La colère éclate parmi les travailleurs de Caterpillar après l’annonce de l’UAW que l’entente de trahison avait été ratifiée: «Tout ça me semble bidon»

Vous travaillez chez Caterpillar? Remplissez le formulaire à la fin pour nous dire ce que vous pensez de la capitulation de la bureaucratie de l’UAW et ce que les travailleurs devraient obtenir.

Tracteurs et équipements fabriqués par Caterpillar (CAT) à Peoria (Illinois) à Clinton (Illinois) [AP Photo/Seth Perlman]

Les travailleurs de Caterpillar (CAT) ont réagi avec colère et incrédulité après que le syndicat United Auto Workers (UAW) a déclaré que l’accord de principe pour un nouveau contrat de six ans avec l’entreprise avait été ratifié dimanche.

La section locale 974 de l’UAW à Peoria (Illinois) et la section locale 751 à Decatur ont annoncé par SMS aux travailleurs que le contrat avait été adopté à 71,5 pour cent, mais elles n’ont pas publié les totaux des votes ou les répartitions entre les différentes sections locales, ni le texte intégral du contrat. Sur les médias sociaux et dans les commentaires envoyés au World Socialist Web Site, les travailleurs de Caterpillar se sont immédiatement méfiés du résultat du vote, étant donné que l’UAW a une longue histoire de trucage des bulletins de vote et d’adoption antidémocratique des contrats.

«Vous feriez mieux de trouver tous les bulletins de vote et de vous assurer qu’ils n’ont pas été modifiés. Incroyable!», a déclaré avec dégoût un vétéran de Caterpillar de Decatur au WSWS dimanche soir.

La direction et l’UAW ont exprimé leur satisfaction après l’annonce de la ratification de leur accord. «Nous sommes heureux d’être parvenus à ce que nous estimons être un accord juste, raisonnable et complet», a écrit l’entreprise sur son site Internet. Le siège de l’UAW, pour sa part, a publié une déclaration superficielle de trois phrases, écrivant cyniquement: «Nous félicitons l’équipe de négociation UAW-Caterpillar pour son travail acharné et les membres de l’UAW pour leur solidarité et leur soutien tout au long de ce processus».

Même si les résultats du vote étaient bel et bien ce que l’UAW a annoncé, cela ne changerait rien au fait que l’ensemble du processus de «négociation» du contrat est illégitime et tourne en dérision la «démocratie syndicale».

Les travailleurs de Caterpillar n’ont jamais été informés du contenu réel des négociations contractuelles entre l’entreprise et le syndicat, qui ont débuté en décembre. Quelques minutes à peine après l’expiration du contrat précédent, l’UAW a annoncé un accord de principe, défiant le vote d’autorisation de grève de près de 99 pour cent des travailleurs de CAT. L’UAW n’a ensuite donné aux travailleurs que trois ou quatre pages de «points saillants» et a refusé de distribuer le contrat complet par voie électronique à tous les travailleurs afin qu’ils puissent l’étudier attentivement.

Les responsables syndicaux se sont efforcés de dissimuler toutes les implications de l’attaque massive contre les salaires réels prévue dans l’accord qui pourrait entrainer une perte aux travailleurs de 20 pour cent de la valeur de leur salaire d’ici à 2029. Dans le même temps, les travailleurs ont subi des menaces, des représentants des sections locales leur disant que le rejet de l’accord signifierait qu’ils perdraient leur prime de ratification de 6.000 dollars, que Caterpillar fermerait des usines et que l’entreprise ne reviendrait pas à la table des négociations avant un an.

Seul, le Comité de base des travailleurs de Caterpillar a fait entendre les aspirations et les besoins réels des travailleurs, notamment en réclamant une augmentation de salaire de 50 pour cent, une augmentation du coût de la vie, le rétablissement des pensions, une réduction des coûts des soins de santé, etc. Le comité a distribué une déclaration qui appelle les travailleurs à voter «non» et à mobiliser le soutien de sections plus larges de la classe ouvrière en vue d’une riposte commune. Tout au long du mouvement, le comité s’est efforcé d’informer, d’éduquer et d’organiser les travailleurs de la base dans leur lutte contre la bureaucratie de l’UAW et l’entreprise.

«Nous avons l’impression d’avoir été trahis»

Un ouvrier de Caterpillar à Peoria a déclaré que la bureaucratie de l’UAW lui semblait «faible, pathétique et lâche». Il a ajouté: «Ils nous ont dit que CAT ne pourrait pas retourner à la table des négociations pendant six mois si nous votions contre».

Un travailleur de Decatur a déclaré au WSWS: «Tous les travailleurs de mon équipe ne sont pas contents. Ils ont l’impression d’avoir été trahis. Tous ceux à qui j’ai parlé ont une opinion très négative à ce sujet».

«Il n’y a pas grand-chose à dire sur ce contrat qui n’a pas déjà été dit pour tous les contrats depuis 1998 et avant», a déclaré un ouvrier qui travaille depuis plus de vingt ans à la fonderie Mapleton de Caterpillar. Selon lui, «il s’agit d’une “négociation type” pour le nouveau millénaire. C’est-à-dire des menaces, de fausses déclarations, des promesses creuses, de la corruption pure et simple avec des primes à la signature».

«L’UAW nous fait des promesses encore plus creuses d’un contrat encore plus reluisant la prochaine fois», a-t-il ajouté avec dégoût. «C’est la cinquième fois qu’ils me font miroiter la prochaine fois. Ils disent ces choses et agissent comme s’ils étaient blessés, quand ils ne sont pas belliqueux, versant des larmes de crocodile sur notre ingratitude. Après tout, ils prétendent que “nous avons fait de notre mieux”. Ils nous parlent comme à des enfants, en nous mentant et en nous trompant. Ils nous font honte pour notre “manque de foi” ou de “loyauté” à leur égard! Pour ce faire, ils mélangent rhétorique religieuse et patriotique et laissent entendre que nous sommes soit des Judas, soit des traîtres. Nous savons qui s’est vraiment enfui, encore une fois, avec ses 30 pièces d’argent»!

Un autre travailleur vétéran de Decatur a déclaré: «Je ne rattraperai jamais ce que j’ai perdu en salaires. Il y a dix-huit ans, nous avons commencé à payer l’assurance maladie. Je n’ai pas eu d’augmentation depuis 20 ans. La couverture est de plus en plus mauvaise et lorsque nous prendrons notre retraite, nous ne pourrons pas survivre. On nous n’apprécie pas. Mes primes trimestrielles étaient une plaisanterie. Elles sont ajoutées à notre salaire normal et sont taxées à 30 pour cent! J’allais perdre 100 dollars parce que mes primes étaient merdiques».

«“Allez-vous acheter la maison aujourd’hui ou pas?” C’est à peu près comme ça que c’est arrivé»

Un autre ouvrier de CAT à East Peoria a expliqué que l’entreprise et l’UAW avaient menti aux travailleurs au sujet de la prime à la signature et l’avaient utilisée comme une ruse. «Les travailleurs avaient peur de perdre la prime de 6.000 dollars. J’ai entendu des gens dire qu’ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas l’obtenir. Or, elle ne représente que 3.000 dollars après impôts. Et que se passera-t-il dans deux, trois ou quatre ans? Ces 3.000 dollars vont s’envoler rapidement».

Notant que la section locale 974 de l’UAW avait organisé des réunions «d’information» le jour même du vote, l’ouvrier d’East Peoria a déclaré: «Lorsque j’ai me suis rendu à la partie réservée aux questions et réponses, le responsable a dit: “Nous ne voulons rien cacher à personne, les contrats sont là si quelqu’un veut les consulter”. C’est le jour du vote! Ça sert à rien maintenant»!

Il a comparé le processus à la crise immobilière qui a conduit à la crise économique mondiale de 2008-2009. «Si vous allez acheter une maison, vous voulez une inspection des semaines à l’avance avant de signer. “Allez-vous acheter la maison aujourd’hui ou pas?” C’est à peu près comme ça que c’est arrivé. C’est comme le krach immobilier, les gens n’ont pas pu voir ce qui se passait».

Décrivant l’attitude des responsables de l’UAW, il explique qu’ils ont en fait dit aux travailleurs: «“Voici ce contrat”, sachant que personne ne pouvait vraiment l’inspecter. La seule chose que nous pouvions obtenir, c’était les “points saillants” et la prime d’embauche de 6.000 dollars».

Selon lui, les responsables de l’UAW ont laissé entendre que si les travailleurs rejetaient le contrat, ils seraient isolés sur les piquets de grève pendant des mois, tel que l’UAW l’a fait pour les travailleurs de CNH l’année dernière. «Beaucoup de délégués syndicaux sont allés voir les négociateurs qui nous ont comparés à Case/CNH», a-t-il déclaré. «CAT a dit qu’ils ne reviendraient pas à la table des négociations. Si nous refusions, ce serait dans huit mois ou un an. Ils ont fait peur à beaucoup de gens avec ça».

Il a ajouté: «Comment savez-vous que CAT ne reviendra pas à la table? L’UAW a abandonné avant même de savoir combien de personnes veulent se battre. Si vous vous lancez dans la bataille, vous devez motiver les gens à se battre. Au lieu de cela, ils ont dit: “Nous pouvons nous rendre maintenant et tout le monde vivra”».

Les travailleurs étaient en position de force pour faire grève, a-t-il ajouté. «Si on fait grève, par qui nous remplaceront-ils? Ils peuvent à peine obtenir de l’aide dans l’état actuel des choses. Telle était ma théorie». Il a ajouté qu’un conducteur de chariot élévateur qui s’entraînait pour les remplacer en cas de grève s’est blessé et est parti avec une note médicale. «Quelques jours avant que nous ne parlions au cariste, d’autres employés de bureau ont bénéficié d’une dispense médicale. Combien d’employés de bureau seraient venus sur le terrain»?

Il a prévenu que Caterpillar préparait d’autres attaques maintenant que l’UAW a déclaré le contrat ratifié. «Chaque fois qu’un contrat est ratifié, dans l’année qui suit, si ce n’est moins, nous avons toujours droit à une réduction de la force de travail et à des licenciements».

«CAT a toujours eu pour habitude d’embaucher des personnes pour une période de quatre à cinq mois, puis de les congédier. Ils promettent aux jeunes de leur trouver un emploi, mais ils quittent leur emploi et finissent par être licenciés».

«La bataille n’est pas terminée. Nous continuerons à nous battre.»

John, membre du Comité de base des travailleurs de Caterpillar à Decatur, décrit la manière dont la bureaucratie de l’UAW a dissimulé des informations dans ses efforts pour faire passer le contrat: «Ils n’ont donné aux travailleurs qu’un accès limité au contrat. Il n’y avait que deux exemplaires complets disponibles au local syndical et seulement une semaine pour l’examiner “sur son temps libre”. C’est impossible que les travailleurs soient en mesure de le faire. Pas quand il y a des gens qui ont des problèmes de garde d’enfants, des rendez-vous, toutes sortes de choses qui se passent dans leur vie».

«Tout ça me semble bidon. Mais la bataille n’est pas terminée. Et nous continuerons à nous battre».

S’adressant aux autres travailleurs, il a poursuivi: «Nous avons une nouvelle mission, une nouvelle orientation. Cette mission, cette direction, c’est de relier tous les membres de la classe ouvrière, de construire nos comités de base et de montrer à ces entreprises que nous sommes sérieux. Non seulement nous devons montrer à ces entreprises de quoi nous sommes faits, mais nous devons également montrer à nos propres dirigeants syndicaux corrompus de quoi nous sommes faits».

«Nous devons leur montrer que c’est nous, les membres, qui sommes aux commandes. Que nous en avons assez des fonctionnaires véreux qui profitent de notre dur labeur. Que nous en avons assez des élections et des votes douteux. Nous exigeons la transparence à tout moment».

«C’est notre heure, l’heure pour les travailleurs de se montrer à la hauteur et de faire entendre leur voix une fois pour toutes. Nous devons travailler sans relâche pour unir tous les membres de la classe ouvrière sous un seul “drapeau”, celui de la classe ouvrière. Nous devons travailler sans relâche pour élever nos frères et sœurs et leur dire: “Vous serez entendus! Votre voix compte!”»

«Nous devons travailler sans relâche pour faire en sorte que ce qui s’est passé hier avec Caterpillar et l’UAW ne se reproduise plus jamais. Restez forts ensemble, mes frères et sœurs, soyons honorables et battons-nous»!

«Car nous nous battons pour un avenir meilleur pour tous les travailleurs. Les travailleurs unis ne seront jamais vaincus! Le pouvoir à la base!»

(Article paru en anglais le 14 mars 2023)

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