Le New York Times promeut la désinformation sur les masques et le COVID-19

Mardi, le New York Times a publié un article d’opinion de Bret Stephens, chroniqueur de droite et ancien négationniste du changement climatique. Son article fait la promotion d’informations erronées sur l’utilisation des masques et les obligations de port du masque pendant la pandémie COVID-19 et s’intitule : «Les obligations de port du masque n’ont eu aucun effet. En tirera-t-on des leçons»?

Stephens fonde ses conclusions sur une méta-analyse mal documentée de la Cochrane Library basée en Grande-Bretagne. Il s’appuie aussi sur un deuxième élément, une interview avec son auteur principal, l’épidémiologiste d’Oxford Tom Jefferson, dans lequel Jefferson exprime des positions erronées sur la science de la transmission du coronavirus par voie aérienne.

Stephens affirme catégoriquement que le port du masque en général et les obligations de port du masque en particulier n’ont eu aucune efficacité pour réduire la propagation du COVID-19 et d’autres maladies respiratoires. Il écrit: «En ce qui concerne les avantages du masquage au niveau de la population, le verdict est tombé: Les masques obligatoires ont été un échec. Les sceptiques qui ont été moqué furieusement comme des excentriques et parfois censurés comme des “désinformateurs” pour s’être opposés aux obligations avaient raison».

Stephens demande: «Quelle est la situation des masques N-95, par opposition aux masques chirurgicaux ou en tissu de moindre qualité»? Il cite Jefferson qui a déclaré: «Cela ne fait aucune différence, aucune». Ailleurs dans l’interview citée par Stephens, Jefferson affirme que «la preuve [que le COVID-19 se transmet par les aérosols] n’a aucune base sérieuse», malgré la montagne de preuves du contraire.

Dans son éditorial, Stephens omet d'expliquer que la méta-analyse Cochrane avertit que «le risque élevé de biais dans l'essai, la variation de la mesure des résultats et l'adhésion relativement faible aux interventions au cours des études empêchent de tirer des conclusions fermes».

En outre, les auteurs notent qu’ils «ne peuvent pas tirer de conclusions définitives pour un certain nombre de raisons. Notamment, l’adhésion au port du masque parmi l’échantillon de l’étude qui était censé les des masques était faible. Si ce groupe ne porte pas de masque régulièrement, il peut être exposé à une infection virale et présenter des taux de maladie similaires à ceux du groupe témoin qui n’était pas censé porter de masque».

L’une des difficultés fondamentales de l’examen d’un grand nombre d’études de qualité médiocre, y compris des essais contrôlés randomisés, est qu’une grande base de données de mauvaise qualité ne peut que conduire à des conclusions dénuées de sens. Si ces études ne traitent pas des mêmes questions de la même manière, elles aboutiront inévitablement à des conclusions erronées.

Un rapport récent publié dans Science-Based Medicine par son rédacteur en chef, le Dr Steven Novella, offre une longue discussion sur le manque de mérite de l’examen Cochrane.

Tout d’abord, il note que les preuves montrent que les masques chirurgicaux fonctionnent lorsqu’ils sont portés correctement, et que plus le masque est de qualité, le mieux il fonctionne. Les travailleurs de la santé sont systématiquement équipés de masques respiratoires N95 lorsqu’ils font face à des patients infectés. Des années d’expérience dans les salles d’opération ont montré qu’ils réduisaient les infections du site opératoire.

Cependant, lorsqu’ils sont évalués dans la communauté, des variables confusionnelles — telles que la prévalence du virus et la façon dont les infections sont mesurées — détermineront leur efficacité potentielle. Les obligations de port des masques sont encore plus difficiles à évaluer, car il est difficile de vérifier l’adhésion de la population. En outre, pratiquement rien n’a été fait pour éduquer le grand public sur la science de la transmission par voie aérienne et le haut degré de protection offert par des masques respiratoires N95 bien ajustés.

Novella explique que la méta-analyse Cochrane «n’examine que les études contrôlées — le type d’étude le plus susceptible de sous-estimer l’effet du port du masque. Elle n’a pas inclus d’autres types d’études. Toutes les études examinées ne portaient pas sur le COVID — elles comprenaient des études sur d’autres virus respiratoires (qui peuvent donc être différents) et elles incluaient des études qui ne se déroulaient pas au milieu d’une pandémie. C’est un énorme signal d’alarme, car les données existantes montrent clairement que les masques ne fonctionnent que dans les situations à haut risque [lorsque la prévalence des infections est élevée]».

Novella poursuit: «Cette récente étude Cochrane a une portée très limitée et ses méthodes sont très problématiques. Tout ce que nous pouvons en conclure, c’est que nous avons besoin d’essais contrôlés plus pertinents et de meilleure qualité sur le port du masque pour déterminer plus précisément son effet sur la propagation du COVID. Mais elle ne montre pas deux choses. Premièrement, que le port du masque ne fonctionne pas. Deuxièmement, que les politiques de port des masques ne fonctionnent pas».

En dépit de ces critiques et de nombreuses autres formulées par d’éminents experts, Stephens maintient son avis. Il affirme que l’étude Cochrane est «l’analyse la plus rigoureuse et la plus complète des études scientifiques menées sur l’efficacité des masques pour réduire la propagation des maladies respiratoires».

On peut se demander pourquoi il n’a pas examiné et comparé l’étude menée à l’Université de Bristol par Gavin Leech et al. en mai 2022 sur le port de masques par la population et pas seulement sur l’obligation de port du masque. Leurs résultats ont révélé que le nombre de reproduction pour la transmission virale dans la communauté a diminué de 19 pour cent, une baisse significative. Les auteurs ont écrit:

En utilisant plusieurs ensembles de données qui proviennent de 92 régions [sur six continents avec 20 millions de personnes interrogées] et un modèle hiérarchique bayésien de pointe, nous trouvons des preuves que le port du masque est associé à une réduction notable de la transmission du SRAS-CoV-2. Notre analyse tient compte à la fois des NPI [interventions non pharmaceutiques] et de la mobilité, et les résultats sont robustes aux analyses de sensibilité approfondies. Notre analyse de la corrélation entre l’obligation et le port effectif du masque suggère que des facteurs autres que l’obligation influencent fortement le niveau de port, mais cela ne signifie pas que l’obligation ne joue aucun rôle dans la réduction de la transmission. Au contraire, la preuve que le port massif de masques réduit la transmission implique que les obligations (et d’autres politiques de promotion du port du masque) peuvent être efficaces contre le COVID-19 si et quand elles améliorent ou augmentent l’utilisation des masques.

Dans sa diatribe contre le port de masques, Stephens prétend à tort que les masques ont été imposés au public par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) «de plus en plus stupides». Les membres du public sont ainsi devenus les «complices involontaires des véritables ennemis de la raison et de la science. Il s’agit des théoriciens de la conspiration et des colporteurs de remèdes de charlatans. Ils représentent si mal les valeurs et les pratiques que la science est censée illustrer».

Stephens met la réalité à l’envers. Le CDC est coupable, mais pas pour avoir appliqué l’obligation de port des masques et avoir encouragé le public à porter des masques, mais plutôt pour avoir systématiquement sapé la valeur fondamentale de la santé publique dans la prévention des maladies. Sous la supervision des gouvernements Trump et Biden, le CDC a démantelé toutes les mesures d’atténuation significatives qui protègent la population, pour s’assurer que toute entrave au commerce soit supprimée. La directrice du CDC, le Dr Rochelle Walensky, a dénigré les masques comme «la lettre écarlate» de la pandémie.

La promotion antiscientifique de la désinformation sur les masques par Stephens et le Times est sous-tendue par des motivations politiques évidentes.

(Article paru d’abord en anglais le 23 février 2023)

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