La sous-secrétaire d’État américaine aux Affaires politiques, Victoria Nuland, a visité le Népal, l’Inde et le Sri Lanka entre le 28 janvier et le 1er février, avant de se rendre au Qatar. Son voyage a coïncidé avec le récent voyage du secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, en Corée du Sud pour des réunions de haut niveau avec le président Yoon Suk-yeol et le ministre de la Défense Lee Jong-seop.
Nuland, qui a servi sous les présidents américains Barack Obama et George W. Bush, est tristement célèbre pour sa poursuite agressive des intérêts géopolitiques de Washington. Elle a joué un rôle clé dans le coup d'État de 2014, dirigé par des fascistes, qui a renversé le gouvernement ukrainien pro-russe du président Viktor Yanukovich.
En 2013, Nuland s’est vantée que Washington avait «investi plus de 5 milliards de dollars» dans l’opposition ukrainienne. En 2014, on l’a entendue, dans un appel téléphonique enregistré avec l’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt, sélectionner le chef d’un gouvernement post-coup d’État et discuter de la collaboration américaine avec des forces néofascistes comme le parti Svoboda.
Nuland a passé les 29 et 30 janvier au Népal, où elle a rencontré le Premier ministre Pushpa Kamal Dahal et plusieurs autres responsables. Elle était le dignitaire étranger le plus haut placé à se rendre dans le pays depuis l’élection de Dahal au poste de Premier ministre le 25 décembre.
À Katmandou, elle a dénoncé sans les nommer les «autocrates» qui «tentent de changer les règles mondiales par la force» – une référence provocante à Pékin et à Moscou.
Washington a présenté faussement et maintes fois son agression politique et militaire de la Russie et de la Chine comme des missions de défense de la «démocratie».
Soulignant les efforts américains pour enrôler le Népal dans l’offensive militaro-stratégique contre la Chine, Nuland a déclaré: «Il est extrêmement important pour les États-Unis d’avoir des partenaires comme le Népal». Pris en sandwich entre la Chine et l’Inde, le Népal est attrapé dans le conflit stratégique qui s’intensifie entre les États-Unis et l’Inde d’une part, et la Chine de l’autre.
Le Népal fait l’objet d’une attention accrue de la part de Washington depuis que Dahal, chef du Parti communiste du Népal (Centre maoïste), est devenu Premier ministre avec le soutien de K. P. Sharma Oli, chef du Parti communiste népalais unifié marxiste-léniniste, prochinois. On s’attendait à ce que Dahal devienne Premier ministre avec le soutien de Sher Bahadur Deuba, chef du Congrès népalais pro-indien. Les États-Unis et l’Inde craignent que le gouvernement Dahal ne soit étroitement aligné sur Pékin.
Le 5 février, quelques jours après la visite de Nuland, la responsable de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) Samantha Power, est arrivée à Katmandou. Le Népal doit recevoir 500 millions de dollars dans le cadre du projet américain Millennium Challenge Corporation. Washington a également accepté de fournir 659 millions de dollars d’aide économique supplémentaire par le biais de l’USAID au cours des cinq prochaines années. Une aide visant clairement à saper l’influence de la Chine, qui reste le premier investisseur étranger du Népal.
Le 31 janvier, Nuland s’est rendue en Inde où elle a rencontré le ministre des Affaires étrangères, S. Jaishankar, puis celui des Affaires étrangères, Vinay Kwatra. Selon les médias, Nuland et Jaishankar ont discuté du sous-continent indien, de l’Indo-Pacifique et des «nombreux points de convergence» dans les relations entre l’Inde et les États-Unis.
Il s’agissait de la deuxième rencontre de Nuland avec Jaishankar ces deux derniers mois. Lors de leur précédente rencontre, le 15 décembre au siège de l’ONU, Jaishankar et Nuland avaient discuté de leurs efforts pour soutenir «la sécurité en Asie-Pacifique et dans le monde».
Le Premier ministre indien Narendra Modi et le président américain Joe Biden se rencontreront trois fois cette année – aux sommets du G7, du Quad et du G20 – et le secrétaire d’État américain Anthony Blinken se rendra en Inde le mois prochain.
L’Inde est le principal partenaire militaro-stratégique de Washington en Asie du Sud. Sous la direction de Modi, elle est devenue un État de première ligne dans la campagne de guerre des États-Unis visant la Chine. New Delhi a conclu des alliances bilatérales, trilatérales et quadrilatérales avec les États-Unis, le Japon et l’Australie. New Delhi et Washington collaborent étroitement pour enrôler le Népal, le Sri Lanka, le Bangladesh et les Maldives dans cette offensive militaro-stratégique anti-Chine.
Alors que Nuland était en visite à New Delhi, le conseiller indien à la Sécurité nationale Ajit Doval rencontrait son homologue américain Jake Sullivan et d’autres hauts responsables à Washington pour inaugurer le dialogue sur l’initiative des technologies critiques et émergentes (ICET) entre les deux pays.
Dans une interview exclusive accordée à Mint, l’ex-envoyé indien aux États-Unis Arun Singh, a déclaré que l’ICET fournirait des mécanismes permettant aux deux pays «d’explorer et d’approfondir la collaboration dans plusieurs technologies critiques et émergentes, notamment l’intelligence artificielle, la quantique, la 6G, l’espace, les semi-conducteurs et la biotechnologie». Singh a déclaré que la «montée en puissance de la Chine» était un facteur dans cette collaboration.
Nuland s’est rendue au Sri Lanka le 1er février où elle a rencontré le président Ranil Wickremesinghe. Elle a déclaré que Washington soutenait les efforts du gouvernement de Colombo «pour stabiliser l’économie, protéger les droits de l’homme et promouvoir la réconciliation» et que les deux pays étaient unis pour «un avenir inclusif, prospère et sûr pour tous les Sri Lankais.»
L’appel de Nuland à un avenir prospère «pour tous les Sri Lankais» est totalement hypocrite. La crise économique et politique extrême à laquelle le pays est confronté, aggravée par le COVID-19, a été encore plus dramatiquement intensifiée par la guerre des USA e de l’OTAN contre la Russie en Ukraine.
Contrairement aux prétentions bidon de Nuland, le gouvernement Wickremesinghe, qui travaille en tandem avec les États-Unis et le Fonds monétaire international, impose brutalement tout le poids de cette crise à des millions de travailleurs déjà pauvres, aux travailleurs ruraux et à leurs familles.
Nuland a également profité de son voyage au Sri Lanka pour attaquer Pékin. «Nous attendons de la Chine qu’elle fournisse des assurances crédibles et spécifiques concernant sa volonté de se joindre au reste d’entre nous pour respecter les normes du FMI en matière de restructuration de la dette », a-t-elle déclaré, « nous voyons les autres créanciers du Sri Lanka donner ces assurances, et maintenant tous les regards sont tournés vers la Chine pour qu’elle fasse de même».
Le commentaire de Nuland est une référence aux négociations du Sri Lanka avec ses créanciers sur la restructuration des remboursements des prêts en souffrance de Colombo, comme l'exige le FMI.
Répondant immédiatement aux remarques provocatrices de Nuland, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a déclaré: «Ce qui a été dit par la partie américaine ne reflète pas la vérité. La Banque d’exportation et d’importation de Chine a déjà fourni au Sri Lanka la lettre qui exprime son soutien à la viabilité de sa dette. Le Sri Lanka a répondu positivement et en a remercié la Chine».
Mao a appelé les États-Unis à «faire preuve d’un peu de sincérité et à faire activement quelque chose pour aider le Sri Lanka à surmonter les difficultés actuelles… Plutôt que de montrer du doigt l’étroite coopération de la Chine avec le Sri Lanka.»
Le voyage de Nuland au Sri Lanka – le deuxième en l’espace d’un an – témoigne de l’importance que Washington accorde à cette nation stratégiquement située de l’océan Indien et à l’intensification de ses préparatifs de guerre visant la Chine.
(Article paru d’abord en anglais le 10 février 2023)