300.000 travailleurs fédéraux affrontent le gouvernement libéral du Canada dans leur lutte pour des augmentations des salaires réels

Les négociations entre le gouvernement libéral du Canada et les syndicats qui négocient au nom de 300.000 travailleurs du gouvernement fédéral restent largement au point mort. Le gouvernement, qui bénéficie du soutien politique de la bureaucratie syndicale et du Nouveau Parti démocratique, est déterminé à imposer des reculs, dont d’importantes réductions des salaires réels.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau, à droite, arrive au début de la deuxième session plénière du sommet de l’OTAN à Madrid, le mercredi 29 juin 2022. [AP Photo/Eliot Blondet]

Le Conseil du Trésor a accueilli favorablement le rapport final de la Commission de l’intérêt public (CIP) en février, qui a renforcé la position du gouvernement. La CIP a été créée après que l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a déclaré une impasse dans ses négociations avec Ottawa pour de nouveaux contrats pour 120.000 travailleurs de l’administration fédérale «centrale».

Le gouvernement a qualifié le rapport du CIP de «voie à suivre claire» pour résoudre le conflit. En réalité, il recommande des «augmentations» salariales bien inférieures au taux d’inflation annuel, qui a dépassé les 8 % l’année dernière et continue de dépasser les 6 %. L’augmentation des prix des produits de première nécessité comme la nourriture, le gaz et l’énergie est nettement plus élevée que le taux d’inflation officiel.

La CIP a proposé des augmentations de salaire totalisant seulement 9 % pour un contrat de trois ans, soit une augmentation annuelle moyenne de 3 %. Il s’agirait d’augmentations rétroactives de 1,5 % en juin 2021 (le contrat précédent a expiré ce mois-là) et de 4,5 % en juin 2022, ainsi que d’une augmentation de 3 % en juin.

Le gouvernement libéral, soi-disant «progressiste», a initialement présenté des offres contractuelles conformes à celles des gouvernements ultraconservateurs de l’Ontario et du Québec. Pour les quatre unités de négociation des travailleurs de l’administration fédérale «centrale», le gouvernement a proposé des «augmentations» salariales annuelles moyennes de 2,06 % dans le cadre d’un contrat de quatre ans.

Tout au long de ces longues négociations, le premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement libéral ont maintenu une position intransigeante. En janvier, le gouvernement a déposé une plainte pour «pratiques déloyales de travail» devant la Commission des relations de travail dans le secteur public fédéral, accusant l’AFPC d’avoir «inondé les tables de négociation de propositions coûteuses» et d’avoir refusé de négocier de «bonne foi». Quelle hypocrisie de la part d’un gouvernement qui a forcé les travailleurs fédéraux à travailler tout au long de la pandémie, les présentant comme des héros pour avoir administré des services publics indispensables, et qui a mis en place de généreux programmes de soutien aux grandes entreprises et de maigres rations pour les travailleurs qui se sont retrouvés au chômage! Maintenant que ces mêmes travailleurs fédéraux formulent des demandes relativement modestes pour que leur salaire suive l’augmentation vertigineuse du coût de la vie, les représentants du gouvernement affirment qu’ils sont intolérables.

Malgré la position pro-gouvernementale de la CIP, les dirigeants de l’AFPC ont accueilli favorablement son rapport. Selon un communiqué de presse de l’AFPC, le rapport «ouvre la voie à des gains pour les travailleuses et les travailleurs, mais il ne répond toujours pas aux demandes de l’AFPC d’obtenir un contrat équitable qui tienne compte de l’augmentation du coût de la vie». Le syndicat a annoncé lundi que ses quelque 250 membres à NAV CANADA, qui supervise le système d’aviation civile du pays, ont accepté un contrat de trois ans prévoyant des augmentations salariales de «plus de 9 %», ce qui indique clairement que l’AFPC a l’intention de trahir les travailleurs du gouvernement fédéral en acceptant le cadre de la CIP comme base de règlement. Le syndicat a ridiculement vanté l’entente comme ne contenant «aucune concession».

D’ici le 19 avril, l’AFPC terminera les votes de grève parmi les 120.000 travailleurs de la fonction publique «centrale». Il s’agit des groupes Services des programmes et de l’administration, Services de l’exploitation, Services techniques et Enseignement et Bibliothéconomie.

Environ 35.000 travailleurs de l’Agence du revenu du Canada, également représentés par l’AFPC, sont déjà en plein vote de grève. À la fin du mois de janvier, une CIP distincte a déposé un rapport sur ce différend contractuel, mais elle n’a formulé aucune recommandation sur les salaires ou toute autre question, au motif que les deux parties étaient trop éloignées l’une de l’autre.

Alors que l’AFPC a appelé plus de 150.000 travailleurs à voter pour la grève, elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire traîner les négociations et empêcher une véritable remise en question du gouvernement libéral. Les votes de grève sont présentés comme un moyen de marchander quelques concessions à la table de négociation. Et ce, avec un gouvernement qui se précipite vers la droite et prêche la nécessité d’une «restriction budgétaire», alors qu’il fournit massivement l’Ukraine en armes et s’est engagé à dépenser des dizaines de milliards de dollars en dépenses militaires pour faire la guerre à la Russie et à la Chine.

Le gouvernement Trudeau est déterminé à faire porter aux travailleurs du gouvernement fédéral et à la classe ouvrière dans son ensemble le coût massif de la guerre de l’impérialisme canadien. La pression exercée pour imposer des réductions de salaire en termes réels est également motivée par l’engagement de l’élite dirigeante à forcer les travailleurs à payer pour le sauvetage massif des banques et des grandes entreprises du début de la pandémie.

L’AFPC est de loin le plus grand syndicat de travailleurs du gouvernement fédéral. Ses négociations avec Ottawa fixent traditionnellement le cadre des accords conclus par le gouvernement avec les autres syndicats de travailleurs fédéraux. C’est pourquoi la lutte des travailleurs du gouvernement fédéral pour obtenir des augmentations salariales à la hauteur de l’inflation mérite le soutien de l’ensemble de la classe ouvrière.

Pour cela, il faut avant tout que la direction de la lutte soit retirée des mains des bureaucrates syndicaux. En effet, la principale préoccupation de ces derniers est de préserver leur alliance politique avec le gouvernement libéral en imposant un accord de capitulation qui permette à l’élite dirigeante de poursuivre ses politiques de conflits militaires à l’étranger et d’attaques contre les droits des travailleurs au pays sans contestation. Pour mettre fin à cette conspiration, les travailleurs du gouvernement fédéral doivent créer des comités de la base afin d’élargir la lutte pour leurs revendications justifiées à de plus larges sections de travailleurs et de jeter les bases d’une mobilisation politique des travailleurs contre la guerre impérialiste et l’austérité capitaliste.

(Article paru en anglais le 8 mars 2023)

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