Le ministère ukrainien de l'Intérieur forme des « troupes d’assaut» d'extrême droite

Le ministère ukrainien de l'Intérieur a annoncé son intention de former des brigades d'assaut de « garde offensive », ou ce qu'il appelle des « stormtroopers », qui seront chargées de la « libération de Lougansk, Donetsk et de la Crimée » lors d'une offensive prévue au printemps prochain.

Ces brigades, créées par l'ancien ministre de l'Intérieur Denys Monastyrskyi avant sa mort dans un accident d'hélicoptère en janvier, seront organisées sur une base « idéologique », selon un conseiller du ministère de l'Intérieur, Rostyslav Smirnov. Le tristement célèbre bataillon néonazi Azov, qui a déjà subi plusieurs réorganisations au sein de l'armée ukrainienne, sera parmi les volontaires sélectionnés pour rejoindre cette brigade.

Selon Smirnov, les brigades seront organisées comme suit :

  • « Frontière d’acier » (brigade du Service national des frontières de l'Ukraine) ;

  • « Kara-Dag » (« la punition pour la Crimée » est censée jouer un rôle central dans une offensive visant à « reprendre » la Crimée) ;

  • 'Red viburnum' (la brigade comprend des combattants qui ont déjà participé aux batailles dans les oblasts de Donetsk et Louhansk, et à la défense de Kiev);

  • « Liut » (une brigade de la police nationale d'Ukraine) ;

  • « Rubizh » (la frontière sera composée de soldats qui ont défendu l'aéroport de Hostomel près de Kiev au début de la guerre) ;

  • « Spartan » (une brigade d'assaut impliquée dans la défense de Kharkiv) ;

  • « Bureviy » (décrit comme une « brigade d'élimination de l'armée russe » par Smirnov);

  • « Azov » (le bataillon néo-fasciste notoire, qui est décrit sur la page Web du ministère ukrainien de l'Intérieur comme une « unité légendaire » qui a défendu « héroïquement » Azovstal à Marioupol )

En plus d'incorporer les restes d'Azov, une organisation paramilitaire ouvertement néo-nazie , dans les brigades nouvellement créées, le gouvernement droitier ukrainien a désigné les brigades nouvellement créées comme des « stormtroopers » ou «Sturmtruppen » [troupes d’assaut], terme utilisés pour la première fois par l'armée allemande pendant la Première Guerre mondiale. Plus tard, le terme a été associé à la formation paramilitaire du parti nazi, la Sturmabteilung (Section d’assaut) ou SA.

La page Web des « stormtroopers », où les gens peuvent cliquer sur les liens de brigades individuelles et soumettre des formulaires pour se porter volontaires. (Capture d'écran)

L'utilisation du terme « stormtrooper » n'est en aucun cas un hasard, car le régiment Azov et les dirigeants militaires ukrainiens n'ont pas caché leur fascination pour l'Allemagne nazie et leurs collaborateurs ukrainiens dans l'Holocauste. Valerii Zaluzhnyi, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, est régulièrement photographié avec des souvenirs de l'OUN et des portraits du collaborateur nazi Stepan Bandera . Andriy Biletsky, le fondateur et ancien chef d'Azov, a déclaré en 2010 qu'il croyait que le « but national » était de « mener les races blanches du monde dans une croisade finale [...] contre les Untermenschen [sous-hommes] dirigés par les sémites ».

Soldats du bataillon Azov avec un drapeau nazi. [Photo by Heltsumani / CC BY-SA 4.0]

Comme le message de Smirnov l'indique clairement, le gouvernement ukrainien a un besoin urgent de tels volontaires « idéologiques », qui sont prêts à mourir dans l'effort ukrainien soutenu par l'OTAN pour reprendre les territoires sous contrôle russe. En échange, ces « volontaires », dont la majorité sera inévitablement issue d'éléments d'extrême droite et lumpen, se verront accorder des privilèges sociaux importants et la possibilité de servir dans une « unité qui correspond à vos valeurs et à votre idéologie » plutôt que dans l’armée régulière.

Samedi dernier, la Garde nationale ukrainienne a annoncé avoir reçu plus de 20 000 candidatures de personnes souhaitant faire partie des brigades d'assaut.

Plus tôt en février, la presse ukrainienne avait rapporté qu'Azov, qui en tant qu’organisation paramilitaire, relevait toujours de la juridiction du ministère ukrainien de l'Intérieur, allait devenir une partie officielle de l'armée sous tutelle du ministère de la Défense. Cela a ensuite été corrigé, Azov-même déclarant que l'organisation faisait toujours partie du ministère de l'Intérieur et faisait partie des nouvelles «brigades d’assaut».

On ne sait pas exactement pourquoi les médias ukrainiens ont rapporté qu'Azov déménageait au ministère de la Défense. Mais l'annonce de la formation de ces nouveaux « stormtroopers » sous le ministère de l'Intérieur est clairement liée à l'escalade de la guerre par l'OTAN qui s'est accompagnée de scandales de corruption et d'une crise politique du gouvernement ukrainien.

En janvier, le ministre de la Défense Oleksii Reznikov a été impliqué dans un scandale d'approvisionnement, après que des informations ont révélé que le ministère de la Défense avait signé un contrat pour acheter de la nourriture pour l'armée à des prix excessifs de deux à trois fois supérieurs aux prix de la grande distribution.

Reznikov a attribué ces prix à une « erreur technique » et est resté à son poste. Son adjoint, Viacheslav Shapovalov, n'a cependant pas échappé au scandale et aurait présenté sa démission. Plus tard, début février, on a rapporté que Reznikov serait finalement remplacé par Kyrylo Budanov, qui avait été nommé chef du renseignement militaire ukrainien par le président Volodymyr Zelensky en 2020.

La semaine dernière, France24 annonçait toutefois que Reznikov resterait à son poste car il n'y avait pas assez de soutien dans le parti politique de Zelensky, Serviteur du peuple, pour le remplacer. Les liens étroits de Reznikov avec les gouvernements occidentaux ont sans aucun doute joué un rôle dans son maintien en poste alors que l'Ukraine prépare son offensive de printemps avec des missiles et des chars nouvellement acquis envoyés par les États-Unis et l'OTAN.

En formant ses propres «troupes d’assaut», le ministère de l'Intérieur se positionne pour influencer la conduite de la guerre indépendamment du ministère de la Défense parfois rival, ainsi que pour mettre la main sur des milliards d'aide militaire de l'OTAN.

Jusqu'à présent, il semble que les nouvelles «troupes d’assaut » seront constituées de nouvelles recrues inexpérimentées qu'il faudra former rapidement. Que de telles recrues et partisans de l'idéologie fasciste plutôt que des soldats de l'armée régulièrement entraînés soient chargés de jouer un rôle central dans la contre-offensive prévue ce printemps est un aveu tacite de Kiev que la guerre ne se passe pas aussi bien que le dit la propagande de guerre de la presse occidentale.

Vu les plus de 100 000 morts et blessés militaires signalés en novembre tant du côté russe qu’ukrainien et les mesures toujours plus drastiques du gouvernement pour réprimer les «déserteurs » (article en anglais), il est évident que beaucoup de choses sont cachées au public en Ukraine et dans le monde concernant l’état réel de la guerre. Comme le journaliste Seymour Hersh l'a récemment déclaré dans une interview après avoir révélé la destruction du pipeline Nord Stream 2 par les États-Unis, « La guerre que je connais n'est pas la guerre racontée dans la presse. »

(Article paru d’abord en anglais le 18 février 2023)

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