaire remonte à bien longtemps. Je ne considère pas qu’une offre salariale de 1 ou 2  pour cent soit une véritable hausse de salaire, vu l’inflation, c’est une réduction du salaire réel».

«Les écoles ont du mal à embaucher du personnel car il y a moins d’enseignants nouvellement qualifiés dans le système, en particulier dans des matières comme les mathématiques et les sciences. Il y a trop de personnel qui doit enseigner ces matières sans avoir reçu de formation appropriée».

«Le manque d’argent dans le système scolaire fait fuir les gens. Il y a de meilleurs salaires et de meilleures carrières dans le privé».

«La nouvelle législation anti-grève est dégoûtante et typique de ce gouvernement. Ils sont tellement déconnectés de la population».

Helen, travailleuse sociale pour les adultes ayant des difficultés d’apprentissage, nous a dit: «c’est le moment que nous fassions quelque chose pour contrer les attaques visant les travailleurs. On a besoin que le plus grand nombre de personnes possible défile et s’élève contre ces problèmes».

«Les gens ont peur des conséquences des coupes dans le NHS. On doit faire quelque chose à ce sujet. Je suis anti-conservateur et je m’oppose aux mesures d’austérité. Nous avons connu douze ans de méconduite gouvernementale qui nous ont conduits à cette situation de grèves massives. J’espère que l’heure du changement a sonné».

«Je travaille dans le domaine des soins sociaux depuis 1996. J’ai vu l’effet des coupes dans le financement des collectivités et l’impact sur la prestation des soins par le manque d’équipes de soins disponibles. J’ai vu la fermeture des services de jour et le démantèlement des unités de soins. Nous ne faisons que de l’intervention de crise et l’impact massif que cela a sur les personnes vulnérables est effrayant».

«Les nouvelles lois anti-grève ne feront qu’aggraver la situation. Ils prétendent que c’est pour la sécurité mais nous savons que ce n’est pas le vrai problème. Il s’agit d’empêcher les grèves et les piquets de grève. Ils visent d’abord les syndicats forts comme les soignants, les chemins de fer et les pompiers, mais ces lois, ils vont les étendre».

«Le Parti travailliste n’est pas une véritable opposition au Parti conservateur et Starmer n’a pas soutenu les grévistes».

Manchester

À Manchester, des milliers de manifestants se sont rassemblés à St. Peter’s Square. Rebecca, enseignante dans une école primaire, a expliqué: «Si nous avons des enfants qui ont des besoins spéciaux qui pourraient avoir besoin d’un soutien individuel, il n’y a pas de financement. Nous avons fait un piquet de grève ce matin devant notre école. On a distribué des brochures traduites dans différentes langues pour expliquer les problèmes».

Rebecca

Daisy, une enseignante d’école primaire nous a dit: «Le Parti conservateur jette tout le monde sous le bus, détruisant toute sorte de possibilité pour que nous puissions travailler correctement, et faire notre travail. Ils sont tous pour eux-mêmes, ils prennent soin des leurs».

Daisy

Josceline, une enseignante de réception [première année] dans une école primaire, a déclaré: «Nous attendons que le syndicat appelle tout le monde. Tout le monde devrait faire grève».

Josceline et Jan (deuxième et troisième à gauche)

Jan, également enseignant du primaire: «La raison pour laquelle la grève provoque des perturbations est que c’est une profession si importante. On nous traite parfois comme des baby-sitters. Mais si, nous étions payés comme des baby-sitters, nous gagnerions probablement plus d’argent, car la garde d’enfants est incroyablement chère»!

Leicester

Alors que les grévistes se rassemblaient à Jubilee Square, un enseignant a expliqué: «J’ai juste l’impression que les enseignants ne sont plus soutenus ni valorisés. La pandémie a montré qu’il s’agissait juste de les “ fourrer à l’école”, et nous sommes devenus des assistantes maternelles et des travailleurs sociaux. Pourtant, notre charge de travail s’est accrue, de sorte que tous ceux que je connais travaillent la nuit et le week-end. Ce n’est pas seulement une question de salaire, mais je me demande: “Pourquoi est-ce que je me débats?”. J’enseigne depuis 27  ans et j’ai vu le déclin du moral dans les écoles».

Prashan Raja est membre du PCS et travaille au Land Registry, elle nous a dit: «Sous le gouvernement conservateur, on a eu des réductions importantes. Avec l’augmentation du coût de la vie, nos salaires sont loin d’être à la hauteur. Il y aura eu une bonne participation aujourd’hui, beaucoup de syndicats différents aussi. Donc, je pense que nous devrions faire front uni avec tous les autres syndicats».

Bristol

Lors du rassemblement de Bristol, Pete, enseignant, a déclaré: «Il y a une incroyable complaisance à l’égard du fait que tout le système éducatif est construit sur la bonne volonté des enseignants. Ils font des efforts supplémentaires, travaillent le soir, le week-end, etc.».

«Les enseignants font tout cela parce qu’ils se soucient des enfants, mais on a l’impression que cela va de soi. On vous considère comme une masse à presser plutôt que comme un professionnel éduqué et attentionné».

Une enseignante ajoute: «Nous n’avons pas eu d’augmentation de salaire depuis 12  ans. On nous a donné 0,1  pour cent sur le budget des écoles, ce n’est pas un pourcentage qu’on voulait pour qu’il soit pris aux enfants».

«Regardez qui est en grève, tout le pays est en grève. Le gouvernement s’en fiche. Ils sont suffisamment riches pour ne pas savoir à quoi ressemble la vie des gens normaux. Donc, nous avons besoin d’un nouveau gouvernement. Nous avons les pompiers ici, nous avons [le syndicat] Unite ici, tous les enseignants, d’autres grèves, les médecins en formation, les cheminots, les soignants, tout le pays est à l’arrêt. Une nation industrielle où l’économie se contracte alors que tout le monde a de la croissance. Mais le gouvernement se porte bien et il est totalement corrompu. Je pense qu’on va vers une grève générale. Il va falloir attendre et voir ce qui se passe».

Raquel, une assistante d’enseignement, explique: «Il n’y a pas que l’argent. Nous avons besoin de plus de personnel, de plus de ressources. Parfois, vous finissez par prendre l’argent de votre propre poche. La situation s’aggrave sans cesse et je pense que c’est un problème mondial. Mais spécifiquement au Royaume-Uni, nous avons tellement de droits pour lesquels nous nous sommes battus et maintenant ils nous les enlèvent. Ces lois anti-grève sont vraiment horribles. C’est la seule chose que nous avons obtenue, le droit de vote et le droit de grève. Que vont-ils nous enlever d’autre»?

Raquel

«Je viens d’Espagne, où l’on peut faire une grève générale à laquelle tout le monde participe. Par exemple, le système de santé n’est pas seulement pour les travailleurs de la santé, il est pour tout le monde. Nous devons donc le protéger. Partout, les systèmes de santé sont en train d’être privatisés. On n’est pas des clients, on est des patients».

Un fonctionnaire en grève déclare: «Tout ce qui est inférieur à l’inflation n’est pas une augmentation de salaire, c’est une réduction de salaire. J’ai des collègues qui seront en dessous du salaire minimum lorsque celui-ci augmentera en raison des contrats qu’ils ont signés. Je ne pense pas que ce soit juste».

(Article paru d’abord en anglais le 3 février 2023)

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