Québec: devant l’inaction du «Front commun» intersyndical, le gouvernement Legault durcit le ton envers les travailleurs du secteur public

À un mois de l’échéance des contrats de travail des 600.000 employés du secteur public québécois, et devant l’à-plat-ventrisme des centrales syndicales du «Front commun», le gouvernement de la Coalition Avenir Québec intensifie ses menaces envers les travailleurs.

Le premier ministre François Legault a publié le 25 février sur Twitter une lettre dénonçant les syndicats pour avoir refusé de participer aux «forums» qu’il voulait créer en marge du cadre habituel des négociations collectives afin de «discuter d’enjeux prioritaires» en santé et en éducation.

De manière provocatrice, la présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel, a subséquemment envoyé aux chefs syndicaux un courriel contenant les propositions qu’elles voulaient discuter dans les dits forums. Ces propositions étaient en fait de nouveaux détails de la première offre patronale que les syndicats avaient été forcés de rejeter le mois dernier face à l’opposition des travailleurs.

Avec ses forums, le gouvernement espérait faire adopter à la hâte des mesures réactionnaires sans que les travailleurs puissent se prononcer. Par exemple, dans son courriel, Lebel proposait d’ajouter dans les écoles de la province l’équivalent de 15.000 «aides à la classe», qui n’auraient pas nécessairement une formation en éducation. Elle exigeait en échange l’abandon des revendications centrales des travailleurs de l’éducation, à savoir «l’allègement de la tâche» et «la diminution du nombre d’élèves par groupe».

Par ces gestes provocateurs, le gouvernement Legault accentue la pression sur le Front commun et les autres syndicats du secteur public afin qu’ils fassent encore plus de concessions dans les prochaines conventions collectives.

Les travailleurs du secteur public subissent des attaques à travers le Canada. Cette photo montre une ligne de piquetage dressée par des employés du secteur public du Nouveau Brunswick durant leur grève de 2021. [Photo: CUPE Facebook]

Les syndicats ont déjà indiqué qu’ils étaient prêts à imposer de nouveaux reculs majeurs dans les conditions de travail – comme ils l’ont fait à maintes reprises au cours des dernières décennies. Leur seule condition est qu’il faut «s’asseoir, négocier, entériner ces négociations-là», dans les mots de Magali Picard, présidente de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ). Autrement dit, la bureaucratie syndicale insiste pour faire partie du processus bidon de «négociations» qui sert à préparer de nouvelles attaques contre les travailleurs du secteur public tout en défendant ses propres privilèges, basés sur sa complicité dans l’assaut anti-ouvrier de l’élite dirigeante.

Dans sa lettre, Legault se plaint de l’attitude de «fermeture» des syndicats et prétend ne pas vouloir «couper dans les salaires ou les conditions de travail des infirmières et des enseignants», mais plutôt «améliorer leurs conditions».

C’est de la pure démagogie populiste. Legault, un multimillionnaire ex-PDG d’Air Transat converti en politicien de droite pro-privatisation, n’a aucune intention d’améliorer ni la qualité des services publics, ni les conditions de travail des employés qui les fournissent. En fait, il propose d’«augmenter» les salaires de 9% sur cinq ans alors que l’inflation est à 7% pour cette année seulement. En plus de vouloir couper dans le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) et forcer les travailleurs à travailler plus longtemps, le gouvernement Legault réclame plus de «flexibilité» dans l’organisation du travail afin de saboter les droits des travailleurs en permanence comme il le fait depuis le début de la pandémie sous prétexte de l’«état d’urgence».

L’état lamentable des conditions de travail et des services à la population n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat du choix conscient des gouvernements – peu importe leur palier (fedéral ou provincial) ou leur étiquette politique (fédéraliste ou souverainiste) – de démanteler les services publics pour réduire les impôts des riches et des grandes sociétés.

La gestion criminelle de la pandémie par le gouvernement Legault, basée sur «les profits avant les vies», a intensifié ce processus pourtant évitable: hôpitaux et écoles vétustes et surpeuplés, pénurie de main-d’oeuvre sans précédent, manque de services à la population, hausse des décès dans les urgences, épuisement professionnel, etc. Pendant ce temps, les travailleurs continuent d’attraper le coronavirus, un pathogène débilitant et mortel qui a déjà fait plus de 50.000 victimes juste au Canada, et des millions dans le monde.

Ces conditions, qu’ont retrouve non seulement au Québec mais partout au monde, ont inévitablement poussé des milliers de travailleurs surchargés, exténués, mal traités et mal payés à quitter le secteur public. Le ras-le-bol est généralisé, particulièrement dans le secteur public, où les travailleurs de la santé ont multiplié les refus de travail (sit-in) au cours des dernières années. Le 26 février, plus de 500 professionnelles en soins de la Mauricie et du Centre-du-Québec ont manifesté en opposition à la décision de leur employeur de fusionner des départements et de transférer les employés à son gré au nom de la «flexibilité».

Alors que les syndicats tentent d’isoler les travailleurs dans le processus étroit des «négociations collectives» sans jamais soulever les enjeux politiques plus larges dans lequel elles s’inscrivent, le gouvernement Legault, lui, a un plan très clair: utiliser les négociations pour imposer son programme d’austérité contre la classe ouvrière.

En entrevue avec La Presse, Legault a affirmé qu’il voulait utiliser sa «réserve de courage» (ce qui lui reste de capital politique) pour «améliorer l’efficacité de l’État». Il reprenait ainsi une expression de l’ancien premier ministre péquiste Lucien Bouchard, décrit comme son mentor politique, alors que ce dernier imposait les pires coupes sociales de l’histoire de la province à la fin des années 90. La CAQ veut, entre autres, concentrer davantage le contrôle des services publics entre les mains du gouvernement en installant de nouveaux PDG qui dicteront aux établissements, selon les principes de l’entreprise privée, quelles coupures imposer pour être «rentable».

Les chefs syndicaux, ces agents du patronat qui ont entièrement collaboré dans l’imposition des mesures d’austérité, sont conscients que la colère est au point d’ébullition et que leur propre base de soutien s’amenuise. C’est parce qu’ils craignent de ne pas être en mesure de contenir le mouvement d’opposition qui se développe parmi les travailleurs de la base si le conflit s’éternise qu’ils sont pressés d’entériner les nouveaux contrats et assurer la «paix sociale».

Pendant qu’ils collaborent derrière des portes closes avec le gouvernement, les bureaucrates du Front commun, de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) et de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) préparent des actions bidon de protestation qui ne servent qu’à endormir les travailleurs et à canaliser leur colère dans des voies inoffensives pour le système existant.

Ce qui est nécessaire pour les travailleurs est de développer dès maintenant une nouvelle stratégie à la hauteur de la lutte qui les attend. L’attaque de la CAQ contre les employés de l’État fait partie d’un assaut généralisé de l’élite dirigeante canadienne contre toute la classe ouvrière. C’est vers cette force sociale qu’il faut se tourner pour transformer la lutte du secteur public en un vaste mouvement de tous les travailleurs contre l’austérité et les inégalités sociales.

Un tel mouvement est indissociable d’une lutte contre la guerre impérialiste. Alors que les travailleurs se font dire qu’ «il n’y a pas d’argent» pour les services publics et les emplois, le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau augmente massivement les dépenses militaires du Canada, tout en se joignant à Washington dans sa guerre contre la Russie en Ukraine et ses préparatifs de guerre contre la Chine.

En créant un réseau de comités ouvriers de la base, totalement indépendants des syndicats et en opposition à leur politique nationaliste et pro-capitaliste, les travailleurs seront en mesure d’échanger directement avec leurs collègues de tous les établissements et secteurs. Ils pourront engager dès maintenant la campagne de mobilisation et les actions militantes nécessaires pour préparer un affrontement politique avec le gouvernement Legault.

Nous appelons les travailleurs intéressés par cette perspective à contacter le World Socialist Web Site.

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