Sri-Lanka : le gouvernement déploie l’armée et la police contre la grève des travailleurs du pétrole

Avertissement sévère à toute la classe ouvrière, le gouvernement Wickremesinghe a déployé la semaine dernière des milliers de soldats et de policiers armés pour briser la grève des travailleurs du pétrole qui s’opposent à ce qu’on privatise la distribution des carburants. La décision de privatiser est en accord avec les dures mesures d'austérité exigées par le Fonds monétaire international (FMI) et imposées par le gouvernement.

Des travailleurs de la Petroleum Corporation à la manifestation de Colombo Fort, le 8 février 2023.

Les travailleurs de la Ceylon Petroleum Corporation (CPC) et de Ceylon Petroleum Storage Terminals Limited (CPSTL) ont entamé leur grève mardi dernier, refusant d’approvisionner et de distribuer du carburant, entraînant de longues files d'attente de ceux voulant faire le plein de leur véhicule.

Wickremesinghe a réagi en envoyant des milliers de membres des forces spéciales et de policiers pour prendre le contrôle de la distribution de carburant. Des images télévisées montraient des soldats lourdement armés gardant des camions citernes quittant les locaux de la CPC et distribuant le carburant aux stations d’essence.

Bandula Saman Kumara, le président du Syndicat des employés progressistes de Sri Lanka Podujana -Pétrole (SLPPEU-P), a rapidement annulé l'action revendicative. Il a déclaré aux médias que des soldats armés « intimidaient les travailleurs de la CPC », allaient aux domiciles des travailleurs et les forçaient « à retourner au travail ».

Le gouvernement a également placé 20 grévistes du pétrole, pour la plupart des dirigeants syndicaux, en congé obligatoire. Le 29 mars, le président de la CPC a envoyé une lettre déclarant que les locaux de la compagnie et les locaux de service du terminal d'entrepôt du CPSTL seraient déclarés «zones interdites» pour les grévistes et que les autres employés devaient se présenter au travail.

S'adressant à une conférence de presse, le ministre du Pétrole Kanchana Wijesekara a déclaré qu'il avait « appelé les forces de sécurité pour assurer la distribution de carburant » et a exigé que la direction de la CPC et les forces de l'ordre « prennent des mesures disciplinaires et judiciaires » contre les grévistes.

L’opération lancée par le gouvernement pour briser la grève des travailleurs du pétrole est une attaque de tous les travailleurs sri-lankais et une autre démonstration de son implacable détermination à écraser toute opposition à ses attaques austéritaires. Le Parti de l'égalité socialiste (SEP) appelle la classe ouvrière à s'opposer à la répression gouvernementale et à défendre ses frères et sœurs de classe de la CPC et du CPSTL.

Wickremesinghe a été porté à la présidence l'année dernière à travers une série de manœuvres anti-démocratiques. Il a clairement indiqué dès le départ qu'il imposerait impitoyablement les attaques de sabrage des dépenses dirigées contre les services sociaux, les emplois et les conditions de vie exigées par le capital financier national et international.

Ranil Wickremesinghe [Photo: United National Party Facebook]

La semaine dernière, après des mois de négociations, le FMI a approuvé un plan de sauvetage de 2,9 milliards de dollars sur quatre ans pour le gouvernement sri-lankais. Le FMI a récemment qualifié ses demandes d'austérité d' « expérience brutale ».

L'assaut lancé contre les travailleurs du pétrole pour briser leur grève marque une nouvelle étape de ces atteintes aux droits sociaux et démocratiques des travailleurs. Confronté à une vague croissante d'opposition populaire à son régime, Wickremesinghe utilise ses pouvoirs présidentiels exécutifs pour réprimer toute opposition de la classe ouvrière. Il utilise la loi draconienne sur les services publics essentiels (EPSA) pour interdire les grèves et les manifestations et il a annulé les élections locales prévues pour le 9 mars.

Le 22 mars, le gouvernement a annoncé un nouveau « projet de loi anti-terroriste » pour remplacer la tristement célèbre loi sur la prévention du terrorisme (PTA). La nouvelle législation, plus répressive que la PTA, élargit la définition du « terrorisme » pour y inclure toute action ou déclaration critiquant le gouvernement du Sri Lanka, tout autre pays ou organisation internationale. Toute résistance des travailleurs et des opprimés à « l'expérience brutale » du gouvernement doit être réprimée d'une main de fer.

Le SEP (Socialist Equality Party – Parti de l’égalité socialiste) dénonce sans détour la répression de la direction syndicale de la CPC par le gouvernement. Mais nous avertissons les travailleurs qu'ils ne peuvent pas faire confiance aux syndicats pour protéger leurs emplois et leurs conditions de travail, ou pour lutter contre les assauts anti-démocratiques du gouvernement. La réaction de la bureaucratie syndicale à l'attaque du gouvernement pour briser la grève et à ses nouvelles lois encore plus répressives, met à nu la nature banqueroutière de ces institutions pro-capitalistes.

Le président du SLPPEU-P, Kumara, s'est plaint de l'intimidation des grévistes par l’armée mais n'a pas contesté le déploiement des briseurs de grève militaires ni même exigé leur retrait immédiat des locaux du CPC et de la CPSTL.

S'adressant à une conférence de presse après la mise en congé obligatoire, dont lui-même, Kumara a promis le soutien continu du syndicat au gouvernement.

« Tout le monde sait que nous avons travaillé pour amener ce gouvernement au pouvoir. Par conséquent, nous n'ourdissons pas de complot contre le gouvernement », a-t-il déclaré. Le syndicat est affilié au SLPP (Sri Lanka Podujana Peramuna) qui forme la base du gouvernement Wickremesinghe.

Kumara a cyniquement tenté de dissimuler la politique de privatisations du gouvernement. « La politique du SLPP ne consiste pas à vendre des biens nationaux », a-t-il déclaré, mais a ensuite insisté cyniquement pour dire que le syndicat avait été « trompé par le gouvernement ». L'affirmation de Kumara qu’il s’oppose à la privatisation est bidon. Pendant des années, il a été un fidèle partisan des plans du gouvernement visant à privatiser la société pétrolière.

En octobre dernier, lors du débat parlementaire sur la privatisation de la CPC, la direction du syndicat du pétrole a organisé une courte grève de protestation pour contenir l'opposition des travailleurs. L'action revendicative, qui impliquait principalement des responsables syndicaux, fut annulée après quelques heures.

Kumara a déclaré que cela « ne valait pas la peine de poursuivre la grève et de perturber les services » car le parlement adopterait le projet de loi. Il a faussement affirmé que les syndicats « trouveraient des moyens alternatifs » pour le battre.

Tous les autres syndicats de la CPC ont directement ou indirectement apporté leur soutien à la privatisation, au mépris de l'énorme opposition des travailleurs de la base. Chaque fois que les travailleurs exigent une lutte contre les plans du gouvernement, les syndicats limitent toute action à de courtes manifestations étroitement contrôlées.

Ranjan Jayalal, dirigeant du JVP (Janatha Vimukthi Peramuna) et responsable du collectif syndical Ceylon Electricity Board, a lancé mercredi une menace démagogique et creuse contre le gouvernement. « Nous dirions au ministre de l'énergie, nous vous envoyons, non seulement en congé obligatoire, mais nous vous renvoyons chez vous, ainsi que tout le monde [au sein du gouvernement] », a-t-il déclaré.

Jayalal a également affirmé à tort que le contrôle gouvernemental des secteurs du pétrole, de l'électricité, de la poste, des banques et des ports existait encore sous forme limitée uniquement « à cause de la lutte continue menée par les syndicats ».

Il s'agit d'un mensonge visant à dissimuler le rôle continu joué par tous les syndicats dans la privatisation et le désinvestissement des institutions publiques par les gouvernements sri-lankais successifs.

Le JVP, qui n'a pas de divergences fondamentales avec le programme d'austérité du FMI, tente d'utiliser l'opposition de masse croissante contre le régime de Wickremesinghe pour former son propre gouvernement avec d'autres partis bourgeois. S'il était élu, le JVP appliquerait impitoyablement les exigences du FMI.

Les travailleurs devraient ignorer la rhétorique creuse des directions syndicales qui défendent tous le système de profit et collaborent systématiquement avec l'élite dirigeante.

L'année dernière, lors du soulèvement de masse d'avril à juin contre le précédent gouvernement Rajapakse, les syndicats ont détourné toute l'opposition ouvrière derrière l'opposition parlementaire, ouvrant la voie à l'arrivée au pouvoir de Wickremesinghe et à l’intensification des attaques sociales brutales menées contre les travailleurs et les opprimés.

Le SEP insiste sur le fait que les travailleurs au Sri Lanka et dans le monde doivent former leurs propres comités d'action, indépendants des syndicats et de tous les partis bourgeois, et prendre eux-mêmes en main la lutte pour leurs droits fondamentaux sur la base d'un programme socialiste.

Les travailleurs du secteur public sri-lankais et toutes les autres sections de la classe ouvrière doivent former leurs propres comités d'action et reprendre la campagne du SEP pour un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des masses rurales. Un tel congrès jetterait les bases d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière et des pauvres de la campagne pour établir un gouvernement ouvrier et paysan adhérant à une perspective socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais le 1er avril 2023)

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