Le gouvernement ukrainien dépense des millions pour des monuments et des rues en l'honneur des collaborateurs nazis et des néofascistes

Cet essai a été soumis au WSWS par Maxim Goldarb, le dirigeant du parti ‘‘ Union des forces de gauche d’Ukraine – Pour un nouveau socialisme en Ukraine’’, qui s’oppose à la guerre de l’OTAN contre la Russie et qui a été interdit et persécuté par le gouvernement Zelensky. Le mois dernier, le WSWS a publié une déclaration s’opposant à la répression étatique de ce parti et d’autres partis de gauche en Ukraine.

Il y a 80  ans, en 1943, Kiev, la capitale de l’Ukraine, était libérée de l’occupation nazie par les troupes de l’Armée rouge dirigées par le général Nikolaï Vatoutine.

Peu après la libération de Kiev, le général Vatoutine est décédé des suites d’une blessure infligée lors d’une embuscade tendue par des collaborateurs nazis ukrainiens de l’OUN, l’Organisation des nationalistes ukrainiens. En 1944, il a été inhumé dans l’un des parcs centraux de Kiev, qu’il avait libérée. Un monument fut érigé sur sa tombe portant cette inscription: «Au général Vatoutine de la part du peuple ukrainien».

Ce général était considéré à juste titre comme un héros; les habitants de Kiev déposaient toujours des fleurs sur son monument.

Et voilà que de nos jours, l’année du 80e  anniversaire de la libération de Kiev, le monument à Vatoutine a été démoli. Avec cette démolition, les autorités de Kiev ont également profané sa tombe.

La démolition du monument au général de l’Armée rouge Nikolaï Vatoutine. [Photo: WSWS]

La destruction des monuments à la mémoire des soldats de l’Armée rouge, qui ont libéré l’Ukraine et l’Europe du fascisme, se poursuit dans toute l’Ukraine. Dans certaines villes, comme Chernivtsi, Rivne et bien d’autres, ils sont démolis, et dans certains endroits, on les fait entièrement exploser, comme cela s’est produit, par exemple, à Nikolaev.

En outre, de nombreux autres monuments sont démolis: les monuments au poète russe Alexandre Pouchkine, aux écrivains Nikolaï Ostrovski et Maxime Gorki, au pilote d’essai Valery Chkalov et à bien d’autres encore.

Le monument à l’écrivain soviétique Nikolaï Ostrovski, aujourd’hui démoli, sur une photo de 2021.

En outre, ces dernières années, on a renommé en masse en Ukraine des villes, des villages, des rues et des places.

Depuis février 2014, après le coup d’État de l’Euromaidan, plus d’un millier de localités et plus de 50.000  rues ont été rebaptisées en Ukraine.

Rien que l’an dernier 237  rues, places, avenues et boulevards ont été rebaptisés à Kiev, comme le rapportent fièrement les autorités de la ville, dirigées par le maire Vitaliy Klitschko. Ces mêmes autorités qui pendant neuf ans, depuis 2014 où Klitschko est devenu maire pour la première fois, n’a pu construire à Kiev, une ville de 3  millions d’habitants aux embouteillages constants, une seule nouvelle station de métro, un seul nouvel échangeur de transport multi-niveaux, un seul nouveau centre médical, un seul nouveau campus, un seul complexe de traitement des déchets, et ainsi de suite.

D’où vient cette soif si impérieuse de renommer tout et tout le monde? Est-ce parce qu’un grand nombre d’habitants le souhaitaient? Parce que soudain ils n’étaient plus satisfaits des noms des villes et des rues où eux-mêmes, leurs parents et parfois leurs grands-parents sont nés et ont grandi? Pas du tout. Il n’y a pas eu de référendums, pas de votes des habitants sur ces questions, personne ne leur a demandé leur avis.

Au contraire, dans les rares cas où on a fait des sondages, ils ont presque toujours montré leur désaccord massif avec le changement de nom. Par exemple, quand on a changé le nom du centre régional de Kirovograd il y a quelques années, baptisé ainsi il y a près de 90  ans en l’honneur du célèbre homme d’État soviétique Sergei Kirov, la majorité absolue de la population de la ville – 82  pour cent – n’ont pas soutenu la décision de renommer la ville en ‘‘Kropyvnytsky’’. Seuls 14  pour cent l’ont fait.

Mais ni dans ce cas ni dans aucun autre des nombreux cas où des monuments ont été démolis et des rues rebaptisées, les autorités ne se sont souciées le moins du monde de l’opinion des citoyens.

Pourquoi donc tout cela se produit-il? La réponse à cette question devient plus claire si l’on examine de près les nouveaux noms et monuments qu’on érige maintenant.

L’avenue du général Vatoutine, l’homme qui avait contribué à libérer Kiev du nazisme et dont il est question au tout début de cet article a été rebaptisée avenue Roman Shukhevych, un fasciste ukrainien. Au moment de l’attaque de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie, en juin 1941, Shukhevych était membre du bataillon Nachtigall, une subdivision de l’Abwehr (le service de renseignement militaire de la Wehrmacht), composée de collaborateurs nazis ukrainiens.

L’ancienne ‘‘avenue de Moscou’’ à Kiev a été rebaptisée ‘‘avenue Stepan Bandera’’ – un autre collaborateur nazi ukrainien et dirigeant de l’OUN (b), l’Organisation des nationalistes ukrainiens qui s’est ‘‘rendu célèbre’’ pendant la Seconde Guerre mondiale par sa collaboration avec les nazis allemands et ses massacres génocidaires des populations polonaise et juive.

Jusqu’à aujourd’hui, on a érigé de nombreux monuments et nommé de nombreuses rues en l’honneur de Bandera dans toutes les villes d’Ukraine.

Monument à Stepan Bandera à Lviv [AP Photo/Bernat Armangue]

Le boulevard Druzhby Narodov à Kiev a été rebaptisé boulevard Mykola Mikhnovsky. Mikhnovsky était l’un des principaux idéologues du nationalisme ukrainien, l’auteur du slogan chauvin: «L’Ukraine est pour les Ukrainiens!».

La rue portant le nom du chef militaire soviétique, le maréchal ukrainien Malinovsky, l’un des chefs de l’Armée rouge pendant la guerre contre le nazisme – a été rebaptisée ‘‘rue des héros du bataillon Azov’’. Le bataillon Azov est une formation paramilitaire néofasciste qui fait désormais officiellement partie de l’armée ukrainienne. Son emblème est le ‘‘wolfsangel’’, un emblème nazi notoire utilisé en particulier par des unités SS. Pour ceux qui ne le savent pas ou qui l’ont oublié, permettez-moi de vous rappeler que le bataillon Azov a été reconnu comme un groupe néonazi et terroriste, même par le Congrès américain.

Soldats du bataillon Azov avec le drapeau nazi. [Photo by Heltsumani / CC BY-SA 4.0]

À peu près au même moment où le monument au général Vatoutine était démoli à Kiev, la ‘‘Dixième brigade séparée d’assaut en montagne’’ des forces armées ukrainiennes a été officiellement rebaptisée ‘‘Edelweiss’’. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ‘‘Edelweis’’ était le nom de la première division d’infanterie de montagne de la Wehrmacht nazie. Cette division a joué un rôle majeur dans la déportation des Juifs, l’exécution des prisonniers de guerre, ainsi que dans les opérations punitives contre les partisans de Yougoslavie, d’Italie, de Tchécoslovaquie et de Grèce. Aujourd’hui, les écussons avec des crânes, qui ne diffèrent pratiquement pas des emblèmes de la division SS ‘‘Tête de mort’’ et d’autres unités nazies, sont ouvertement portés non seulement par de nombreux militaires des forces armées ukrainiennes, mais aussi par leur commandant suprême.

Le gouvernement actuel de l’Ukraine détruit systématiquement tout ce qui est lié d’une manière ou d’une autre à la Russie, dont a fait partie la majeure partie de l’Ukraine pendant des centaines d’années – même les monuments et les rues nommés en l’honneur d’écrivains de renommée mondiale, comme Léon Tolstoï. Il détruit également tout ce qui a trait aux 70 ans de la période soviétique de l’histoire ukrainienne, ainsi qu’au socialisme et à l’idéologie de gauche en général. Les rues portant le nom de Karl Marx et de Friedrich Engels, par exemple, ont été rebaptisées, les monuments qui leur étaient consacrés, démolis ; les symboles socialistes et communistes – du drapeau rouge à l’interprétation de l’‘‘Internationale’’ – sont interdits. De même, tous les partis de gauche sont interdits en Ukraine, y compris l’ ‘‘Union des forces de gauche – Pour un nouveau socialisme’’, que je dirige.

Le socialisme et le communisme sont interdits, les militants de gauche sont persécutés et emprisonnés, et le néonazisme devient un élément de la politique de l’État et, de plus en plus, l’idéologie dominante.

Cette guerre totale des autorités ukrainiennes contre tous les symboles, monuments et noms publics associés à la Russie, à la Révolution d’octobre et à l’histoire soviétique, voire à l’idéologie de gauche, nécessite beaucoup d’argent.

Le coût d’une seule plaque portant un nouveau nom de rue pour une maison est, selon les autorités de Kiev, d’au moins 1.000  hryvnias (environ 25  euros). Il faut multiplier ce montant par les dizaines (et parfois les centaines) de maisons situées dans la même rue. Et il faut encore multiplier ce chiffre par les dizaines de milliers de rues rebaptisées. Je vous rappelle également qu’on a renommé plus d’un millier de villes et de villages.

Mais le coût des nouvelles plaques d’adresse n’est qu’une petite partie des coûts énormes de cette campagne droitière. Il y a encore bien d’autres éléments. Toutes les institutions et entreprises doivent modifier leurs documents, commander de nouveaux sceaux et timbres, mettre à jour les panneaux d’entrée, etc. Nous avons besoin de nouveaux panneaux sur les routes, aux entrées des cités, ainsi que pour les rues et les routes de toute l’Ukraine. De nombreuses institutions – non seulement dans les villes rebaptisées, mais dans tout le pays – ont besoin de nouvelles cartes et de nouveaux atlas.

Le changement de nom de la ville de ‘‘Zhdanov’’ en ‘‘Mariupol’’ par exemple, a coûté environ 24  millions d’euros. Selon les estimations les plus prudentes, la vague massive de changement de noms de rues et de démolition de monuments dans tout le pays a déjà coûté plus d’un milliard d’euros!

Et ce, dans le pays le plus pauvre d’Europe et qui plus est, en période de guerre! Il s’agit d’un pays qui a un besoin urgent d’aide financière et dont 60 pour cent des recettes budgétaires de l’État proviennent cette année de fonds étrangers, principalement de l’Union européenne et des États-Unis.

Cela signifie que l’argent des contribuables européens et américains est aujourd’hui dépensé, entre autres, pour renommer massivement des rues en Ukraine en l’honneur de collaborateurs nazis et de néonazis.

Je ne pense pas que la plupart des citoyens des pays ‘‘donateurs’’ seraient d’accord avec cela. Mais, comme à la plupart des citoyens ukrainiens semble-t-il, on ne leur demandera pas non plus leur avis.

(Article paru d’abord en anglais le 9 March 2023)

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